samedi 19 octobre 2013

Rwanda : Les miettes de l'arnaque

Lundi 23 septembre 2013

Une élection c'est normalement, pour des gens civilisés, un exercice pour choisir une personne ou un parti (entre plusieurs autres) qu'on nommera ensuite par adhésion ou approbation. Du latin eligere : « choisir ». 



Le mot élection a cependant une toute autre signification dans la civilisation afande, celle imposée aux Rwandais depuis 1994 par le maudit agafuni et le fameux AK47. 

Ici, ni adhésion ni approbation, mais peur et résignation. Ainsi se conjugue la démocratie version Front patriotique rwandais. 

La mission d'observation de l'Union européenne avertissait déjà en 2003 : « de sérieux problèmes ont affecté les campagnes électorales ainsi que les journées électorales. La compétition a été inégale et sans véritable opposition. Le Fpr et son candidat Paul Kagame ont dominé les deux campagnes électorales qui ont par ailleurs été marquées par un climat d’intimidation, des interpellations et des arrestations. Lors des journées électorales, de nombreuses irrégularités et fraudes ont eu lieu et le manque de transparence du processus de consolidation des résultats a été manifeste ». 

La question est de ce fait : comment peut-on, sans une véritable opposition et dans un climat d'intimidation, voter significativement ? 

La réponse viendra, sous forme de quatre dates, du boss lui-même lors du référendum de 2010. 24 juin : arrestation de maître Bernard Ntaganda (il sera condamné à 4 ans et détenu dans une prison où il est privé de nourriture et de soins) 


; 6 juillet : arrestation de Victoire Ingabire Umuhoza la candidate des Forces démocratiques unifiés (elle écopera de 8 ans de prison pour des faits sortis tout droit des rêves du parquet); 

13 juillet : décapitation, à Butare, de l'opposant André Kaggwa Rwisereka du Green party. Climat d'intimidation, disions-nous. 

Il s'agit ici d'un message clairement envoyé aux électeurs qui auraient pu tenter de voter pour ces politiciens. Voilà comment ce qui, ailleurs, est choix bien appréciable devient en Afandie un simple référendum dont la question – toute aussi simple – est : « Au vu du sort réservé aux candidats de l'opposition, avez-vous toujours envie de voter pour leurs partis »? 

Bien évidemment, non ! Et c'est cela la manifestation de l'amour du peuple pour son « guide éclairé ». En guise de bouquet final et comme pour célébrer sa « victoire », une autre date viendra s'ajouter à cette série noire de 2010 : le 17 septembre en effet, l'opposant Deo Mushayidi est condamné à la prison à perpétuité. 

Peu importe donc si, juste après cette farce électorale, un représentant des amis du vainqueur (Mike Hammer, porte-parole du National Security Council américain) dira que « Democracy is about more than holding elections » et que « a democracy reflects the will of the people, where minority voices are heard and respected, where opposition candidates run on the issues without threat or intimidation, where freedom of expression and freedom of the press are protected ». 


L'important pour l'Afandie avait bel et bien été réglé. En un tour de force que Kagame a voulu magistral : ils ont voulu les élections ? Ils les ont eues ! 

Ils, ce sont bien entendu tous les organes critiques vis-à-vis de cette dérive dictatoriale de plus en plus inquiétante de la clique Kagame. 

Ils avaient pourtant été bien avertis lorsque, à travers des confidences intempestives faites après une autre victoire - militaire celle-là, un des membres éminents du Fpr lançait en 1994 : « vous les Rwandais de l'intérieur (êtes) naïfs comme les Blancs » (Lire à ce propos l'ambassadeur Jean-Marie Vianney Ndagijimana dans son livre Paul Kagame a sacrifié les Tutsi, éd. La Pagaie)

Cela a un nom : du mépris et ce qui en découle, de l'arnaque. 

Sauf qu'en escroquant le peuple rwandais (et ses partenaires), rafler toute la mise n'a jamais arrangé les affaires du Fpr ni de son patron. 


Ils veulent tout le gâteau à eux seuls, mais des miettes symboliques sont à chaque fois réservées aux Yes Men qui ont choisi d'abandonner le peuple à son pire ennemi, la dictature. 

En 2008 comme maintenant, les écuyers d'Afandie se partagent quelques 20% seulement des suffrages « exprimés ». Si en 2010, Kagame a sermonné les maires des communes qui ne lui avaient pas assuré 101%, aujourd'hui en allouant des sièges futiles à ses satellites, c'est le peuple tout entier qu'il pousse au bout dans sa soif de vraie liberté. 

Parce qu'avec cette façon d'arranger les élections, il rappelle tout simplement que la réconciliation est un mot creux, un concept ne lui servant qu'à attirer plus de devises. 

Il est où le poids des Fdu ? Du Rnc, du Rdi, du Pdp et de tous les partis qui n'ont pas encore voix au chapitre alors qu'on ne cesse de répéter aux crédules que l'espace politique est ouvert en Afandie... 

N'est-ce pas John Fitzgerald Kennedy qui disait qu'à vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes? 

Esquivant la question d'un journaliste à propos de sa gloutonnerie politique, le chef du Fpr aura cette phrase à l'intention des journalistes : «Vous avez des yeux? Servez-vous en pour voir ce qu’il se passe tout autour». Il ne croyait pas si bien dire le président. 


Tout autour, il y a des citoyens qu'on emprisonne parce qu'ils ont prié chez eux ; il y en a qu'on embastille parce qu'ils ont, dans une lettre, interpellé le premier ministre. Il y a des ex-militaires que l'on kidnappe en Ouganda. 

Il y a une inflation qui « ramène les paysans à leurs houes » et la famine gronde. Il y a des refoulés de Tanzanie qui paient le prix d'une provocation gratuite. 

Oui, tout autour il y a la peur du lendemain et des voisins dont se moquent les stratèges du régime sans se soucier du proverbe français disant « Il ne faut pas se moquer de la peine du voisin car la vôtre arrive le lendemain matin ». Alors législatives ou arnaque ? Bof... 
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Cecil Kami (DHR)

 

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