16 août 2014
sassou et le couple obama
Denis Sassou Nguesso est rentré, à Brazzaville, étant en colère.
A Washington, il a été contrarié d’avoir été lâché par ses homologues chefs d’Etat, personne, n’ayant osé, le soutenir, publiquement, face à Barack Obama. Son plaidoyer d’une démocratie à l’africaine, a connu un lamentable échec.
Les Américains lui ont répondu qu’il n’existait pas une démocratie à l’africaine (comme il voulait faire croire), tout comme il n’en existe pas à l’américaine ou à l’occidentale. Mais, ont-ils fait observer, il y a la démocratie tout cour t, une démocratie universelle.
Il faut rappeler qu’aucun chef d’Etat africain ne s’est montré, suffisamment, courageux pour appuyer la thèse du président congolais, selon laquelle, on peut rester autant de temps qu’on veut, au pouvoir, pourvu que le peuple vous le demande.
Conclusion : Denis Sassou Nguesso, qui prêchait, avant tout, pour sa propre chapelle, ne s’est trouvé aucun allié, même si le nombre de candidats africains, à la modification de la constitution, pour rester, éternellement, au pouvoir, ne se compte pas dans les doigts d’une seule main.
Barack Obama avait raison d’en vouloir à Sassou. Car le fait qu’il ait convoqué la presse américaine, à grands frais, trois jours, avant le Sommet, pour la rallier à ses positions de conservation du pouvoir, ne visait, ni plus ni moins, qu’à faire échouer le Sommet de Barack.
Sinon qu’aurait-on pu garder, comme souvenir marquant, d’une telle assise, si ce n’est la confirmation de la nécessité de l’alternance à la tête des pays africains ?
C’est vrai que chaque chef d’Etat africain, ayant participé au Sommet Etats-Unis/Afrique, les 5 et 6 août 2014, à Washington, avait son propre agenda, dans la tête. En s’y rendant, pour sa part, le président du Congo-Brazzaville, savait qu’il allait y jouer son va tout.
Pour lui, c’était le Sommet de la dernière chance où il devait plaider, sa volonté de confisquer le pouvoir, au Congo-Brazzaville. Une option que combat, activement, la Maison Blanche, même si c’est, par fois, à géométrie variable.
Sassou, qui est, vraiment, considéré par les Américains, comme un élève rétif à la démocratie, n’a pas effectué le voyage pour rien. Ces derniers temps, il a reçu, à deux reprises, l’ambassadrice des Etats-Unis, au Congo, Stéphanie S. Sullivan, pour essayer d’arracher l’assouplissement de la position américaine, à son égard.
Peine perdue, celle-ci restant la même : pas de modification de la constitution pour le compte d’une personne et alternance démocratique à la tête du pays, au bout de deux mandats.
Ce message que le secrétaire d’Etat, John Kerry, en personne, a porté, en mai dernier, au président rdcongolais, Joseph Kabila, est, aussi, valable pour l’autre rive du fleuve Congo.
On a du mal à penser que ce que les Américains demandent à Joseph Kabila de faire, ne le serait pas pour le voisin Sassou dont la résidence de Mpila, est bien visible depuis Kinshasa.
En demandant une exception qui confirmerait cette règle américaine, Sassou, généralement, très rusé, apportait la preuve qu’il n’est pas du genre à lâcher prise aussi facilement.
Mais, de là à chercher à constituer une sorte de front de refus contre le chef de la Maison Blanche, lors d’un Sommet, convoqué par ses bons soins, dans le but de le tourner en ridicule, sur un sujet aussi sensible, il n’y a qu’un pas que Sassou a allègrement franchi.
A Washington, il n’a pas cessé de dire à qui voulait l’entendre que le peuple congolais le soutient comme un seul homme, et qu’il organisera un référendum pour être en phase avec cette volonté populaire. On a plus qu’à attendre…
Alors que le Sommet commençait, le 4 août, c’est le 29 juillet qu’il a sauté, dans son avion, pour se rendre, dans la capitale fédérale américaine. Une ville qu’il a ralliée, mercredi 30 juillet, dans la matinée.
Le président congolais a dépensé, sans compter, auprès des lobbyistes et groupes de pression, dans le but de l’aider à faire fléchir la position de la Maison Blanche, sur l’alternance, à la tête des Etats africains.
Voilà pourquoi il a conféré, vendredi 1er août, devant un parterre de 200 personnalités et journalistes, au National Press Center, sur invitation de la présidente du World Affairs Council de Washington DC, Heidi Shoup.
Aucune question gênante ne lui a été posée, après un speech d’une demie heure, l’objectif étant de lui permettre de donner sa position, sur les sujets qui allaient être discutés, lors du Sommet.
Plus précisément, il entendait passer un message personnel à Obama qu’il considère comme « intraitable » sur les questions de démocratie et des droits de l’homme : celui de la particularité congolaise qui fait de son président, c’est-à-dire, de lui, le faiseur de paix, non seulement, du Congo-Brazzaville (pays qu’il bombarda, copieusement, entre juin et octobre 1997, avant de s’installer à sa tête, grâce à ce coup d’état militaire, alors qu’il était totalement détruit par les bombes, au lendemain de la fuite de son président, Pascal Lissouba, démocratiquement élu, en 1992 ; Sassou, le mal-aimé du Congo, ne sortit que 3e au premier tour de cette élection, devenant, donc, inapte à participer au deuxième tour du scrutin), mais aussi, en République démocratique du Congo (RDC) et, surtout, en République centrafricaine (RCA).
Mais, ici, aussi, les principaux concernés, vous diront qu’il a l’art de s’imposer par les « ngiris » (sacs d’argent), pendant ses médiations, d’où leur échec.
En RDC, par exemple, l’opposition a refusé son offre de médiation. Invité à Brazzaville, pour se faire corrompre, avant de déclarer Sassou « facilitateur », Etienne Tshisekedi, le leader historique de l’UDPS, a, tout simplement, refusé de faire ce déplacement compromettant.
Jamais à court d’idées, Sassou a cherché à le contourner, puis, à l’ignorer, sans succès. Conséquence : il se déclare, tout de même, « facilitateur » en RDC, alors que l’opposition ne lui reconnaît pas un tel rôle.
Sur la RCA, il a convoqué un forum de réconciliation entre Centrafricains, à Brazzaville, du 21 au 23 juillet 2014, qui a failli ne pas se tenir, à cause de l’hostilité des Centrafricains à son égard.
Après de multiples pressions venant des instances de l’Union africaine et de la CEEAC (Commission économique des Etats de l’Afrique centrale), certains leaders centrafricains s’y sont rendus, pour un résultat presque nul, au final.
En effet, l’accord de cessation des hostilités signé, à l’arrachée, entre les Séléka et les Anti-Balaka, a été violé, quatre jours, à peine, après le retour des belligérants, en Centrafrique.
Voilà le résultat de la médiation du chef de l’Etat congolais, qu’il a af fichée, à Washington, comme étant un grand succès, au National Press Center : « Peace and Security in Central Africa », tel fut le thème de sa conférence qui a, été, royalement, boudée par le Congrès et la Chambre des représentants, seule l’administration Obama, y dépêchant, un simple « officier de liaison ».
Le président du Congo a payé ses lobbyistes pour un résultat mineur dans la mesure où même ses demandes d’audience auprès du chef de la Maison Blanche et du secrétaire d’Etat, ont fait l’objet d’une fin de non recevoir. C’est dans un couloir que Sassou a pu échanger deux mots avec John Kerry (voir photo page 4).
Même les dieux sont contre Sassou. Quand ses initiatives ne sont pas, carrément, couronnées d’échecs, comme à Washington, ses gestes dits de bonne foi, passent inaperçus.
Avant son voyage, dans la capitale fédérale américaine, il a, utilement, balayé, devant sa porte. Il a, ainsi, laissé rentrer, sans problèmes, André Okombi Salissa (AOS), son opposant numéro un, au sein du PCT (Parti congolais du travail), dont il est l’inamovible président, qui terminait son exil d’un an, en Europe et aux Etats-Unis.
Les rumeurs ayant circulé sur son arrestation, dès l’atterrissage de son avion, par la police de Sassou, furent démenties, le célèbre opposant ayant regagné son domicile, entouré de 10.000 partisans venus l’attendre, cette fin du mois de juin, sans être inquiété, pour le moment, par le maître du pays.
Autre indice qui montre que Sassou a mis de l’eau dans son vin : avant de quitter Brazzaville, et pour ne pas traîner de « casseroles », à Washington, il a pris le soin de laisser voyager le leader de l’ARD, Mathias Dzon, que sa police avait, à deux reprises, brutalisé, au moment où il voulait se rendre, en France, fin décembre 2013, et en avril 2014.
Au niveau de la police des frontières, il avait été interdit de sor tie, sur « hautes instructions de la hiérarchie », selon une formulation du commissaire de l’aéroport. Homme politique de premier plan qui aspire, comme AOS, à succéder, à Sassou, Mathias Dzon a été, de cette façon, interdit de sortie, pendant plus de sept mois, sans aucun motif.
Juste parce que Sassou avait peur de ce qu’il allait dire à ses « amis » français de l’Elysée et du Quai d’Orsay, une fois à Paris. Voilà le vrai visage de Sassou, l’homme qui a prôné une démocratie à l’africaine, à Washington.
Ce 1er août, au National Press Center, Sassou a revêtu le costume du leader de l’Afrique centrale. Un rôle, logiquement, dévolu au président du Tchad, Idriss Déby Itno, un autre petit dictateur, qui est l’actuel président, en exercice de la CEEAC.
Dans ce rôle de leader régional que Sassou s’arroge, il n’a pas manqué de se jeter des fleurs, en tant que facilitateur de la crise qui prévaut en RDC, et sur tout, inter venant, à plusieurs titres, en RCA.
Qu’on en juge : il y a dépêché un millier de soldats, pour le maintien de l’ordre et de la sécurité dans le pays, aux côtés d’autres troupes africaines et françaises. Il a prêté la somme de 50 milliards de F CFA (100 millions de dollars), pour permettre, à son administration, de subvenir aux impératifs de fins de mois difficiles.
Il est, aussi, le médiateur international, et à ce titre, il n’a pas oublié de rappeler qu’il venait d’organiser, à Brazzaville, du 21 au 23 juillet, un forum de réconciliation qui a réuni les forces vives du pays au cours duquel les groupes armés (Séléka à dominance musulmane et anti-balaka à majorité chrétienne), ont signé un accord de paix et de cessation des hostilités.
Excellente présentation sauf que la réalité de terrain est toute autre. Parlant, par exemple, de cet accord de paix et de cessation des hostilités, il a été arraché à coups de centaines de millions de F CFA, selon des sources concordantes, afin que le président du Congo, ne perde pas la face.
Malheureusement pour lui, moins d’une semaine après sa signature, les protagonistes reprenaient les affrontements, avec la violence qu’on leur connaît.
Cela dit, l’essentiel du message que voulait passer le président congolais, concernait son avenir personnel. Invité à quitter la scène présidentielle de son pays, en 2016, chose qu’il redoute au plus haut point, il voulait se donner une tribune pour plaider sa cause, en faisant semblant de parler pour le compte de l’Afrique : « La fragilité des Etats africains devrait pousser les partenaires extérieurs (comme les Etats-Unis, ndlr), à plus de modération, d’humilité, dans le jugement de la performance de nos Etats, au niveau de la démocratie et de la gouvernance ».
Et de prendre l’exemple des Etats-Unis qui, avec seulement deux partis politiques, arrivent à réguler leur démocratie, dans de très bonnes conditions, ce qui est difficile à envisager, pour l’heure, dans les pays africains où on compte, parfois, autant de partis politiques que d’ethnies.
Selon le raisonnement de Sassou, « la construction simultanée de la nation, de l’état de droit et de la bonne gouvernance, l’installation durable de la démocratie, s’avèrent être un long et laborieux processus qui doit être initié par les peuples eux-mêmes, à leur rythme ».
Traduction : qu’on laisse Sassou instaurer la démocratie au Congo-Brazzaville, pays qu’il préside depuis une trentaine d’années, dans la paix des baïonnettes, à son rythme, en muselant la presse comme il sait le faire (11 hebdomadaires et bimensuels sont interdits de parution depuis huit mois), en interdisant les meetings politiques (sauf ceux qui réclament le changement de la constitution et son maintien au pouvoir), bref, selon son bon vouloir.
Cet argumentaire, du reste court, n’a pas fait fléchir les positions de Washington sur la non-conservation du pouvoir et la nécessité de l’alternance.
Venant, en plus, d’un dictateur dont les mains sont pleines de sang, qui sévit à la tête du pays depuis une bonne trentaine d’années, un tel raisonnement n’a pu produire que l’effet inverse, en renforçant les Américains dans leur approche d’alternance démocratique à la tête des Etats africains, sans que personne ne puisse avancer, le mot « ingérence ».
C’est du reste ce que la secrétaire d’Etat adjointe chargée des affaires africaines, Linda Thomas-Greenfield, accompagnée par l’ambassadrice des Etats-Unis au Congo-Brazzaville, Stéphanie S. Sullivan, est venue lui dire, dans son hôtel, lundi 4 août 2014.
Après trente ans de bons et de loyaux services à la tête du Congo, il est temps que le « bâtisseur infatigable » prépare, une bonne sortie, digne de son rang, avec tous les honneurs, en août 2016.
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sadio kante
MEDIAPART
sassou et le couple obama
Denis Sassou Nguesso est rentré, à Brazzaville, étant en colère.
A Washington, il a été contrarié d’avoir été lâché par ses homologues chefs d’Etat, personne, n’ayant osé, le soutenir, publiquement, face à Barack Obama. Son plaidoyer d’une démocratie à l’africaine, a connu un lamentable échec.
Les Américains lui ont répondu qu’il n’existait pas une démocratie à l’africaine (comme il voulait faire croire), tout comme il n’en existe pas à l’américaine ou à l’occidentale. Mais, ont-ils fait observer, il y a la démocratie tout cour t, une démocratie universelle.
Il faut rappeler qu’aucun chef d’Etat africain ne s’est montré, suffisamment, courageux pour appuyer la thèse du président congolais, selon laquelle, on peut rester autant de temps qu’on veut, au pouvoir, pourvu que le peuple vous le demande.
Conclusion : Denis Sassou Nguesso, qui prêchait, avant tout, pour sa propre chapelle, ne s’est trouvé aucun allié, même si le nombre de candidats africains, à la modification de la constitution, pour rester, éternellement, au pouvoir, ne se compte pas dans les doigts d’une seule main.
Barack Obama avait raison d’en vouloir à Sassou. Car le fait qu’il ait convoqué la presse américaine, à grands frais, trois jours, avant le Sommet, pour la rallier à ses positions de conservation du pouvoir, ne visait, ni plus ni moins, qu’à faire échouer le Sommet de Barack.
Sinon qu’aurait-on pu garder, comme souvenir marquant, d’une telle assise, si ce n’est la confirmation de la nécessité de l’alternance à la tête des pays africains ?
C’est vrai que chaque chef d’Etat africain, ayant participé au Sommet Etats-Unis/Afrique, les 5 et 6 août 2014, à Washington, avait son propre agenda, dans la tête. En s’y rendant, pour sa part, le président du Congo-Brazzaville, savait qu’il allait y jouer son va tout.
Pour lui, c’était le Sommet de la dernière chance où il devait plaider, sa volonté de confisquer le pouvoir, au Congo-Brazzaville. Une option que combat, activement, la Maison Blanche, même si c’est, par fois, à géométrie variable.
Sassou, qui est, vraiment, considéré par les Américains, comme un élève rétif à la démocratie, n’a pas effectué le voyage pour rien. Ces derniers temps, il a reçu, à deux reprises, l’ambassadrice des Etats-Unis, au Congo, Stéphanie S. Sullivan, pour essayer d’arracher l’assouplissement de la position américaine, à son égard.
Peine perdue, celle-ci restant la même : pas de modification de la constitution pour le compte d’une personne et alternance démocratique à la tête du pays, au bout de deux mandats.
Ce message que le secrétaire d’Etat, John Kerry, en personne, a porté, en mai dernier, au président rdcongolais, Joseph Kabila, est, aussi, valable pour l’autre rive du fleuve Congo.
On a du mal à penser que ce que les Américains demandent à Joseph Kabila de faire, ne le serait pas pour le voisin Sassou dont la résidence de Mpila, est bien visible depuis Kinshasa.
En demandant une exception qui confirmerait cette règle américaine, Sassou, généralement, très rusé, apportait la preuve qu’il n’est pas du genre à lâcher prise aussi facilement.
Mais, de là à chercher à constituer une sorte de front de refus contre le chef de la Maison Blanche, lors d’un Sommet, convoqué par ses bons soins, dans le but de le tourner en ridicule, sur un sujet aussi sensible, il n’y a qu’un pas que Sassou a allègrement franchi.
A Washington, il n’a pas cessé de dire à qui voulait l’entendre que le peuple congolais le soutient comme un seul homme, et qu’il organisera un référendum pour être en phase avec cette volonté populaire. On a plus qu’à attendre…
Alors que le Sommet commençait, le 4 août, c’est le 29 juillet qu’il a sauté, dans son avion, pour se rendre, dans la capitale fédérale américaine. Une ville qu’il a ralliée, mercredi 30 juillet, dans la matinée.
Le président congolais a dépensé, sans compter, auprès des lobbyistes et groupes de pression, dans le but de l’aider à faire fléchir la position de la Maison Blanche, sur l’alternance, à la tête des Etats africains.
Voilà pourquoi il a conféré, vendredi 1er août, devant un parterre de 200 personnalités et journalistes, au National Press Center, sur invitation de la présidente du World Affairs Council de Washington DC, Heidi Shoup.
Aucune question gênante ne lui a été posée, après un speech d’une demie heure, l’objectif étant de lui permettre de donner sa position, sur les sujets qui allaient être discutés, lors du Sommet.
Plus précisément, il entendait passer un message personnel à Obama qu’il considère comme « intraitable » sur les questions de démocratie et des droits de l’homme : celui de la particularité congolaise qui fait de son président, c’est-à-dire, de lui, le faiseur de paix, non seulement, du Congo-Brazzaville (pays qu’il bombarda, copieusement, entre juin et octobre 1997, avant de s’installer à sa tête, grâce à ce coup d’état militaire, alors qu’il était totalement détruit par les bombes, au lendemain de la fuite de son président, Pascal Lissouba, démocratiquement élu, en 1992 ; Sassou, le mal-aimé du Congo, ne sortit que 3e au premier tour de cette élection, devenant, donc, inapte à participer au deuxième tour du scrutin), mais aussi, en République démocratique du Congo (RDC) et, surtout, en République centrafricaine (RCA).
Mais, ici, aussi, les principaux concernés, vous diront qu’il a l’art de s’imposer par les « ngiris » (sacs d’argent), pendant ses médiations, d’où leur échec.
En RDC, par exemple, l’opposition a refusé son offre de médiation. Invité à Brazzaville, pour se faire corrompre, avant de déclarer Sassou « facilitateur », Etienne Tshisekedi, le leader historique de l’UDPS, a, tout simplement, refusé de faire ce déplacement compromettant.
Jamais à court d’idées, Sassou a cherché à le contourner, puis, à l’ignorer, sans succès. Conséquence : il se déclare, tout de même, « facilitateur » en RDC, alors que l’opposition ne lui reconnaît pas un tel rôle.
Sur la RCA, il a convoqué un forum de réconciliation entre Centrafricains, à Brazzaville, du 21 au 23 juillet 2014, qui a failli ne pas se tenir, à cause de l’hostilité des Centrafricains à son égard.
Après de multiples pressions venant des instances de l’Union africaine et de la CEEAC (Commission économique des Etats de l’Afrique centrale), certains leaders centrafricains s’y sont rendus, pour un résultat presque nul, au final.
En effet, l’accord de cessation des hostilités signé, à l’arrachée, entre les Séléka et les Anti-Balaka, a été violé, quatre jours, à peine, après le retour des belligérants, en Centrafrique.
Voilà le résultat de la médiation du chef de l’Etat congolais, qu’il a af fichée, à Washington, comme étant un grand succès, au National Press Center : « Peace and Security in Central Africa », tel fut le thème de sa conférence qui a, été, royalement, boudée par le Congrès et la Chambre des représentants, seule l’administration Obama, y dépêchant, un simple « officier de liaison ».
Le président du Congo a payé ses lobbyistes pour un résultat mineur dans la mesure où même ses demandes d’audience auprès du chef de la Maison Blanche et du secrétaire d’Etat, ont fait l’objet d’une fin de non recevoir. C’est dans un couloir que Sassou a pu échanger deux mots avec John Kerry (voir photo page 4).
Même les dieux sont contre Sassou. Quand ses initiatives ne sont pas, carrément, couronnées d’échecs, comme à Washington, ses gestes dits de bonne foi, passent inaperçus.
Avant son voyage, dans la capitale fédérale américaine, il a, utilement, balayé, devant sa porte. Il a, ainsi, laissé rentrer, sans problèmes, André Okombi Salissa (AOS), son opposant numéro un, au sein du PCT (Parti congolais du travail), dont il est l’inamovible président, qui terminait son exil d’un an, en Europe et aux Etats-Unis.
Les rumeurs ayant circulé sur son arrestation, dès l’atterrissage de son avion, par la police de Sassou, furent démenties, le célèbre opposant ayant regagné son domicile, entouré de 10.000 partisans venus l’attendre, cette fin du mois de juin, sans être inquiété, pour le moment, par le maître du pays.
Autre indice qui montre que Sassou a mis de l’eau dans son vin : avant de quitter Brazzaville, et pour ne pas traîner de « casseroles », à Washington, il a pris le soin de laisser voyager le leader de l’ARD, Mathias Dzon, que sa police avait, à deux reprises, brutalisé, au moment où il voulait se rendre, en France, fin décembre 2013, et en avril 2014.
Au niveau de la police des frontières, il avait été interdit de sor tie, sur « hautes instructions de la hiérarchie », selon une formulation du commissaire de l’aéroport. Homme politique de premier plan qui aspire, comme AOS, à succéder, à Sassou, Mathias Dzon a été, de cette façon, interdit de sortie, pendant plus de sept mois, sans aucun motif.
Juste parce que Sassou avait peur de ce qu’il allait dire à ses « amis » français de l’Elysée et du Quai d’Orsay, une fois à Paris. Voilà le vrai visage de Sassou, l’homme qui a prôné une démocratie à l’africaine, à Washington.
Ce 1er août, au National Press Center, Sassou a revêtu le costume du leader de l’Afrique centrale. Un rôle, logiquement, dévolu au président du Tchad, Idriss Déby Itno, un autre petit dictateur, qui est l’actuel président, en exercice de la CEEAC.
Dans ce rôle de leader régional que Sassou s’arroge, il n’a pas manqué de se jeter des fleurs, en tant que facilitateur de la crise qui prévaut en RDC, et sur tout, inter venant, à plusieurs titres, en RCA.
Qu’on en juge : il y a dépêché un millier de soldats, pour le maintien de l’ordre et de la sécurité dans le pays, aux côtés d’autres troupes africaines et françaises. Il a prêté la somme de 50 milliards de F CFA (100 millions de dollars), pour permettre, à son administration, de subvenir aux impératifs de fins de mois difficiles.
Il est, aussi, le médiateur international, et à ce titre, il n’a pas oublié de rappeler qu’il venait d’organiser, à Brazzaville, du 21 au 23 juillet, un forum de réconciliation qui a réuni les forces vives du pays au cours duquel les groupes armés (Séléka à dominance musulmane et anti-balaka à majorité chrétienne), ont signé un accord de paix et de cessation des hostilités.
Excellente présentation sauf que la réalité de terrain est toute autre. Parlant, par exemple, de cet accord de paix et de cessation des hostilités, il a été arraché à coups de centaines de millions de F CFA, selon des sources concordantes, afin que le président du Congo, ne perde pas la face.
Malheureusement pour lui, moins d’une semaine après sa signature, les protagonistes reprenaient les affrontements, avec la violence qu’on leur connaît.
Cela dit, l’essentiel du message que voulait passer le président congolais, concernait son avenir personnel. Invité à quitter la scène présidentielle de son pays, en 2016, chose qu’il redoute au plus haut point, il voulait se donner une tribune pour plaider sa cause, en faisant semblant de parler pour le compte de l’Afrique : « La fragilité des Etats africains devrait pousser les partenaires extérieurs (comme les Etats-Unis, ndlr), à plus de modération, d’humilité, dans le jugement de la performance de nos Etats, au niveau de la démocratie et de la gouvernance ».
Et de prendre l’exemple des Etats-Unis qui, avec seulement deux partis politiques, arrivent à réguler leur démocratie, dans de très bonnes conditions, ce qui est difficile à envisager, pour l’heure, dans les pays africains où on compte, parfois, autant de partis politiques que d’ethnies.
Selon le raisonnement de Sassou, « la construction simultanée de la nation, de l’état de droit et de la bonne gouvernance, l’installation durable de la démocratie, s’avèrent être un long et laborieux processus qui doit être initié par les peuples eux-mêmes, à leur rythme ».
Traduction : qu’on laisse Sassou instaurer la démocratie au Congo-Brazzaville, pays qu’il préside depuis une trentaine d’années, dans la paix des baïonnettes, à son rythme, en muselant la presse comme il sait le faire (11 hebdomadaires et bimensuels sont interdits de parution depuis huit mois), en interdisant les meetings politiques (sauf ceux qui réclament le changement de la constitution et son maintien au pouvoir), bref, selon son bon vouloir.
Cet argumentaire, du reste court, n’a pas fait fléchir les positions de Washington sur la non-conservation du pouvoir et la nécessité de l’alternance.
Venant, en plus, d’un dictateur dont les mains sont pleines de sang, qui sévit à la tête du pays depuis une bonne trentaine d’années, un tel raisonnement n’a pu produire que l’effet inverse, en renforçant les Américains dans leur approche d’alternance démocratique à la tête des Etats africains, sans que personne ne puisse avancer, le mot « ingérence ».
C’est du reste ce que la secrétaire d’Etat adjointe chargée des affaires africaines, Linda Thomas-Greenfield, accompagnée par l’ambassadrice des Etats-Unis au Congo-Brazzaville, Stéphanie S. Sullivan, est venue lui dire, dans son hôtel, lundi 4 août 2014.
Après trente ans de bons et de loyaux services à la tête du Congo, il est temps que le « bâtisseur infatigable » prépare, une bonne sortie, digne de son rang, avec tous les honneurs, en août 2016.
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sadio kante
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