jeudi 24 octobre 2013

Les Etats-Unis en première ligne pour sortir de la crise dans l’est de la RDC

 

Pour Washington, longtemps perçu comme un allié du Rwanda, le règlement de la crise dans l’est de la RDC est devenu une priorité. 

Après avoir assisté aux discussions de paix de Kampala, le représentant spécial des Etats-Unis pour les Grands Lacs a rencontré le président congolais ce mardi 22 octobre. Il doit se rendre mercredi à Kigali, où il pourrait rencontrer le président rwandais. 

« Tout ce qu’il veut, c’est que la crise soit résolue », explique une source officielle américaine. « Il », c’est le nouvel envoyé spécial américain pour les Grands Lacs, Russ Feingold. 


L’ancien sénateur du Wisconsin a été nommé à ce poste en juin dernier par le secrétaire d’Etat américain John Kerry. Il n’a pris ses fonctions que début septembre, mais il en est déjà à sa deuxième tournée dans la région.

La semaine dernière, la communauté internationale avait décidé d’accroître la pression, à la fois sur le gouvernement congolais de Joseph Kabila et sur le mouvement rebelle du 23-Mars (M23), afin d’arracher un accord dans les discussions de paix de Kampala. 


Des cinq envoyés spéciaux pour les Grands Lacs dépêchés sur place, l’émissaire américain a été le dernier, avec le chef de la Monusco Martin Kobler, à quitter la capitale ougandaise, assistant aux négociations jusque tard dans la nuit dimanche.

Un très bon connaisseur de la région

Russ Feingold est l’un des poids lourds du Parti démocrate. La presse américaine estime qu’il pourrait participer à la primaire de 2016 ou être un bon choix de vice-présidentiable pour le candidat démocrate à la prochaine présidentielle. 


Il est notamment connu pour avoir été le seul sénateur à avoir voté en 2001 contre le Patriot Act, une loi antiterroriste adoptée au lendemain des attentats du 11-Septembre. Un texte considéré comme liberticide par de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme.

L’essentiel de sa carrière au Sénat, Russ Feingold l’a faite au sein de la sous-commission des Affaires étrangères en charge de l’Afrique. Il y a passé 16 ans, dont la moitié en tant que président, dans des périodes clés pour les Grands Lacs. 


C’est lui qui la dirigeait lors de la signature des accords de paix de Sun City en 2002, ouvrant la voie à la transition au Congo.

Il était à nouveau président de cette sous-commission entre 2007 et 2011, lors de la signature de l’accord du 23 mars 2009 entre la rébellion du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) et le gouvernement congolais, un accord dont la non-application est dénoncée par le M23. 


C’est d’ailleurs l’origine du nom de cette rébellion. Le premier voyage de Russ Feingold dans les Grands Lacs date de 1999. A l’époque, il assistait l’ambassadeur américain à l’ONU, Richard Holbrooke, dans la préparation des accords de paix de Lusaka entre tous les pays de la région.

Ne pas répéter les erreurs du passé

Les Etats-Unis ont longtemps été perçus comme l’un des alliés de poids du Rwanda, qui est aujourd’hui accusé par Washington de soutenir le M23. Depuis le génocide de 1994, des liens privilégiés s’étaient créés entre l’administration démocrate de l’époque et Kigali. 


Bill Clinton avait été l’un des premiers leaders étrangers à reconnaître sa responsabilité, y compris personnelle, dans l’absence de réaction de la communauté internationale face au drame rwandais.

Mais depuis la création du M23, en mai 2012, Washington a durci le ton avec Kigali, suspendant en 2013 – pour la deuxième année consécutive – son aide militaire. 


« Nous avons l’impression d’avoir un interlocuteur, il comprend nos préoccupations », explique l’un des membres de la délégation du gouvernement congolais dans les pourparlers de paix de Kampala, ajoutant qu’il estime que la RDC a « enfin » le soutien des Etats-Unis.

Dans ses échanges avec ses interlocuteurs congolais, selon plusieurs sources, Russ Feingold insiste sur la nécessité pour Kinshasa de ne pas accorder une amnistie générale aux éléments du M23, et en particulier aux commandants sous sanctions internationales et coupables de crimes de guerre. 


Il insiste aussi pour que l’ensemble des troupes rebelles ne soient pas réintégrées. C’est ce que défend aujourd’hui Kinshasa dans les négociations de Kampala. « Il s’agit simplement de ne pas répéter les erreurs du passé », explique-t-on côté américain.

Lutter contre tous les groupes armés

L’envoyé spécial américain pour les Grands Lacs insiste aussi sur la nécessité, pour la nouvelle brigade d’intervention rapide de la Monusco, de lutter contre les autres groupes armés, et notamment les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), les rebelles hutus rwandais que Kigali considère comme une menace pour sa sécurité. 


« C’est un point que l’on apprécie chez lui », explique un responsable rwandais, se refusant à plus de commentaires.

Selon un diplomate en poste dans la région, « Feingold a sans doute la position la plus équilibrée qui puisse exister, compte tenu de son objectif : mettre fin aux rébellions à répétition au Congo et à toute ingérence étrangère. » 


Vendredi dernier, les cinq envoyés spéciaux pour les Grands Lacs, dont Russ Feingold, se sont rendus à Kigali. Durant le week-end, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a appelé le président rwandais Paul Kagame.

Quelques jours plus tard, c’est encore à Kigali que se rend l’ancien sénateur du Wisconsin. « S’il y a des pressions à exercer, il faut le faire sur les deux parties, le M23 et le gouvernement congolais », explique un diplomate rwandais, ajoutant que le Rwanda avait soutenu depuis le départ les pourparlers de Kampala et avait tout intérêt à la paix. 


« Nous subissons aussi les conséquences de cette guerre », conclut ce diplomate citant – à titre d’exemple – la trentaine de bombes que le Rwanda affirme avoir reçues sur son territoire.
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Sonia Rolley  
Direct!cd

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