17/06/2015
Global Witness
Réponse officielle de Global Witness au communiqué du ministère congolais de l’Environnement et du Développement durable, publié le 5 juin 2015.
Pour vous rappeler, ce dialogue a été initié suite à la publication de notre rapport, « L’impunité exportée : comment les forêts du Congo sont exploitées illégalement pour le marché international » qui montre que les entreprises congolaises violent les lois dans chacune des opérations forestières inspectées, et que les exportations de bois de pays sont donc à haut risque d’illégalité.
Réponse de Global Witness au communiqué du ministère congolais de l’Environnement et du Développement durable concernant le rapport de Global Witness sur le secteur forestier – 15 juin 2015
Global Witness est engagée en RDC depuis de nombreuses années. Nous croyons au potentiel de ce pays et du peuple congolais.
Mais de nombreux problèmes doivent être réglés pour que l’avenir du pays puisse s’appuyer sur la durabilité, l’équité et la justice sociale. Tous les membres du gouvernement et de l’administration devraient être pleinement impliqués dans cette démarche. Les citoyens de la RDC le méritent.
À travers ses travaux d’analyse et de recherche, Global Witness a pour objectif de fournir des informations susceptibles d’encourager le débat national sur la façon dont la RDC peut bâtir un avenir meilleur en s’appuyant sur des principes de gouvernance solides, sur les partenaires les mieux adaptés, et en associant la communauté internationale à ces efforts.
Global Witness prend bonne note de la réaction du ministère congolais de l’Environnement à son récent rapport consacré au secteur forestier.
Le ministère affirme que « [d]es progrès significatifs ont déjà été accomplis » et que le rapport évoque « des infractions souvent mineures », mais il ne répond à aucun des éléments avancés de manière détaillée dans le rapport. Cela est à la fois inquiétant et surprenant.
Global Witness a publié une analyse basée sur quatre années d’inspections dans le secteur forestier. Nous faisons preuve de transparence à l’égard de nos sources d’information et signalons l’ensemble des illégalités, dont les plus fréquentes sont l’exploitation forestière sans permis et le non-respect des clauses sociales convenues avec les communautés riveraines.
De nombreuses questions ressortent de notre analyse, auxquelles le gouvernement de la RDC n’a pour l’instant pas répondu :
Le gouvernement peut-il fournir des documents prouvant que les responsables de ces illégalités, dont beaucoup sont passibles de plusieurs années d’emprisonnement en vertu du droit congolais, ont reçu une amende et/ou fait l’objet de peines de prison ?
Comment pensez-vous qu’il soit possible pour deux inspecteurs gouvernementaux dans la province de l’Équateur, sans ressources, de surveiller près de 5 millions d’hectares de forêts sous concession ?
Comment les citoyens peuvent-ils savoir que les entreprises sont sanctionnées pour les illégalités découvertes dans leurs concessions et être sûrs qu’il n’y en aura plus d’autres, si l’administration ne publie pas les sanctions qu’elle applique et n’organise pas d’inspections de suivi pour empêcher les récidives ? (L’Observateur forestier indépendant a souligné que les sanctions n’avaient aucun effet dissuasif car elles étaient trop faibles.)
Comment peut-on être certain que des illégalités ne se produisent pas dans la moitié des concessions du pays qui n’ont pas encore été inspectées ?
Quels travaux de cartographie des forêts du pays et des communautés locales et autochtones qui en dépendent le ministère a-t-il réalisés pour conclure que les forêts offrent un potentiel de production de 150 millions d’hectares ?
Le ministère a-t-il pris des mesures lorsqu’il a pris connaissance de l’existence d’accords fiscaux illégaux en 2013 en vertu desquels les entreprises versaient des taxes en fonction de leur superficie exploitable, et non de la superficie totale de leur concession - d’où un manque à gagner pour le Trésor d’environ 10 millions de dollars ?
Pourquoi le ministère ne résilie-t-il pas les concessions qu’un précédent ministre a attribuées de manière illégale ?
Nous espérons que le ministère fera preuve de bonne volonté en répondant aux questions ci-dessus, que nous jugeons légitimes et posées en toute bonne foi.
Le ministère se doit également de détailler les mesures qu’il a adoptées en prenant connaissance des résultats des missions d’observation forestière indépendante, et la manière dont il compte désormais renforcer la gouvernance du secteur forestier.
Le ministère parle d’accroître la zone sous concession et d’augmenter les exportations vers l’Europe. Or une levée du moratoire sur l’attribution de nouvelles concessions forestières serait non seulement illégale – les conditions stipulées dans le Décret présidentiel n° 05-116 du 24 octobre 2005 n’ayant pas toutes été remplies –, mais elle aggraverait les problèmes du secteur forestier.
Elle contribuerait également à saper davantage la confiance de la communauté internationale. Comme notre analyse le démontre clairement, l’administration ne dispose pas des capacités nécessaires pour assurer la régulation des concessions existantes conformément à la législation ; les insuffisances au niveau de la gouvernance forestière n’ont pas été résolues. Une levée du moratoire serait par ailleurs incompatible avec les efforts de lutte contre le changement climatique et réduirait considérablement les zones disponibles pour les communautés locales et l’exercice de leurs droits en matière de gestion de leurs forêts et terres ancestrales en vertu de prochains régimes de gestion des forêts communautaires.
La promotion des droits et des capacités des communautés locales devrait en réalité être la première des priorités du gouvernement.
Nous espérons que le gouvernement de la RDC et son ministère de l’Environnement sauront démontrer leur engagement à assainir ce secteur pour le bénéfice de la population congolaise, pour laquelle cela représente une nécessité vitale et, d’autre part, pour satisfaire les bailleurs de fonds du pays.
Les forêts de la RDC représentent un précieux écosystème qui assure la subsistance de millions de personnes. Nous sommes fermement convaincus que la population et l’environnement ont tous deux besoin d’un très fort engagement de la part du gouvernement congolais et de sa plus haute protection.
Avec tout le respect que nous lui devons, nous demandons au ministre congolais de l’Environnement de mettre en œuvre les recommandations suivantes :
Maintenir le moratoire sur l’attribution de nouvelles concessions forestières, étant donné que les fonctionnaires du ministère de l’Environnement ne disposent pas à l’heure actuelle des moyens et des capacités nécessaires pour surveiller les vastes illégalités commises dans le secteur.
Imposer des sanctions dissuasives, conformément au cadre juridique, dont la résiliation des concessions forestières qui ont été attribuées sans respecter le droit ou dans lesquelles sont commises de multiples illégalités.[1]
Publier le résultat de l’examen des dossiers déposés sur les entreprises suite aux missions de contrôle réalisées par les différents agents de contrôle de l’administration et aux missions conjointes des agents forestiers et des Observateurs forestiers indépendants.
Préparer un plan d’action afin de venir à bout des défaillances en matière de gouvernance forestière, parmi lesquelles des décisions de ministres qui constituent un abus de pouvoir (comme cela s’est produit lors du processus de conversion).
Ce plan devra faire l’objet d’une large consultation auprès des parties concernées et des bailleurs de fonds du secteur forestier. Il s’agira également d’augmenter la valeur pécuniaire des sanctions afin que les amendes soient largement supérieures à la valeur du bois abattu, l’objectif étant de renforcer l’effet dissuasif des pénalités.
_____________
[Global Witness]
[1] Le droit congolais prévoit la résiliation des concessions forestières en cas d’atteinte aux réglementations ou lorsqu’elles ne remplissent pas les conditions du processus de conversion, comme cela est le cas des 15 titres forestiers convertis de manière arbitraire en 2011.
Voir Article 23, Arrêté 028 fixant les modèles de contrat de concession d’exploitation des produits forestiers et de cahier des charges y afférent et Décret n° 05/116 du 24 octobre 2005 fixant les modalités de conversion des anciens titres forestiers en contrats de concession forestière et portant extension du moratoire en matière d’octroi des titres d’exploitation forestière.
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© KongoTimes
Global Witness
Réponse officielle de Global Witness au communiqué du ministère congolais de l’Environnement et du Développement durable, publié le 5 juin 2015.
Pour vous rappeler, ce dialogue a été initié suite à la publication de notre rapport, « L’impunité exportée : comment les forêts du Congo sont exploitées illégalement pour le marché international » qui montre que les entreprises congolaises violent les lois dans chacune des opérations forestières inspectées, et que les exportations de bois de pays sont donc à haut risque d’illégalité.
Réponse de Global Witness au communiqué du ministère congolais de l’Environnement et du Développement durable concernant le rapport de Global Witness sur le secteur forestier – 15 juin 2015
Global Witness est engagée en RDC depuis de nombreuses années. Nous croyons au potentiel de ce pays et du peuple congolais.
Mais de nombreux problèmes doivent être réglés pour que l’avenir du pays puisse s’appuyer sur la durabilité, l’équité et la justice sociale. Tous les membres du gouvernement et de l’administration devraient être pleinement impliqués dans cette démarche. Les citoyens de la RDC le méritent.
À travers ses travaux d’analyse et de recherche, Global Witness a pour objectif de fournir des informations susceptibles d’encourager le débat national sur la façon dont la RDC peut bâtir un avenir meilleur en s’appuyant sur des principes de gouvernance solides, sur les partenaires les mieux adaptés, et en associant la communauté internationale à ces efforts.
Global Witness prend bonne note de la réaction du ministère congolais de l’Environnement à son récent rapport consacré au secteur forestier.
Le ministère affirme que « [d]es progrès significatifs ont déjà été accomplis » et que le rapport évoque « des infractions souvent mineures », mais il ne répond à aucun des éléments avancés de manière détaillée dans le rapport. Cela est à la fois inquiétant et surprenant.
Global Witness a publié une analyse basée sur quatre années d’inspections dans le secteur forestier. Nous faisons preuve de transparence à l’égard de nos sources d’information et signalons l’ensemble des illégalités, dont les plus fréquentes sont l’exploitation forestière sans permis et le non-respect des clauses sociales convenues avec les communautés riveraines.
De nombreuses questions ressortent de notre analyse, auxquelles le gouvernement de la RDC n’a pour l’instant pas répondu :
Le gouvernement peut-il fournir des documents prouvant que les responsables de ces illégalités, dont beaucoup sont passibles de plusieurs années d’emprisonnement en vertu du droit congolais, ont reçu une amende et/ou fait l’objet de peines de prison ?
Comment pensez-vous qu’il soit possible pour deux inspecteurs gouvernementaux dans la province de l’Équateur, sans ressources, de surveiller près de 5 millions d’hectares de forêts sous concession ?
Comment les citoyens peuvent-ils savoir que les entreprises sont sanctionnées pour les illégalités découvertes dans leurs concessions et être sûrs qu’il n’y en aura plus d’autres, si l’administration ne publie pas les sanctions qu’elle applique et n’organise pas d’inspections de suivi pour empêcher les récidives ? (L’Observateur forestier indépendant a souligné que les sanctions n’avaient aucun effet dissuasif car elles étaient trop faibles.)
Comment peut-on être certain que des illégalités ne se produisent pas dans la moitié des concessions du pays qui n’ont pas encore été inspectées ?
Quels travaux de cartographie des forêts du pays et des communautés locales et autochtones qui en dépendent le ministère a-t-il réalisés pour conclure que les forêts offrent un potentiel de production de 150 millions d’hectares ?
Le ministère a-t-il pris des mesures lorsqu’il a pris connaissance de l’existence d’accords fiscaux illégaux en 2013 en vertu desquels les entreprises versaient des taxes en fonction de leur superficie exploitable, et non de la superficie totale de leur concession - d’où un manque à gagner pour le Trésor d’environ 10 millions de dollars ?
Pourquoi le ministère ne résilie-t-il pas les concessions qu’un précédent ministre a attribuées de manière illégale ?
Nous espérons que le ministère fera preuve de bonne volonté en répondant aux questions ci-dessus, que nous jugeons légitimes et posées en toute bonne foi.
Le ministère se doit également de détailler les mesures qu’il a adoptées en prenant connaissance des résultats des missions d’observation forestière indépendante, et la manière dont il compte désormais renforcer la gouvernance du secteur forestier.
Le ministère parle d’accroître la zone sous concession et d’augmenter les exportations vers l’Europe. Or une levée du moratoire sur l’attribution de nouvelles concessions forestières serait non seulement illégale – les conditions stipulées dans le Décret présidentiel n° 05-116 du 24 octobre 2005 n’ayant pas toutes été remplies –, mais elle aggraverait les problèmes du secteur forestier.
Elle contribuerait également à saper davantage la confiance de la communauté internationale. Comme notre analyse le démontre clairement, l’administration ne dispose pas des capacités nécessaires pour assurer la régulation des concessions existantes conformément à la législation ; les insuffisances au niveau de la gouvernance forestière n’ont pas été résolues. Une levée du moratoire serait par ailleurs incompatible avec les efforts de lutte contre le changement climatique et réduirait considérablement les zones disponibles pour les communautés locales et l’exercice de leurs droits en matière de gestion de leurs forêts et terres ancestrales en vertu de prochains régimes de gestion des forêts communautaires.
La promotion des droits et des capacités des communautés locales devrait en réalité être la première des priorités du gouvernement.
Nous espérons que le gouvernement de la RDC et son ministère de l’Environnement sauront démontrer leur engagement à assainir ce secteur pour le bénéfice de la population congolaise, pour laquelle cela représente une nécessité vitale et, d’autre part, pour satisfaire les bailleurs de fonds du pays.
Les forêts de la RDC représentent un précieux écosystème qui assure la subsistance de millions de personnes. Nous sommes fermement convaincus que la population et l’environnement ont tous deux besoin d’un très fort engagement de la part du gouvernement congolais et de sa plus haute protection.
Avec tout le respect que nous lui devons, nous demandons au ministre congolais de l’Environnement de mettre en œuvre les recommandations suivantes :
Maintenir le moratoire sur l’attribution de nouvelles concessions forestières, étant donné que les fonctionnaires du ministère de l’Environnement ne disposent pas à l’heure actuelle des moyens et des capacités nécessaires pour surveiller les vastes illégalités commises dans le secteur.
Imposer des sanctions dissuasives, conformément au cadre juridique, dont la résiliation des concessions forestières qui ont été attribuées sans respecter le droit ou dans lesquelles sont commises de multiples illégalités.[1]
Publier le résultat de l’examen des dossiers déposés sur les entreprises suite aux missions de contrôle réalisées par les différents agents de contrôle de l’administration et aux missions conjointes des agents forestiers et des Observateurs forestiers indépendants.
Préparer un plan d’action afin de venir à bout des défaillances en matière de gouvernance forestière, parmi lesquelles des décisions de ministres qui constituent un abus de pouvoir (comme cela s’est produit lors du processus de conversion).
Ce plan devra faire l’objet d’une large consultation auprès des parties concernées et des bailleurs de fonds du secteur forestier. Il s’agira également d’augmenter la valeur pécuniaire des sanctions afin que les amendes soient largement supérieures à la valeur du bois abattu, l’objectif étant de renforcer l’effet dissuasif des pénalités.
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[Global Witness]
[1] Le droit congolais prévoit la résiliation des concessions forestières en cas d’atteinte aux réglementations ou lorsqu’elles ne remplissent pas les conditions du processus de conversion, comme cela est le cas des 15 titres forestiers convertis de manière arbitraire en 2011.
Voir Article 23, Arrêté 028 fixant les modèles de contrat de concession d’exploitation des produits forestiers et de cahier des charges y afférent et Décret n° 05/116 du 24 octobre 2005 fixant les modalités de conversion des anciens titres forestiers en contrats de concession forestière et portant extension du moratoire en matière d’octroi des titres d’exploitation forestière.
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