Les rebelles du M23 fuient devant l’avancée de l’armée congolaise, qui gagne du terrain jour après jour.
Le Nord Kivu, cette riche région du nord-est de la République démocratique du Congo qui attire la convoitise de pays voisins, au premier rang desquels le Rwanda ou l’Ouganda, réintègre la mère-patrie à mesure de l’avancée des soldats.
Cependant, la guerre n’est pas gagnée et la rébellion du M23 n’est qu’un élément de la crise du Kivu. Explications avec Gaspard-Hubert Lonsi Koko, essayiste et observateur des rapports Nord-Sud.
Des éléments du M23 pr-ès de Goma, capitale du Nord-Kivu. Photo : Gabe Joselow/Wikimedia Commons / cc
L’armée congolaise, appuyée par les forces de l’ONU, semble gagner de plus en plus de terrain face au M23. Peut-on déjà parler de déroute ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Il est plus prudent de ne pas vendre la peau de l’ours avant d’être sûr de l’avoir abattu. Neutraliser les éléments du M23 est une chose. Stabiliser complètement la région du Kivu en est une autre.
Le M23 étant l’émanation du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), rien ne garantit que sa décapitation ne va pas générer d’autres mouvements armés.
Raison pour laquelle la victoire militaire sur ce groupe rebelle doit être accompagnée d’un accord de non-agression entre le Rwanda, l’Ouganda et la RD Congo – l’objectif est de pacifier pour longtemps la région des Grands Lacs.
Le chef de la Monusco, Martin Kobler, a également parlé de « la fin militaire du M23 ». Peut-on alors croire à la fin de la crise du Kivu ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : La crise est tellement profonde qu’elle ne sera pas résolue par la simple neutralisation du M23. Le pillage des minerais et la volonté expansionniste sont les causes premières de la déstabilisation du Kivu. Il va falloir que les dirigeants rwandais et ougandais, ainsi que les puissances extracontinentales qui soutiennent les groupes armés sur le sol congolais puissent renoncer à leurs agendas cachés. Il va falloir aussi œuvrer en vue d’une réelle réconciliation entre les populations régionales pour que l’on puisse envisager sérieusement le réaménagement de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL).
Les pays observateurs de la RDC appellent au retour des négociations avec le M23. Pourtant, Kinshasa semble privilégier l’option militaire jusqu’à l’anéantissement de la rébellion. Pourquoi cet acharnement ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : On ne peut pas mettre en cause la volonté de Kinshasa à trouver une solution pacifique à la dramatique situation en cours dans le Nord-Kivu. Par de nombreuses tergiversations, le M23 et ses parrains ont joué avec le feu. Fallait-il que ce feu s’abatte impitoyablement sur eux pour qu’ils deviennent raisonnables ? Certes, un enfant ne reconnaît les conséquences du feu qu’après s’être brûlé. Kinshasa est en droit de rétablir l’ordre dans le Kivu et d’assurer la défense de son territoire. S’il faut reprendre les pourparlers de Kampala, les discussions doivent se faire sur la base des lois congolaises violées par les éléments du M23, sur les soutiens apportés aux rebelles par le Rwanda et l’Ouganda et sur les poursuites des auteurs des crimes de guerre et crimes contre l’Humanité.
Quelle est la position du Rwanda, unanimement accusé de soutenir le M23, face à cette déroute ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Pour voler au secours de ses poulains en pleine débandade, le Rwanda menace d’intervenir sur le sol congolais en cas de dégâts collatéraux. Pathétique réaction. Si le président Kagamé veut jouer à ce jeu, la guerre finira là où il a été planifié qu’elle s’achève, c’est-à-dire à Kigali. De plus, le peuple congolais est enfin déterminé à s’appuyer sur l’obstacle et non à s’ingénier sans cesse à le contourner.
Certains observateurs estiment qu’il faudrait désormais arrêter de nier que le M23 n’est pas sous la coupe du Rwanda et soutenir des négociations directement entre Kigali et Kinshasa. Qu’en pensez-vous ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Pour discuter directement avec le Rwanda, il fallait que Paul Kagamé abatte ses dernières cartes. Il ne pouvait le faire qu’à la suite de la neutralisation du M23. Le peuple congolais a toujours été non belliqueux. Une initiative allant dans le sens de la pacification de la région des Grands Lacs ne peut qu’obtenir son aval. Encore faut-il que les dirigeants rwandais et burundais soient sincères. Quand on a été mordu par le serpent, on craint même le mille-pattes. C’est une question de confiance. Celle-ci ne se rétablira pas naturellement, du jour au lendemain. Il faut des vrais hommes et femmes d’Etat, du côté congolais et rwandais, pour éteindre le feu. Le bon sens voudrait que chacun mette un peu d’eau dans le vin de palme.
A quoi pourraient mener de telles négociations ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : A éviter que les violations des droits fondamentaux de la personne humaine ne se reproduisent. A s’atteler à la pacification de la région des Grands Lacs. A consolider des accords de non-agression et à mettre en place des mécanismes pouvant sanctionner leur violation. A respecter l’intégrité territoriale et la souveraineté des pays de la région… A vivre en bonne intelligence et dans la compréhension mutuelle… A montrer au reste du monde que les êtres humains sont capables de transformes les problèmes en quelque chose de bien…
____________________________________________
Propos recueillis par Sybille de Larocque pour JOL Press
Le Nord Kivu, cette riche région du nord-est de la République démocratique du Congo qui attire la convoitise de pays voisins, au premier rang desquels le Rwanda ou l’Ouganda, réintègre la mère-patrie à mesure de l’avancée des soldats.
Cependant, la guerre n’est pas gagnée et la rébellion du M23 n’est qu’un élément de la crise du Kivu. Explications avec Gaspard-Hubert Lonsi Koko, essayiste et observateur des rapports Nord-Sud.
Des éléments du M23 pr-ès de Goma, capitale du Nord-Kivu. Photo : Gabe Joselow/Wikimedia Commons / cc
L’armée congolaise, appuyée par les forces de l’ONU, semble gagner de plus en plus de terrain face au M23. Peut-on déjà parler de déroute ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Il est plus prudent de ne pas vendre la peau de l’ours avant d’être sûr de l’avoir abattu. Neutraliser les éléments du M23 est une chose. Stabiliser complètement la région du Kivu en est une autre.
Le M23 étant l’émanation du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), rien ne garantit que sa décapitation ne va pas générer d’autres mouvements armés.
Raison pour laquelle la victoire militaire sur ce groupe rebelle doit être accompagnée d’un accord de non-agression entre le Rwanda, l’Ouganda et la RD Congo – l’objectif est de pacifier pour longtemps la région des Grands Lacs.
Le chef de la Monusco, Martin Kobler, a également parlé de « la fin militaire du M23 ». Peut-on alors croire à la fin de la crise du Kivu ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : La crise est tellement profonde qu’elle ne sera pas résolue par la simple neutralisation du M23. Le pillage des minerais et la volonté expansionniste sont les causes premières de la déstabilisation du Kivu. Il va falloir que les dirigeants rwandais et ougandais, ainsi que les puissances extracontinentales qui soutiennent les groupes armés sur le sol congolais puissent renoncer à leurs agendas cachés. Il va falloir aussi œuvrer en vue d’une réelle réconciliation entre les populations régionales pour que l’on puisse envisager sérieusement le réaménagement de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL).
Les pays observateurs de la RDC appellent au retour des négociations avec le M23. Pourtant, Kinshasa semble privilégier l’option militaire jusqu’à l’anéantissement de la rébellion. Pourquoi cet acharnement ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : On ne peut pas mettre en cause la volonté de Kinshasa à trouver une solution pacifique à la dramatique situation en cours dans le Nord-Kivu. Par de nombreuses tergiversations, le M23 et ses parrains ont joué avec le feu. Fallait-il que ce feu s’abatte impitoyablement sur eux pour qu’ils deviennent raisonnables ? Certes, un enfant ne reconnaît les conséquences du feu qu’après s’être brûlé. Kinshasa est en droit de rétablir l’ordre dans le Kivu et d’assurer la défense de son territoire. S’il faut reprendre les pourparlers de Kampala, les discussions doivent se faire sur la base des lois congolaises violées par les éléments du M23, sur les soutiens apportés aux rebelles par le Rwanda et l’Ouganda et sur les poursuites des auteurs des crimes de guerre et crimes contre l’Humanité.
Quelle est la position du Rwanda, unanimement accusé de soutenir le M23, face à cette déroute ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Pour voler au secours de ses poulains en pleine débandade, le Rwanda menace d’intervenir sur le sol congolais en cas de dégâts collatéraux. Pathétique réaction. Si le président Kagamé veut jouer à ce jeu, la guerre finira là où il a été planifié qu’elle s’achève, c’est-à-dire à Kigali. De plus, le peuple congolais est enfin déterminé à s’appuyer sur l’obstacle et non à s’ingénier sans cesse à le contourner.
Certains observateurs estiment qu’il faudrait désormais arrêter de nier que le M23 n’est pas sous la coupe du Rwanda et soutenir des négociations directement entre Kigali et Kinshasa. Qu’en pensez-vous ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Pour discuter directement avec le Rwanda, il fallait que Paul Kagamé abatte ses dernières cartes. Il ne pouvait le faire qu’à la suite de la neutralisation du M23. Le peuple congolais a toujours été non belliqueux. Une initiative allant dans le sens de la pacification de la région des Grands Lacs ne peut qu’obtenir son aval. Encore faut-il que les dirigeants rwandais et burundais soient sincères. Quand on a été mordu par le serpent, on craint même le mille-pattes. C’est une question de confiance. Celle-ci ne se rétablira pas naturellement, du jour au lendemain. Il faut des vrais hommes et femmes d’Etat, du côté congolais et rwandais, pour éteindre le feu. Le bon sens voudrait que chacun mette un peu d’eau dans le vin de palme.
A quoi pourraient mener de telles négociations ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : A éviter que les violations des droits fondamentaux de la personne humaine ne se reproduisent. A s’atteler à la pacification de la région des Grands Lacs. A consolider des accords de non-agression et à mettre en place des mécanismes pouvant sanctionner leur violation. A respecter l’intégrité territoriale et la souveraineté des pays de la région… A vivre en bonne intelligence et dans la compréhension mutuelle… A montrer au reste du monde que les êtres humains sont capables de transformes les problèmes en quelque chose de bien…
____________________________________________
Propos recueillis par Sybille de Larocque pour JOL Press
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire