dimanche 28 juillet 2013

Rinaldo Depagne sur RFI: en 2015, la succession de Blaise Compaoré s'annonce problématique

Un soldat de l'armée burkinabaise salue Blaise Compaoré, le 1er avril 2011.
Un soldat de l'armée burkinabaise salue Blaise Compaoré, le 1er avril 2011.
AHMED OUOBA / AFP

Par Anthony Lattier
 
2015, une année qui s'annonce à risque pour le Burkina Faso. Dans moins de trois ans, les électeurs seront appelés à élire leur président. Blaise Compaoré - au pouvoir depuis un quart de siècle - va-t-il chercher à se maintenir ou bien va-t-il laisser la main ? 

Dans les deux cas, «le risque qu'une crise politique et sociale survienne est réel» d'après le dernier rapport de l'International Crisis Group

Pour quelles raisons? Quelles sont les facteurs de déstabilisation possibles? Pour en parler, Anthony Lattier reçoit Rinaldo Depagne, l'analyste principal de l'International Crisis Group pour l'Afrique de l'Ouest.

RFI : Dans votre rapport, vous évaluez la situation politique au Burkina Faso et la question de la succession de Blaise Compaoré.  « Une succession problématique » dites-vous. Pour quelles raisons ?

Rinaldo Depagne : Cette succession et cette question se pose pour la première fois depuis l’arrivée au pouvoir en 1987 de Blaise Compaoré, car il ne peut pas se représenter, à cause d’un article de la constitution qui lui interdit de le faire, c’est l’article 37.

Il est maintenant face à deux chemins. Le premier consisterait à passer en force, en modifiant la constitution et là c’est dangereux parce que cela peut provoquer des réactions violentes et créer une crise politique assez grave.

La deuxième, c’est qu’il parte, qu’il dise « je ne me représente pas » et là on a un autre problème : on est en face d’un pays qui a été gouverné par la même personne et la même équipe pendant 25 ans et s’ils partent ça va créer un appel d’air, un vide.

Il y aura très certainement, et on l’espère, une élection présidentielle avec deux candidats, un du parti de Blaise Compaoré et un autre de l’opposition. Et là on se retrouvera devant une autre question : est-ce que le perdant de cette élection acceptera sa défaite ?

Sachant que l’opposition n’est pas certaine de l’emporter, elle a des chances mais le parti présidentiel, même sans Blaise Compaoré, a encore de nombreux supporters au Burkina Faso.

« L’emprise d’un seul fragilise l’idée d’une transition souple », c’est ce que vous dites également dans votre rapport...

Oui, parce que cette emprise-là, n’a pas permis beaucoup d’alternatives pour s’épanouir. Du côté de l'opposition, on est resté très longtemps avec une opposition très fragmentée, avec beaucoup de problèmes financiers et aussi assez peu d’idées.

Pendant longtemps pour l’opposition, le programme politique consistait juste à se débarrasser de Blaise Compaoré, il n’y avait pas de proposition plus charpentée que celle-là. Et de l’autre côté, Blaise Compaoré a pris toute la place et donc il laissait très peu d’espace à ses collaborateurs ou membres influents de son parti, pour se développer.

Vous soulignez quand même que la crise du printemps 2011 a changé la donne politique ?

Oui, elle a changé la donne politique et pour plusieurs raisons, dont une qui est que l’armée a participé à cette crise, contre Blaise Compaoré, ou en tout cas au début de la crise. Cela a changé les choses et a fragilisé le régime de Blaise Compaoré, cela l’a un petit peu décrédibilisé.

C’est un régime qui se présentait comme le garant de la stabilité et tout d’un coup, on a vu des militaires sortir dans la rue, agresser les populations et puis, le régiment de sécurité présidentielle, la garde personnelle de Blaise Compaoré, tirer quelques munitions à l’intérieur même du palais présidentiel. Donc il a été un peu, symboliquement déjà, abimé par ces évènements.

Et l’opposition, également, a changé de visage ?

Oui, cette opposition a changé, elle est maintenant animée par de nouveaux leaders, en particulier un qui s’appelle Zéphirin Diabré et qui est un homme qui a participé au système Compaoré. C'est une opposition qui semble un peu plus unie que par le passé.

L'article 37  sur la succession de Compaoré l'a un peu unifiée. Elle a un chef de file, Zéphirin Diabré, qui semble avoir un petit peu plus de force que les précédents.

Et concernant la situation dans la région, vous l’évoquez, Blaise Compaoré a su en quelque sorte, se rendre indipensable à l’extérieur, notamment en étant 7 fois médiateur depuis 1990. C’est l’une de ses forces ?

Oui, c’est l’une de ses grandes forces, notamment pour s’attirer les bonnes grâces des pays occidentaux, la France et les Etats-Unis en particulier. C’est quelqu’un sur qui ces puissances peuvent compter pour déléguer des médiations et c’est quelqu’un qui a très certainement été animé par une passion pour la diplomatie et qui a obtenu quelques résultats.

Ces médiations sont aussi critiquées mais elles ont une continuité. Dans le cas ivoirien, elles ont débouché sur, non pas un accord de paix, mais un accord politique qui était l’accord politique de Ouagadougou qui a, si ce n’est réglé, au moins gelé le conflit et fait baisser la tension en Côte d’Ivoire.

Sur le dossier malien, on a vu très récemment cet accord qui a été signé à propos de Kidal et qui est peut-être une des réussites de Blaise Compaoré. Et d’avoir fait aussi évoluer son rapport avec l’extérieur.

Il faut rappeler que les premières interventions à l’étranger du régime Compaoré étaient au Libéria, pas pour faire une médiation, mais pour aider Charles Taylor à renverser Samuel Doe.

Donc au départ, il y a un rôle, disons déstabilisateur, et ensuite il y a eut une évolution, plutôt positive, vers un rôle de règlement de conflits.

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