mercredi 16 octobre 2013

Est de la RDC : mais qui sont les 200 familles venues du Rwanda?

 

Qui sont-ils et que viennent-ils faire chez nous? 

Les « deux cents familles » installées depuis le 30 septembre à Chengerero suscitent bien des interrogations dans ces montagnes de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), où l’on doute que les nouveaux venus soient Congolais.

Alors que la ligne de front entre l’armée régulière et les rebelles du Mouvement du 23 Mars (M23) n’a plus bougé depuis fin août et que les deux parties négocient à Kampala une fin à plus de dix-huit mois de conflit, l’arrivée surprise de ces familles en zone rebelle alimente toutes les rumeurs.

Les frontières du Rwanda et de l’Ouganda – deux pays régulièrement accusés, malgré leurs démentis, de soutenir le M23 – sont à un jet de pierre, dans un paysage de bananeraies et de collines verdoyantes, au coeur de la province du Nord-Kivu.

Le gouvernement congolais, les autorités de la province à Goma (la capitale provinciale en zone sous contrôle de Kinshasa) et la société civile craignent que ces migrants soient en fait des Rwandais venus renforcer la rébellion ou que les nouveaux venus servent de bouclier humains en cas de reprise des combats.

« Je ne connais aucun d’entre eux, je ne sais pas d’où ils sont », dit un voisin qui, comme tous les habitants interrogés, demande que son anonymat soit strictement garanti.

« Nous n’y comprenons rien, pourquoi sont-ils venus dans la zone de la rébellion plutôt que de passer par celle tenue par le gouvernement? », s’étonne un autre.

« Parce que c’est un havre de paix », assure très sérieusement de son côté Amani Kabasha, chef de la communication du M23.

Tutsis rwandophones

M. Kabasha a tenu à accompagner deux journalistes de l’AFP venus rencontrer les nouveaux habitants qui s’entassent dans l’école trop petite du village, et sont en train de se faire enregistrer par une équipe du Haut Commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR).

Sur une cinquantaine de personnes interrogées, presque toutes disent avoir fui le Congo entre fin 2012 et début 2013 pour se réfugier au Rwanda. 

Beaucoup ont une carte d’électeur congolaise à leur nom. Beaucoup disent aussi avoir perdu le précieux document dans leur fuite, ou encore l’incendie du logis familial.

Tous parlent le kinyarwanda ou le swahili, deux langues parlées dans cette partie du nord-Kivu, mais également au Rwanda voisin.

Leur chef, Elie Rushimwe, explique qu’ils arrivent surtout de camps de réfugiés au Rwanda, mais aussi en Ouganda, et que d’autres continuent à arriver.

« La majorité sont des Tutsis », dit-il. Tutsis et Hutus rwandophones -de nationalité congolaise- vivent nombreux dans la région, descendants des vagues de peuplement successives venues du Rwanda depuis la première guerre mondiale quand les colons belges cherchaient des bras pour développer l’agriculture locale.

« De quoi se nourrir »

L’Est de la RDC est déstabilisé depuis le génocide anti-Tutsi de 1994 au Rwanda, qui a entraîné des mouvements de population considérables de part et d’autre de la frontière. 

La faiblesse de l’Etat congolais, l’instrumentalisation d’une multitude de groupes armés locaux par les pays de la région comme Kinshasa, et la richesse du sous-sol congolais, ont nourri deux décennies de guerre et de violences. 

La nationalité des populations rwandophones locales est l’une des principales problématiques du conflit.

« Personne ne nous a dit de venir ici », affirme M. Rushimwe. Selon M. Kabasha pourtant, les réfugiés ont été « regroupés » un peu plus au sud « il y a trois mois » par le M23 avant d’être amenés à Chengerero.

Les nouveaux arrivants disent avoir débarqué de jour, alors que plusieurs autochtones affirment « avoir découvert leur présence au matin » ou les avoir vu arriver de nuit par convoi militaire.

Difficile donc d’y voir clair sur leur véritable identité. Comme beaucoup, Isaac Kumbuye affirme que c’est la faim qui l’a fait quitter le Rwanda et qu’il y avait « beaucoup de décès » à Kigeme.

La section rwandaise du HCR indique pour sa part que le taux de mortalité de ce camp « n’est pas jugé alarmant », avec des rations alimentaires normales.

Le train de vie de certains surprend un villageois. « Ces réfugiés-là viennent acheter au marché et ont de quoi se nourrir », observe-t-il, affirmant que depuis peu « d’autres réfugiés sont arrivés à Chanzu », non loin de là. Mais c’est une base militaire du M23. 

L’AFP n’y aura pas accès et M. Kabasha dément vigoureusement les allégations selon lesquelles son mouvement y formerait des réfugiés revenus pour en faire des combattants.
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© 2013 AFP

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