lundi 15 juillet 2013

RDC : Le Rwanda et l'Ouganda internationalisent la guerre au Kivu

15/07/2013


Yoweri MUSEVENI, Joseph KABILA et Paul KAGAME

Les services d’information ougandais et burundais interrogés par les experts onusiens ont confirmé la collaboration entre les rebelles ougandais de l’ADF-NALU et les « Shababs » somaliens.

Dans le nord du Nord-Kivu, des enfants sont enlevés dès l’âge de 6 ans et convertis à l’Islam, la présence de combattants étrangers (rwandais, soudanais, tanzaniens) a été repérée au sein des combattants rebelles et dans les camps d’entraînement certains des instructeurs seraient d’origine arabe.

Un nouveau front est-il en train de s’ouvrir dans le Nord Kivu ? La situation est de plus en plus tendue dans le territoire de Beni, proche de l’Ouganda et jeudi à l’aube, l’armée congolaise a repoussé une attaque au niveau de la localité de Komango, qui faisait suite à d’autres offensives.

De l’avis des observateurs, les assaillants, lourdement armés, se sont comportés comme des combattants expérimentés.

L’armée congolaise estime qu’elle se trouve en face d’une coalition rassemblant des miliciens Mai Mai (mouvements armés congolais recrutés sur une base communautaire) et des rebelles ougandais ADF-Nalu.

Ces attaques répétées expliquent la mise en garde proférée voici quelques jours par le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, qui avait dénoncé la présence du groupe terroriste Al-Shabbab aux côtés des rebelles ougandais et assuré que cette coalition préparait une attaque contre la ville de Beni.

Selon lui, la situation est d’autant plus inquiétante que lors de l’attaque de la prison de Beni le 1er juillet dernier, qui avait fait quatre tués, 244 détenus avaient réussi à s’évader.

Alors qu’à Goma, des observateurs étrangers avaient négligé cette mise en garde du gouverneur, estimant que les autorités congolaises avaient tendance à dramatiser la situation dans l’espoir d’accélérer le déploiement et l’entrée en action de la Force d’intervention africaine (3000 hommes venus de Tanzanie, d’Afrique du Sud et du Malawi, toujours en train de s’installer…), l’implication de combattants islamistes est confirmée dans le dernier rapport des experts de l’ONU consacré à la situation à l’Est du Congo.

Le document, daté du 20 juin et soumis au Conseil de Sécurité, relève que l’ADF (Forces démocratiques alliées) est un mouvement rebelle ougandais opérant dans les Monts Ruwenzori, dans une zone d’accès difficile, s’étendant sur l’ouest de l’Ouganda et le « Grand Nord » du Kivu.

Les forces de l’ADF comptent de 800 à 1200 combattants, elles recrutent en Ouganda mais aussi au Congo et selon les observateurs, très rares sont les rebelles qui acceptent de se rendre ou de fuir, l’organisation exerçant une forte emprise sur ses membres.

Les sources consultées par les experts onusiens assurent que Jamil Mukulu, le leader de l’ADF, a établi son quartier général en territoire congolais, au nord est de la localité d’Eringeti, dans un camp appelé Tawheed Muwaheedina (MTM) et que d’autres camps ont été récemment ouverts.

ADF bénéficierait de réseaux de recrutement en Ouganda et au Burundi, qui tous ramènent les nouvelles recrues vers le Congo.

En outre, les autorités congolaises estiment qu’en 2013 seulement, 80 civils, dont des femmes et des enfants, ont été enlevés en territoire congolais, dans les environs de Oicha et de Seringeti. S’ils n’ont pas été utilisés comme porteurs, les civils enlevés ont reçu une formation militaire, les garçons y étant soumis dès l’âge de 10 ans, les filles de 15 ans.

ADF-NALU et Al-Shabab : collaboration parfaite

Les sources de financement de l’ADF sont multiples : transferts d’argent en provenance de Londres, du Kenya et de l’Ouganda, contributions, volontaires ou non, des « taxis motos » opérant entre Butembo, Beni et Oicha, bénéfices tirés de l’exploitation de l’or et du bois exportés vers l’Ouganda.

Les services d’information ougandais et burundais interrogés par les experts onusiens ont confirmé la collaboration entre l’ADF et les « Shababs » somaliens.

Du côté congolais, des responsables de la police nous ont détaillé plusieurs indices inquiétants : dans le nord du Nord-Kivu, des enfants sont enlevés dès l’âge de 6 ans et convertis à l’Islam, la présence de combattants étrangers (rwandais, soudanais, tanzaniens) a été repérée au sein des combattants rebelles et dans les camps d’entraînement certains des instructeurs seraient d’origine arabe.

Si le gouverneur du Nord-Kivu accuse les rebelles ougandais d’ « importer » des « Shababs », d’autres sources policières mettent également en cause le mouvement M23, dirigé par des officiers tutsis proches du Rwanda.

Le chef du département « Jeunesse » du M23, Ali Musagara, de confession musulmane, aurait toutes facilités pour recruter au sein de sa communauté et le président de la communauté musulmane du Nord-Kivu serait proche du M23.

Des sources militaires congolaises nous précisent également que des combattants venus du Darfour et du Sud Soudan (où le Rwanda a déployé un important contingent de Casques bleus) auraient été repérés au sein du M23 alors que le mouvement connaît en ce moment d’importants mouvements de défection et que des armes seraient venues de Somalie.

Ces différents indices traduisent une dangereuse internationalisation du conflit. En effet, les divers mouvements rebelles, que l’armée gouvernementale tente de réduire, sont désormais rejoints par des combattants étrangers ou des jeunes recrutés sur une base religieuse (la communauté musulmane de Goma connaît une rapide expansion).

Et par ailleurs, le camp gouvernemental s’estime militairement renforcé par le déploiement de la Brigade d’intervention africaine et politiquement conforté par les prises de position du président tanzanien Jakaya Kikwete, qui a conseillé au Rwanda d’entamer lui aussi des négociations avec les rebelles hutus, ce qui a jeté un froid entre Kigali et Dar es Salaam…

[L’Avenir - Colette Breackman]

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