04/08/2013
Le président zimbabwéen Robert Mugabe vote à Harare, le 31 juillet 2013.
© AFP
Le président zimbabwéen Robert Mugabe, 89 ans, a été
proclamé vainqueur samedi de la présidentielle avec 61% des voix et une
majorité des deux tiers à l'Assemblée, broyant tout espoir d'alternance
démocratique, après un scrutin constesté par son principal rival.
Mis au ban des nations dans les années 2000 pour ses atteintes aux droits de l'homme et forcé depuis 2009 de partager le pouvoir pour éviter une guerre civile, M. Mugabe a été déclaré "dûment élu" dès le premier tour par la commission électorale (ZEC).
Largement battu avec 34% des voix et prié par la communauté d'Afrique australe (SADC) de concéder la défaite malgré des doutes sur "l'honnêteté" du scrutin, son principal rival Morgan Tsvangirai, ne pouvait plus se raccrocher qu'à l'espoir très hypothétique de prouver les fraudes en justice.
"Nous ne participerons pas aux institutions du gouvernement", a-t-il annoncé après une réunion de crise des instances dirigeantes de son parti, le MDC, associé depuis 2009 à l'exercice du pouvoir dans un gouvernement d'union nationale. "Nous irons en justice", a-t-il ajouté, dénonçant "une élection illégale" après avoir fustigé "une énorme farce".
150 circonscriptions sur 210 pour le Zanu-PF
La commission électorale avait asséné auparavant le coup de grâce à M. Tsvangirai en déclarant la Zanu-PF de M. Mugabe élue dans 150 circonscriptions sur 210, une majorité qualifiée qui le place en position d'amender la nouvelle Constitution récemment promulguée.
Morgan Tsvangirai et son parti du MDC, majoritaire à l'Assemblée depuis 2008, n'a obtenu que 49 sièges submergé par une marée verte, la couleur présidentielle, même dans les grandes villes de Bulawayo et Harare où il était réputé soutenu.
Dans sa croisade contre les fraudes, il a reçu le soutien d'un membre de la commission électorale Mkhululu Nyathi qui a démissionné, en dénonçant le manque d'intégrité dans le processus.
L'Union européenne s'est aussi inquiétée samedi des "irrégularités présumées et de la participation incomplète (au scrutin), ainsi que des faiblesses identifiées dans le processus électoral et le manque de transparence". De son côté, Londres a émis de "sérieux" doutes samedi quant aux résultats des élections.
Calme résigné
Pour leur part, plusieurs ministres proches du président Mugabe, ont appelé samedi les Occidentaux à lever leurs sanctions, après les élections à l'issue d'un scrutin "démocratique", selon eux.
L'Union européenne a suspendu en début d'année la plupart des sanctions imposées en 2002 et qui ne visent plus dix personnalités dont M. Mugabe, toujours persona non grata, et deux sociétés.
Samedi soir, les rues de Harare étaient toujours calmes, aucun des deux camps ne se risquant à manifester. "Ils peuvent bien avoir tout le Parlement, quelle différence cela va-t-il faire pour la vie des Zimbabwéens", s'est exclamé durant son point presse M. Tsvangirai, se disant sans regret d'avoir participé à une cohabitation alors qu'en 2008, il aurait pu gagner la présidentielle.
"Nous avons sauvé le pays"
"Pour le salut de la population, c'était la bonne décision. Nous avons sauvé le pays", a dit M. Tsvangirai, les mains vides après avoir incarné depuis la fin des années 1990 l'espoir d'une alternance démocratique et piloté un début de redressement économique ces dernières années.
Il s'est aussi gardé d'appeler à manifester, alors que la peur des tabassages policiers et le souvenir des violences de 2008 sont dissuasifs. M. Tsvangirai avait fait le choix de ne pas boycotter les élections qu'il savait organisées à la va-vite sous la pression du camp présidentiel.
Les listes électorales ont été publiées moins de 24 heures avant l'ouverture des bureaux de vote, ne permettant aucune vérification sérieuse, et a fortiori, aucun recours. Et de nombreux électeurs ont été déroutés de ne pas trouver leur nom dans leur habituel et d'autres aidés à voter.
Mais l'écart des voix est spectaculaire, a fait remarquer un porte-parole de la Zanu-PF Rumbare Gumbo. "C'est leur droit d'intenter des recours. C'est une bonne chose, c'est la route de la sagesse, malheureusement je ne crois pas que les tribunaux diront autre chose", a-t-il dit.
En 2008, le Zimbabwe avait connu des journées de terreur et frôlé la guerre civile quand les partisans de M. Mugabe, distancé au premier tour de la présidentielle, s'étaient déchaînés. M. Tsvangirai avait jeté l'éponge après la mort d'environ 200 sympathisants, laissant M. Mugabe gagner seul en lice.
Dans un pays toujours plongé dans l'incertitude créée par la corruption et les lois sur l'indigénisation pour restituer le contrôle de l'économie à des Zimbabwéens noirs, quand ce n'est pas à des proches du président, l'ampleur de la victoire de M. Mugabe pourrait donner des ailes aux durs de son parti mais risque de ne pas rassurer les investisseurs étrangers, qui étaient de retour depuis 2009.
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