Après 33 ans à la tête du Zimbabwe, Robert Mugabe brigue un nouveau mandat. Malgré ses dérives autoritaires et un bilan économique désastreux, il compte de nombreux partisans, notamment chez les personnes âgées et dans les campagnes.
Des rumeurs le disent fatigué, d’une lucidité déclinante et atteint d’un cancer de la prostate. Mais à 89 ans, et après 33 ans de règne ininterrompu, Robert Mugabe s’accroche toujours à son fauteuil de président.
L’homme fort de Harare se dit même très confiant alors que se déroule, mercredi 31 juillet, l’élection présidentielle. Face à lui, son Premier ministre depuis 2009 et adversaire historique, Morgan Tsvangirai.
Les deux hommes s’affrontent à chaque présidentielle depuis le scrutin de 2002, entaché de fraudes selon les observateurs internationaux, à l’issue duquel Morgan Tsvangirai s’était incliné avec 43 % des votes contre 57 % en faveur de Robert Mugabe.
Au cours de la dernière élection, en 2008, Morgan Tsvangirai avait en revanche pris l’avantage au premier tour en obtenant 47 % des voix contre 43 % pour le chef de l’État sortant. Le leader du Mouvement pour le changement démocratique (MCD) n’a pourtant jamais participé au second tour.
Les partisans de Robert Mugabe ont déclenché une vague de violences dans le pays à l’entre-deux tours, au cours desquelles 200 personnes ont perdu la vie, contraignant l’adversaire du président sortant à retirer sa candidature pour éviter la guerre civile.
Sous la pression internationale, Mugabe a fini, en 2009, par nommer son adversaire à la tête du gouvernement.
L'octogénaire populaire chez les personnes âgées
Aujourd’hui, l’actuel chef de l’État, malgré des violations graves et répétées des droits de l’Homme, ses dérives autoritaires et son bilan économique catastrophique, compte toujours de nombreux partisans au Zimbabwe.
"Mugabe reste populaire chez une grande partie de la population, notamment chez les personnes âgées qui ont vécu la période de la guerre qu’a menée Robert Mugabe pour la décolonisation du Zimbabwe, explique Emmanuel Goujon, fondateur de la société de conseils Africa Global Approach.
Il ne faut pas oublier qu’il a été un héros africain dans les années 1980, qu’il a mené son pays à l’indépendance et à la fin d’une situation d’apartheid où la minorité blanche dominait la majorité noire. Et ça, c’est resté dans les mémoires des gens".
Artisan d’une redistribution des terres dans le cadre d’une vaste réforme agraire au début des années 2000, Robert Mugabe jouit également d’une grande popularité dans les campagnes.
Alors qu’une infime minorité, 1 % de la population zimbabwéenne, essentiellement blanche, possédait 70 % des terres arables du pays, "Comrade Bob" a confisqué les terres de 4 000 fermiers Blancs pour les donner notamment à des familles rurales pauvres. La cause aussi noble puisse-t-elle être, a eu des conséquences économiques catastrophiques.
"Les terres ont été redistribuées à des gens qui n’avaient pas toujours la capacité, la connaissance suffisante pour mettre ces terres en valeur", explique Emmanuel Goujon. Avant le début de la réforme agraire en 2 000, le pays était surnommé le "grenier à blé de l’Afrique australe".
L’économie nationale s’appuyait principalement sur les exportations agricoles. Mais le rendement des exploitations a dégringolé après la réforme agraire, et le pays, qui participait auparavant à l’approvisionnement du Programme alimentaire mondial, est devenu tout à coup demandeur, pour nourrir près d’un quart de sa population, de l’aide alimentaire de l’ONU.
Tsvangirai affaibli après la cohabitation
Au-delà du secteur agricole, les trois décennies de Mugabe au pouvoir n’ont pas été florissantes pour le pays.
En 2008, lors de la précédente élection présidentielle, l’inflation était si forte qu’elle n’était pas précisément chiffrable, certains économistes ont estimé à plus de 231 000 000 % la dévaluation de la monnaie nationale en 2008.
Le chômage atteignait 94 % de la population active fin 2007. Dans les supermarchés, les rayons étaient vides, trouver des denrées de bases relevait alors de l’exploit.
Aujourd’hui, après quatre ans de cohabitation à la tête de l’État, "la situation s’est un peu améliorée même si la croissance a été revue un peu à la baisse, estime Emmanuel Goujon. Mais rien n’est véritablement réglé pour autant.
Environ 80 % de la population est encore au chômage, environ deux millions de Zimbabwéens sont partis à l’étranger. La situation n’est pas encore au beau fixe : beaucoup de jeunes fuient le pays parce qu’ils n’ont aucune perspective d’avenir au Zimbabwe".
Et c’est précisément parmi les jeunes – 30 % des Zimbabwéens ont moins de 30 ans – que l’adversaire de Robert Mugabe puise son électorat. Mais, selon Emmanuel Goujon, il n’a pas su tirer profit de ces quatre années à la tête du gouvernement.
"Morgan Tsvangirai a été aux commandes pendant plusieurs années, et il n’a pas réussi à capitaliser sur les succès du régime. Toutes les réussites un peu frappantes, Mugabe se les est attribuées. Tsvangirai apparaît ainsi un peu affaibli par cette situation de partage de pouvoir avec Mugabe".
Caroline DUMAY, envoyée spéciale FRANCE 24 au Zimbabwe
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