dimanche 14 juillet 2013

De la guerre à la psychopathie et ou à la sociopathie

 
La RDC et la sous-région des Grands-Lacs en question
 
Une certaine approche historique de notre destin collectif nous somme d’approfondir la question de la décivilisation et de l’abrutissement telle qu’elle se pose au cours de la période coloniale et de celle néocoloniale.

Cette approche peut nous aider à établir un lien entre la guerre de basse intensité sévissant dans la sous-région des Grands-Lacs Africains comme étant le fruit de l’entretien du processus décivilisateur et abrutissant impérialiste et néocolonialiste et la psychopathie (et ou la sociopathie) dont y souffrent depuis plus de cinq décennies plusieurs acteurs du vivre-ensemble.

Cette approche peut aussi permettre une lecture « clinique » de cette guerre de prédation en plus de celles économicistes et sociopolitiques courantes. 
 
Après l’assassinat de Patrice-Emery Lumumba, un travail en profondeur ne semble pas avoir été sérieusement accompli sur le processus décivilisteur et abrutissant du colonialiste et de ses chiens de garde pour une refondation d’un Etat digne de ce nom au cœur de l’Afrique.

Les différentes sécessions (du Sud-Kasaï et du Katanga) ont entraîné le Congo dans un ensauvagement dont il a eu beaucoup de peine à se départir. Les questions liées à la terre et à la lutte contre l’impérialisme et le néocolonialisme opérant sur fond du capitalisme comme « matrice organisationnelle » ne semblent pas avoir franchi suffisamment le cadre de l’école et de l’université pour un débat populaire reconstructeur du pays.

Des pratiques kléptomaniaques de la dictature mobutienne décriées par la Conférence Nationale Souveraine ne semblent pas, elles aussi, avoir bénéficié d’une étude approfondie pouvant mener à la lutte pour leur éradication : elles ont encore la peau dure aujourd’hui au Congo de Lumumba.

La guerre de basse intensité (orchestrée par l’impérialisme intelligent) que la RDC connaît depuis les années 90 a empiré le processus décivilisateur et abrutissant de ses commanditaires ainsi que de leurs « nègres de service ».

Elle réveille et propage les instincts enfouis tels que la convoitise, la violence, la haine tribale, ethnique et raciale ainsi que la relativisme moral décriés jadis par Aimé Césaire.

 Pour lui, « (…) le grand drame de l’Afrique a moins été sa mise en contact trop tardive avec le reste du monde, que la manière dont ce contact a été opéré : que c’est au moment où l’Europe est tombée entre les mains des financiers et des capitaines d’industrie les plus dénués de scrupules que l’Europe s’est « propagée » ; que notre malchance a voulu que ce soit cette Europe-là que nous ayons rencontrée sur notre route (…). »

A quoi un processus de décivilisation et d’abrutissement réciproques des commanditaires des guerres et de leurs « nègres de service » peut-il aboutir ? A leur déshumanisation, à leur perte du sens des réalités et à un enfermement dans un monde propre à eux. Ce processus peut aussi aboutir à la psychopathie et/ou à la sociopathie.

Et « lorsque les psychopathes (et les sociopathes) prennent le contrôle de la société », celle-ci peut être exposée à sa lente disparition s’ils ne sont pas mis à temps hors d’état d’agir. Ils sont un danger pour la société. « Ce qui distingue ces gens-là de tous les autres est un trou béant dans leur psychisme, là où il devrait y avoir toutes les fonctions d’humanisation les plus évoluées. [1]»

Comment la psychopathie peut-elle être caractérisée ? « La psychopathie peut être caractérisée comme une tendance à la fois à la domination et à la froideur... Les psychopathes sont enclins à la colère et à l’irritation et sont prêts à exploiter les autres.

Ils sont arrogants, manipulateurs, cyniques, exhibitionnistes, à la recherche de sensations, machiavéliques, vindicatifs et intéressés uniquement par leurs propres gains ... ils exigent de l’amour et la reconnaissance sociale et se considèrent comme très dignes et importants, mais n’offrent ni amour ni reconnaissance en retour, car ils considèrent les autres comme indignes et insignifiants.[2] »

Ils ravaleront par exemple leurs concitoyens au rang des chiens et considérerons leur marche en avant comme étant celle de la caravane capable d’écraser « les chiens qui aboient ». K. Magid et C.A. Mckelvey identifient le psychopathe au prédateur.

Elles notent : « Le psychopathe est un prédateur. Si on réfléchit aux interactions entre les prédateurs et leurs proies dans la nature, on peut avoir une certaine idée de ce qui se cache derrière le « masque de santé mentale » du psychopathe.

Tout comme le prédateur qui recourt à des stratagèmes pour s’approcher furtivement de sa proie, pour l’isoler du troupeau, s’en approcher et l’épuiser, le psychopathe se construit toute une panoplie de camouflages sophistiqués, composée de paroles, d’apparences, de mensonges et de manipulations – afin de « tromper » sa proie.[3] »

 Le psychopathe est un malade ; il n’est pas normal. Et « contrairement aux gens normaux qui aiment voir d’autres gens heureux, ou faire plaisir, le psychopathe aime faire souffrir. [4]»

Disons que le processus de décivilisation et d’abrutissement des nécolonialistes, des impérialistes et de leurs « nègres de services » peur les conduire à à la psychopathie, à la rupture avec les principes et les règles liés à la normalité d’un vivre-ensemble humanisant.

D’où la difficulté que plusieurs d’entre eux commis à la tête de plusieurs Etats du monde ont à respecter le droit humanitaire international. Dans les pays de l’Afrique des Grands Lacs, les exemples des psychopathes sont légion. Avec la guerre de prédation, plusieurs « tueurs froids » ont dissimulé leurs identités ougandaises, rwandaises ou burundaises au profit de l’identité congolaise.

C’est sous leur « fausse identité » qu’ils opèrent dans l’armée et dans plusieurs autres institutions congolaises jusqu’à ce jour. Joseph Kabila et son clan, par exemple, ont opéré sous le camouflage du mensonge en faisant passer Bosco Ntanganda[5], sous-officier de l’armée rwandaise, comme « un général » de l’armée congolaise. Avant lui, sous l’AFDL, James Kabarebe, un soldat rwandais, était devenu un chef d’Etat major congolais.

Le Dr Théogène Rudasingwa témoigne de la psychopathie quand, dans un article (intitulé ‘’La vérité enfin ‘’) livrant sa vérité sur la guerre ayant sévit dans son pays, il atteste que « le Rwanda est un pays malade ». Et cette psychopathie s’installe là où l’amnésie et l’ignorance efface facilement les traces de l’histoire.

En outre, les psychopathes peuvent aussi être des sociopathes ou peuvent fabriquer des esprits sociopathes, de petits individus repliés sur eux-mêmes et indifférents à ou dissimulant la souffrance d’autrui. Un vétéran de l’opération américaine en Irak baptisée « Iraqi Freedom » passé par le moule de la sociopathie en témoigne dans une lettre destinée aux siens avant qu’il ne se suicide.

Il leur dit ceci : « Vous ne devez pas vous blâmer. La simple vérité est la suivante : lors de mon premier déploiement, on m’a fait participer à des activités, dont l’horreur est difficile à décrire. Crimes de guerre, crimes contre l’humanité. Bien que je n’aie pas participé volontairement, et j’aie fait de mon mieux, je pense, pour arrêter ces événements, il y a certaines choses dont une personne ne peut tout simplement pas revenir.

J’en ai une certaine fierté, en réalité, revenir à une vie normale après avoir participé à une telle chose serait la marque d’un esprit sociopathe. Ces choses vont bien au-delà de ce dont la plupart peuvent avoir conscience. [6]»

Ce témoignage atteste qu’il est difficile, pour un esprit normal, de sortir indemne de la commission des crimes. (Or, dans la sous-région des Grands-Lacs Africains, plusieurs rapports des experts de l’ONU, des témoins de terrain et des ONG nationales et internationales ne cessent de publier les crimes commis. Donc, cette sous-région doit être peuplée par un bon nombre de psycho et sociopathes.)

Est-il possible aux psychopathes et aux sociopathes de participer aux processus normaux de reconstruction et de refondation des Etats et des vies qu’ils ont contribués à déstabiliser, à déréguler, à détruire et à dégrader sans un détour préalable par « la clinique » ou d’autres centres de rééducation ?

Nous en doutons. Et nous estimons que l’approche économiciste de la guerre et de ses avatars devrait s’accompagner d’autres lectures « cliniques » et humanistes pour en envisager une issue globalisante.

Nous estimons aussi que la sous-région des Grands-Lacs Africains qui éprouve mille et une difficultés à rompre avec la spirale de la violence et de la mort devrait revisiter ses approches de la guerre et de la violence (tout court).

Pourquoi ses solutions politiques et économicistes marquent-elles le pas ? Qui les conduit ? Sont-ce des hommes et des femmes sains d’esprit ou des malades ? Un aveugle peut-il conduire un autre aveugle ?

Le processus de démobilisation et de réinsertion sociale de certains militaires ayant participé à la commission des crimes dans cette sous-région a-t-il touché tous ceux qui étaient concernés ainsi que les commanditaires de cette guerre de basse intensité et leurs alliés de premier plan ?

Pourquoi ceux-ci devraient-ils en être dispensés ?

Si « les chefs » et « leurs clans » sont tombés dans la psychopathie et/ ou dans la sociopathie, ne serait-il pas souhaitable qu’ils soient « internés » là où ils peuvent réapprendre les règles et les principes du vivre-ensemble ?

C’est vrai, parmi « ces chefs », certains, de leur propre mouvement sont passés aux aveux et ont sollicité le pardon de leurs victimes. Certains autres ont répondus de leurs forfaits devant les cours et tribunaux.

Néanmoins, plusieurs vivent encore aujourd’hui, reclus dans leurs bunkers, perpétrant des crimes et s’enfonçant davantage dans la psycho et le sociopathie. Il y a encore du « chemin éthique et spirituel » à faire…

Si la RDC avait réussi à mettre sur pied une véritable Commission (Justice,) Vérité et Réconciliation, elle envisagerait la possibilité d’étudier ces différentes approches de la guerre, leurs incidences sur les acteurs du vivre-ensemble malades et les possibles lieux cathartiques et de rééducation (reformatage) indispensables à sa refondation comme un Etat digne.

Comme le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi, la RDC est un pays en partie malade habité par quelques minorités éveillées et agissantes marginalisées et un bon nombre de psychopathes et/ou sociopathes (aux commandes). Certains le savent. Beaucoup d’autres l’ignorent.

Elle a besoin d’une guérison éthico-spirituelle mesurable (entre autres) à sa capacité d’organiser une politique au service du bien commun, une économie souveraine fondée sur la coopération et le respect de la terre-mère, une bonne justice sociale et des débats humanisants au cours desquels ses filles et fils peuvent s’opposer sans se massacrer[7] ; c’est-à-dire se convertir au convivialisme ré-civilisateur pour un bonheur collectif partagé.

Mbelu Babanya Kabudi
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[1] K. MAGID, C.A. McKELVEY, Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société, dans www.legrandsoir.info, du 27 mai 2013.

[2] Ibidem.

[3] Ibidem.

[4] Ibidem

[5] P. Karegeya, Bosco Ntanganda est Rwandais, RFI du 09 juillet 2013.

[6] D. Somers, « Je regrette d’en arriver là » : les derniers mots d’un soldat, dans www.legrandsoir.info du 03 juillet 2013

[7] Lire A. Calle, Pour un manifeste du convivialisme, Paris, Le bord de l’eau, 2011.
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