vendredi 26 juillet 2013

RDC: HRW dénonce les atrocités du M23 avec son allié rwandais

25. juil 2013

C’est un rapport accablant pour le Rwanda que l’ONG qui défend les droits humains, Human Rights Watch (HRW) vient de publier. Ce document qui décrit les atrocités que les rebelles du M23 continuent de perpétrer à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), apporte également de nouvelles preuves indiquant l’implication large de troupes rwandaises dans ce conflit aux côtés du M23. 
 
« Non seulement le Rwanda permet au M23 de se procurer des recrues et de l’équipement sur son territoire, mais aussi les militaires rwandais continuent d’apporter un soutien direct à ce groupe qui commet des exactions », déclare le directeur de la division Afrique de HRW. Daniel Bekele. 
 
« Ce soutien renforce un groupe armé qui est responsable de nombreux meurtres, viols et autres crimes graves.» poursuit-t-il.

De nombreuses exécutions sommaires et des viols

 
 
« Les rebelles du M23 ont exécuté sommairement au moins 44 personnes et violé au moins 61 femmes et filles depuis mars 2013 dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) » affirme ce rapport publié ce 22 juillet.

HRW annonce avoir recueilli ces informations suite à plus de 100 entretiens réalisés depuis le mois de mars 2013, comprenant des témoignages d’anciens combattants du M23 qui ont déserté ce mouvement entre fin mars et juillet ainsi que des civils vivant près de la frontière rwando-congolaise, dont nombreux sont ceux et celles qui ont été victimes d’exactions.

HRW affirme que les combattants du M23, mènent particulièrement une chasse à l’homme contre les populations de l’ethnie hutue dans les territoires qu’ils contrôlent. 
 
« Les 25 et 26 avril, des combattants du M23 ont tué 15 civils d’ethnie hutue dans plusieurs villages du groupement de Busanza dans le territoire de Rutshuru, et au moins six autres à la mi-juin, apparemment pour « punir » les villageois pour leur prétendue collaboration avec des milices hutues congolaises » indique le rapport.

Le rapport fait également état de nombreux arrestations et enlèvements qui ont eu lieu au cours des dernières semaines dans le territoire de Rutshuru par des combattants du M23. 
 
Les victimes sont des dizaines de civils, la plupart d’ethnie hutue. Les personnes enlevées quand elles ne sont pas exécutées, sont « sévèrement battues, ligotées et gardées prisonnières » rapporte HRW.

Un ancien policier du M23 qui a déserté ce mouvement a rapporté à HRW qu’il avait participé à des enquêtes sur des meurtres de civils. Il a affirmé qu’avant chaque enquête, un commandant de haut rang du M23, Innocent Kanyana lui disait : « C’est toi qui mènera l’enquête. Et tu diras que ce sont des bandits de la région qui ont tué, pas le M23.»

Pendant l’attaque de la nuit du 25 avril, un groupe de combattants du M23 a traversé les villages de Ruvumbura, Kirambo, Nyamagana et Shinda, tuant et pillant sur leur passage. 
 
Une mère de trois enfants, âgée de 43 ans, a dit à HRW: « Quand ils ont commencé à tuer des gens, nous avons fui dans la brousse. Mon mari est retourné chercher nos biens et ils l’ont tué. Ils lui ont tiré une balle dans la tête ». 
 
« Dans la région de Busanza, les combattants ont demandé de l’argent à une femme de 33 ans, quand elle a dit qu’elle n’en avait pas, ils ont entaillé son épaule d’un coup de machette et ont frappé son fils de 11 ans à la tête » relate le rapport.

D’autres cas d’exécutions sommaires par le M23 sont rapportés par HRW à l’instar de celui d’un homme de 62 ans qui a eu lieu fin mai à Ntamugenga car ce dernier refusait de remettre ses fils au M23 ; l’assassinat le 15 mai d’un chauffeur de moto près de Kiwanja parce qu’il refusait de leur donner de l’argent ; à la mi-juin, l’exécution par plusieurs balles dans la poitrine d’un changeur de monnaie.

Plusieurs autres cas d’exécutions sommaires par le M23, sur de nouvelles recrues qui tentaient de s’échapper ont également été rapportés. 
 
Le cas le plus interpellant est celui d’un déserteur connu sous le nom de Tupac : « le 21 juin, les combattants du M23 ont capturé un des leurs, un Congolais nommé « Tupac», alors qu’il essayait de s’enfuir près de Kabuhanga. Ils l’ont ramené au camp militaire de Kamahoro, où le commandant a ordonné à ses troupes de se mettre en formation et de l’abattre pour décourager d’autres désertions. 
 
Ils ont tué Tupac de deux balles dans la poitrine tirées à bout portant ». Un déserteur du M23 a rapporté à HRW qu’il avait été forcé, avec d’autres recrues, d’enterrer Tupac qui venait d’être exécuté.

Viols

Concernant les viols commis par le M23, HRW affirme avoir documenté 61 cas de viol de femmes ou de filles par des combattants du M23 entre mars et début juillet, et affirme néanmoins qu’en raison de la marque d’infamie qui s’attache au viol et de la peur de représailles, le nombre réel des victimes est beaucoup plus élevé. 
 
« Fréquemment, les violeurs avertissaient leurs victimes qu’elles seraient tuées si elles parlaient du viol ou si elles cherchaient à recevoir des soins médicaux » rapporte HRW.

« Beaucoup des victimes de viol étaient dans leurs champs ou entrain de ramasser du bois. Les combattants du M23 ont accusé certaines d’entre elles d’être les « épouses» de combattants des FDLR. La plupart des viols ont été commis à proximité des positions du M23 et certaines victimes ont reconnu leurs agresseurs comme étant des combattants du M23 qu’elles avaient vus auparavant » indique le rapport.

Malgré le silence des victimes, le rapport de HRW mentionne plusieurs cas à l’instar de celui d’une fillette de 12 ans violée le 5 juillet par quatre combattants du M23 alors qu’elle cherchait de l’eau près de son village dans le territoire de Rutshuru ; ou encore le cas d’un combattant du M23 qui le 15 avril 2013 près de Bunagana a accosté une jeune femme de 18 ans et lui a tiré une balle dans la jambe parce qu’elle a refusé d’avoir une relation sexuelle avec lui.

Des recrutements forcés au Rwanda et en RDC impliquant même des jeunes garçons

Selon HRW, les habitants de la région et des anciens rebelles ayant déserté ont fait état d’opérations récentes de recrutement forcé d’hommes et de garçons au Rwanda et à l’Est de la RDC pour le compte de M23.

Parmi les hommes recrutés au Rwanda par le M23, le rapport de HRW affirme que figurent de nombreux jeunes garçons majeurs mais aussi quelques mineurs. Il y aurait également des militaires rwandais démobilisés et d’anciens combattants des FDLR, dont la plupart avaient été intégrés dans la Force de réserve de l’armée rwandaise, ainsi que des civils rwandais. 
 
« Un jeune rwandais âgé de 15 ans a raconté à Human Rights Watch que lui et trois autres jeunes hommes et garçons avaient reçu la promesse d’emplois en tant que gardiens de vaches en RD Congo, mais qu’une fois arrivés dans ce pays, ils avaient été forcés de rejoindre le M23. 
 
Ils y ont suivi une formation militaire dispensée par des officiers rwandais et on les a avertis qu’ils seraient abattus s’ils tentaient de s’enfuir », rapporte HRW.

« De récents déserteurs du M23 interrogés par Human Rights Watch ont décrit des arrivées fréquentes parfois hebdomadaires de militaires et de recrues en provenance du Rwanda. Parfois il s’agissait de rotations, des hommes nouveaux en remplaçant d’autres qui étaient retournés au Rwanda » poursuit le rapport.

HRW assure avoir documenté des dizaines de cas de recrutement de force par le M23 depuis mars, y compris d’enfants. Ces recrutements semblent même avoir augmenté au cours des derniers mois, depuis que le M23 a perdu plusieurs hommes (morts et déserteurs), quand la faction du M23 dirigée par Bosco Ntaganda a subi une défaite en mars face à celle commandée par Sultani Makenga.

Les cas de sept enfants rwandais, âgés de 15, 16 et 17 ans, qui ont été recrutés de force au Rwanda en mars et en avril, puis forcés de se battre dans les rangs du M23, avant de parvenir à déserter ont également été recensés. 
 
HRW affirme avoir reçu des informations concernant d’autres enfants recrutés au Rwanda au cours de ces derniers mois et qui, eux, n’ont pas pu s’enfuir.

Des recrutements forcés seraient également intenses en RDC, surtout dans les zones sous contrôle du M23. Ainsi, « des commandants du M23 ont forcé des chefs coutumiers dans les zones qu’ils contrôlent à suivre une formation militaire et idéologique et à fournir des recrues au M23. 
 
Le M23 considère ces chefs locaux comme constituant une « force de réserve », sur laquelle ils veulent pouvoir compter pour leur fournir un appui lors d’opérations militaires».

Néanmoins, tous les récents déserteurs du M23 interrogés par HRW ont déclaré qu’au cours des derniers mois, le gros de nouvelles recrues provient de plus en plus du Rwanda.

Les troupes rwandaises à tous les échelons du M23

De nombreux bataillons de l’armes rwandaise se battent aujourd’hui aux côtés du M23, et ce sont mêmes les officiers rwandais qui dirigent les opérations. 
 
Un ancien officier du M23 a indiqué à HRW que les femmes des officiers rwandais venaient souvent leur rendre visite dans les zones tenues par le M23 en RD Congo, apportant des lettres de membres de leur famille restés au Rwanda.

Des habitants de la région et des rebelles déserteurs ont déclaré que « des mouvements réguliers du Rwanda vers la RD Congo d’hommes en uniforme de l’armée rwandaise et l’approvisionnement du M23 en munitions, en vivres et en autres fournitures provenant du Rwanda. »

Par ailleurs, tous les déserteurs du M23 interrogés par HRW ont affirmé que la présence de militaires, d’officiers et de formateurs rwandais s’était poursuivie pendant toute la durée de leur engagement au sein du mouvement, et que de nouveaux renforts souvent déjà munis de divers équipements, notamment militaires continuaient d’arriver du Rwanda au cours des derniers mois. 
 
HRW affirme avoir recueilli des informations concernant une augmentation des mouvements d’hommes armés du Rwanda vers l’est du Congo pendant les jours ayant précédé les combats qui ont éclaté le 14 juillet.

Un déserteur congolais a rapporté à HRW, qu’au sein du M23, les Rwandais étaient favorisés.
 
« On leur donne des uniformes immédiatement, des couvertures et des bottes. Ils sont gâtés. Quand ils parlent, c’est comme si ils étaient les patrons du mouvement. 
 
Ils me traitaient de vaut rien et disaient : « tu n’as aucune valeur dans ton pays » ils m’insultaient avec des mots qu’on ne peut prononcer trop fort. Ils disaient « vous les Congolais, vous avez peut être fait des études mais vous n’avez jamais combattu au front. » »

Selon HRW, trois anciens officiers du M23, proches de la hiérarchie du mouvement ont rapporté que les plus hauts commandants militaires du M23 s’entretenaient au téléphone et rencontraient régulièrement des officiers supérieurs de l’armée rwandaise. 
 
Parfois, des officiers rwandais venaient à Tshanzu ou à Rumangabo pour rencontrer les chefs du M23, parfois ce sont les dirigeants du M23 qui se rendaient au Rwanda pour des réunions.

Les informations circulant ces derniers jours nous apprennent même que plusieurs officiers rwandais auraient été tués d’autres blessés dans les combats de ces derniers jours, le général rwandais Ibingira compterait parmi les blessés soignés au Rwanda.

« Au cours des 17 dernières années, l’armée rwandaise a à maintes reprises envoyé des troupes dans l’est de la RD Congo et soutenu des forces agissant pour son compte et qui se sont rendues responsables d’exactions et de crimes de guerre», a souligné Daniel Bekele directeur de la division Afrique à HRW. 
 
« Comme dans le passé, le Rwanda nie qu’il soutient le M23, mais les faits sur le terrain contredisent ces démentis.» poursuit-il. Par ailleurs, HRW affirme que, toutes les demandes d’entretien adressées à des responsables gouvernementaux et militaires rwandais sont restées sans réponse de leur part.

Les Etats-Unis haussent le ton envers le Rwanda

Accusé depuis le début des hostilités à l’est du Congo de ne pas avoir condamné ouvertement le Rwanda, les États-Unis ont adopté ce mardi le 23 juillet, un ton très sévère à l’encontre de Kigali, le sommant de retirer ses troupes de la RDC et de cesser son soutien aux rebelles du M23. 
 
Cet appel qui intervient au lendemain de la publication du rapport de HRW épinglant le Rwanda pour son implication dans la crise congolaise à côté du M23, est une première pour les Etats-Unis. 
 
En effet Washington s’était, jusque-là, contenté d’appeler tous les pays soutenant le M23 à cesser leur appui, sans mentionner les pays en question.

« Nous appelons le Rwanda à cesser immédiatement tout soutien au Mouvement du M23, à retirer son personnel militaire de l’est de la RDC et à respecter ses engagements », a déclaré ce mardi à la presse la porte-parole du département d’État, Jennifer Psaki.

Jennifer Psaki a affirmé qu’il y avait un « ensemble de preuves crédibles » reliant les principaux dirigeants rwandais aux rebelles du M23 qui sèment le chaos à l’est de la RDC.

Pour rappel, dans un rapport de l’ONU le ministre rwandais de la défense, James Kabarebe, est cité comme étant le véritable chef du M23.

Jean Mitari
 

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