La mine d’or de Gamina serait sous le contrôle de Wattao, les armes de Fofié
Nichée entre les plantations de cacao à l’ouest de Côte d’Ivoire existe une mine d’or non répertoriée sur les cartes officielles. Elle n’est pas opérée par une société d’exploitation minière industrielle et elle ne paye pas non plus des impôts au gouvernement ivoirien.
Selon les allégations des enquêteurs de l’ONU, la mine sans licence est un élément clé d’un empire commercial lucratif dirigé par le commandant adjoint de la Garde républicaine de la Côte d’Ivoire.
Il est l’un des principaux acteurs dans le réseau d’officiers supérieurs – d’anciens commandants rebelles qui ont intégrés l’armée ivoirienne – Ce réseau d’officiers a pris le contrôle des mines qui génèrent des dizaines de millions de dollars par an et il se livre à la taxation illégale, la contrebande et le racket, selon les enquêteurs de l’ONU.
Des entretiens avec des personnes proches du milieu des militaires, des diplomates, des fonctionnaires des Nations Unies, des autorités locales, des analystes et des mineurs révèlent que le réseau des anciens rebelles continue de maintenir des combattants loyalistes sous leur contrôle exclusif.
Un inventaire confidentiel de l’ONU que Reuters a examiné, a montré qu’un ancien commandant rebelle possède suffisamment assez d’armes – des missiles surface-air et des millions de cartouches de munitions – pour mettre l’armée ivoirienne en échec .
Un officier de l’armée ivoirienne a déclaré que le réseau représente une force parallèle au sein de l’armée qui menace la stabilité du pays
« Je ne sais pas comment nous allons régler cette situation » a déclaré l’officier supérieur de l’armée. «Ils [les anciens commandants rebelles] sont totalement hors de notre contrôle. »
La mine de Gamina serait contrôlée par Wattao
A proximité du village de Gamina , une centaine de mètres ou plus au-delà d’un poste de contrôle tenu par les anciens combattants rebelle, existe une profonde tranchée qui était autrefois des rizières.
Il y a deux ans, un agriculteur a découvert de l’or. Aujourd’hui on y trouve un système tentaculaire de puits, des tranchées et des tunnels souterrains qui couvrent environ 445 hectares. La mine emploie près de 16 000 travailleurs et produit de l’or dont la valeur est estimée à près de 97 millions de dollars par année, selon les enquêteurs l’ONU.
Des prospecteurs de l’or dans une mine d’or près du village de Gamina, dans l’ouest de la Côte-d’Ivoire, le 17 Mars, 2015. Photo prise le 17 Mars 2015. Pour faire correspondre (crédit REUTERS / Luc Gnago) via NYpost
Les ouvriers y ont afflué et disent qu’avec de la chance, ils peuvent gagner jusqu’à 250.000 francs CFA (430 $) en quelques semaines « C’est le seul travail que nous avons, » selon Adama Bamba, mineur de 26 ans.
« C’est la vie d’un chien sous les cacaoyers. »
L’exploitation minière est éreintante et dangereuse. Les mineurs et les villageois locaux ont déclaré à Reuters que des dizaines de corps, les victimes des affaissements réguliers, sont enterrées dans des tombes anonymes sous les caféiers à proximité. D’autres ont été laissées dans les décombres au fond des fosses, qui dans certains cas sont à 60 mètres sous terre.
Un groupe d’experts de l’ONU chargé de surveiller l’embargo imposé à la Côte d’Ivoire par le Conseil de sécurité, ainsi que des sources militaires à la mine et au sein de l’armée ivoirienne, ont déclaré que la mine de Gamina est contrôlée par le lieutenant-colonel Issiaka Ouattara (aucun rapport avec le Président Ouattara) .
Issiaka Ouattara est un ancien chef rebelle qui est maintenant l’adjoint du commandant de la Garde républicaine. Il est connu sous son nom de guerre de trois syllabes: Wattao.
Un journaliste de Reuters a vu des soldats fidèles à Wattao en train de contrôler la mine et surveiller les mineurs. Ces soldats étaient aussi présents à l’intérieur des «comptoirs» ou bureaux où les mineurs viennent vendre l’or.
Un des soldats basés à la mine a déclaré à Reuters qu’il était un ex-rebelle qui avait achevé un programme de désarmement soutenu par les donateurs mais qu’il est revenu à son ancienne unité. Il a déclaré que d’autres soldats à la mine de Gamina avaient fait la même chose ou étaient toujours en attente de passer par le programme. Il a nommé ses deux commandants qui selon lui sont sous le commandement de «Wattao ».
Un officier supérieur de l’armée ivoirienne qui est familier avec le fonctionnement de la mine a confirmé à Reuters que Wattao contrôle les combattants locaux et la mine.
Wattao nie toute implication dans l’exploitation de la mine de Gamina
Wattao nie toute implication dans l’exploitation minière ou l’existence d’une force privée de combattants loyalistes.
« Ce sont de purs mensonges … Je n’ai jamais été impliqué dans l’or», a t-il déclaré à Reuters par téléphone en Avril. « Ils cherchent à trouver un faux problème à tout prix afin de mettre Wattao sous sanctions. »
D’après un rapport de l’ONU en 2013, certains des anciens com’zones (commandants de zones) tirant profit de leur intégration dans l’armée ont étendu « les activités du style chefs de guerre et prédateurs économiques» – incluant des activités de contrôle des mines d’or et de diamants, la contrebande de cacao, le coton et les noix de cajou, et la perception des taxes illégales sur le commerce et le transport .
Les experts de l’ONU qui surveillent l’embargo estiment que les travailleurs de la mine Gamina exploitent jusqu’à 11kg d’or par jour.
Cette quantité « représenterait 13,8 pour cent de la production (officielle) annuelle du pays »selon leur dernier rapport publié le mois dernier. En utilisant un prix conservateur de l’or à 1,210 dollars l’once, la valeur de la production annuelle de Gamina est de 96,8 millions de dollars (environ 48.5 milliards de FCFA)
Les mineurs artisanaux ont déclaré à Reuters que les « comptoirs » locaux paient 14 000 francs CFA par gramme – ou juste 740 dollars l’once – environ 60 pour cent du prix actuel de l’or. Les ex-rebelles et les gardes de sécurité employés par les acheteurs s’assurent que les mineurs ne se faufilent pas hors du site, selon un soldat à la mine.
Les principaux acheteurs vont tous vendre exclusivement leur or à Wattao et à trois autres partenaires, selon les allégations des enquêteurs de l’ONU. Deux autres sources, qui ont travaillé dans la mine ou qui sont familiers avec ses opérations, ont confirmé à Reuters l’existence du réseau.
Les partenaires dans la mine
Les partenaires sont «des personnalités politiques très visibles et impliquées dans l’administration ivoirienne actuelle et l’ancienne administration du Burkina Faso, » selon le rapport de l’ONU qui ne cite pas leurs noms en raison du mandat de restriction ou confidentialité.
L’an dernier, un acheteur non affilié à Wattao ou ses partenaires a cherché à mettre en place un bureau rival pour acheter de l’or à un prix supérieur. Il a été tué peu de temps après , selon les enquêteurs. Wattao a nié toute implication. «Je n’ai jamais eu d’éléments là-bas » at-il dit à Reuters.
Le Ministre des Mines, Jean-Claude Brou a refusé de répondre aux demandes de Reuters afin d’avoir ses commentaires, par contre il a déjà déclaré qu’il n’y a aucun permis d’exploitation minière artisanale qui soit valable pour le moment.
Un haut fonctionnaire du ministère a confirmé cette déclaration du ministre et l’un des chefs d’un des « comptoirs » a déclaré à Reuters qu’il a fait une demande en collaboration avec d’autres acheteurs mais qu’il n’a pas reçu les permis pour la mine de Gamina.
Chacun a sa part du gâteau
Un villageois qui, jusqu’à récemment, collectait des taxes pour le conseil local a déclaré: « Les autorités (locales et régionales) savent ce qui se passe, mais ils se taisent, parce que toutes les deux semaines ils ont leur part du gâteau. » .
Reuters a examiné des copies des contrats entre certains des bureaux d’achat et les propriétaires, les locataires. Les contrats mentionnent des honoraires versés aux propriétaires fonciers, les agriculteurs, les autorités villageoises et les autorités locales et régionales pour chaque gramme d’or extrait.
Un bureau d’achat a accepté de construire une nouvelle résidence et un bureau pour le sous-préfet local, selon des documents et les témoignages des autorités villageoises.
Le sous-préfet, Marcel Goue, a nié toute malversation et a affirmé que la participation des autorités locales avait amélioré la situation. « Nous nous battons pour nettoyer le site, » at-il ajouté.
Les enquêteurs de l’ONU estiment qu’en plus des recettes d’or, Wattao engrange plus de 1,7 million de dollars (environ 850 millions de FCFA) par an pour les frais chargés aux agents « des comptoirs » afin d’assurer la sécurité qu’il fournit autour de la mine de Gamina.
Considérant la production annuelle et la redevance de sécurité par gramme indiquée dans les contrats, cela suffit pour payer les salaires de quelque 500 combattants, estiment les enquêteurs.
Les armes dans le camp de Fofié
Wattao n’est pas le seul ancien rebelle sous le feu des projecteurs. Le ministre de la Défense Paul Koffi Koffi a déclaré dans une interview à Reuters qu’il n’était pas au courant de l’implication d’ex-com’zones dans des activités illégales.
Le gouvernement leur a donné des positions de haut niveau dans l’armée afin qu’ils répondent à la hiérarchie militaire a-t-il mentionné dans l’interview.
« La solution était de les nommer à des postes de responsabilité. Ils ont été nommés commandants ou commandants adjoints d’unités et leurs éléments ont été intégrés dans les rangs « . Mais les critiques affirment que les promotions ont enhardi les anciens commandants rebelles et ils sont devenus pratiquement intouchables.
Les efforts de l’ONU pour retracer des armes depuis la guerre civile ont été contrecarrés à plusieurs reprises. Le 25 Mars, selon une lettre confidentielle adressée à l’ONU par le comité des sanctions du Conseil de sécurité, les inspecteurs ont finalement obtenu un accès complet au camp d’un ex-com’zoneKouakou Fofié.
Kouakou a été promu au grade de lieutenant-colonel dans l’armée cette année malgré que son nom soit sur une liste des sanctions pour les violations présumées des droits de l’homme. Les inspecteurs ont trouvé un arsenal de 60 tonnes, selon la lettre confidentielle.
Alain Richard Donwahi, secrétaire du Conseil national de sécurité a reconnu que la plupart des armes stockées dans le camp n’étaient pas sous le contrôle de l’Etat.
Un inventaire de la cache d’armes examiné par Reuters a répertorié des centaines de mitrailleuses lourdes et des fusils d’assaut, des dizaines de lance-roquettes multiples, mortiers, lance-grenades propulsées, et même des missiles sam7 surface-air.
Les inspecteurs ont répertorié 2,8 millions pièces de munitions d’armes légères, 113000 pièces de mitrailleuses, 4.680 pièces de munitions de lanceur de grenade, 1.200 roquettes antichars, et plus de 2.000 autres bombes, des roquettes et des obus d’artillerie.
« Les armes lourdes répertoriées supplantent la puissance de feu de l’ensemble des FRCI (forces républicaines de Côte d’Ivoire)», a écrit Raymond Debelle, coordinateur du groupe d’experts Debelle ne voulait pas publiquement commenter la lettre. Kouakou n’a pas répondu aux appels répétés de Reuters.
« Aucune de ces choses n’était sous le contrôle du gouvernement, » selon un diplomate occidental basé à Abidjan qui est familier avec l’inspection de l’ONU.
« Vous avez des gens au sein des forces de sécurité qui maintiennent une réserve secrète d’armes. C’est un problème »
Contacté par Reuters, Donwahi, tout en mentionnant que les enquêtes de l’ONU étaient toujours en cours n’a pas voulu commenter si ces faits pouvaient constituer une violation de l’embargo.
« Le Président de la République a donné des instructions fermes au chef d’état-major de l’Armée afin de placer ces armes et ces munitions sous surveillance », at-il dit.
« Un pays qui est en train de sortir de la crise a, en effet, beaucoup d’armes en circulation, et petit à petit nous allons mettre les choses dans l’ordre. »
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New York post avec Reuters
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