dimanche 7 juin 2015

Togolais, quand tu auras séché tes inutiles larmes…

4 mai 2015

 


La honte. Ce pesant, louche, avilissant sentiment ne nous quitte plus quand il nous faut nous présenter, parler de nous devant les autres. 

Parler de nous, décliner notre identité, citer notre pays d’origine, le Togo. Que pensions-nous, que pensons-nous ? A un moment quand même, il faut commencer à subir la puanteur du cadavre qu’on n’a pas voulu enterrer. 

Nous donnons aujourd’hui, Togolais, devant les yeux des autres, l’image d’hommes lâches, incapables, poltrons, louches à la limite, abritant, cautionnant l’un des régimes les plus hideux, barbares, éhontés et sanguinaires d’Afrique. 


Le contraste est là, notre laideur saute aux yeux parmi tous nos voisins passés à autre chose depuis, eux pourtant qui n’ont pas connu les mêmes affres que nous. 

Même le Burkina Faso, qui nous aidait, il y a juste quelques mois, à cacher notre miasme, est sorti du sanctuaire maudit des dieux assemblés par balles de fusils, gaz lacrymogène, mensonges, assassinats…

Et nous en sommes toujours là, nous autres, dodelinant de la tête, tels des somnambules indécis, devant le même régime qui a écourté, anéanti tous nos rêves depuis 50 ans maintenant. 


Si nous, Togolais qui voulons le changement, la majorité, l’écrasante majorité donc, ne sommes pas responsables de ce Togo honteux que nous avons aujourd’hui devant nous, qui l’est alors ? 

Ceux qui le pillent ? 

Ils sont dans leur rôle eux, et, reconnaissons-le, orgueil de vaincus dignes, reconnaissons que les pilleurs du Togo font bien, très bien leur travail. C’est nous qui ne faisons pas notre travail, ou qui ne l’avons pas assez fait.

Je lis ici et là, la lobotomie de la religion aidant, beaucoup affirmant que Dieu a abandonné le Togo. Ah bon ? Parce qu’Il est obligé, Dieu, de ne pas abandonner un pays que nous, ses propres propriétaires, avons abandonné ?

Nous voilà, nous qui sommes aujourd’hui en train de pleurer sur notre pays. Nous voilà comme nous sommes. 


A côté des hypocrites qui pour leurs intérêts quotidiens vomissent la dictature en privé mais l’applaudissent en public, il y a ceux qui se disent fatigués parce qu’ils ont tout essayé sans succès, il y a nous qui avons déserté et qui croyons nous rattraper à travers nos coups de gueule au mieux bénins au pire ridicules sur Internet, il y a ceux qui vivent dans des pays qu’ils ont fini par prendre pour les leurs, qui ne parlent du Togo chaque fois qu’on leur en parle qu’en cinq mots : « Le Togo ne changera plus. »… Nous voilà donc.

Nous qui vivons hors du Togo, oui, nous, avec notre très grand nombre, avec le potentiel que nous représentons pour ce pays, combien de fois avons-nous eu l’idée, avons-nous une seule fois eu l’idée, avons-nous déjà une seule fois osé l’idée de nous concerter, de nous organiser, de retourner tous, ensemble, au pays pour deux ou trois jours pour supporter nos frères qui sont sur le terrain ? 


Oui, une telle action demande de nous des sacrifices, des « pertes » pratiques (sont-ce des pertes au fait ?) : billet d’avion ou de bus, congés, hébergement au pays, risques de se faire du mal dans un pays où on tire par plaisir sur tous ceux qui ne chantent pas, ne dansent pas le pouvoir, risques de… perte de… 

Oui mais, avant de nous poser toutes ces questions sur les risques et pertes liés à nos engagements, nos vrais engagements pour le Togo, demandons-nous si nous voulons vraiment que ce pays soit libre. C’est une proposition parmi dix mille. Pensons-y !

En voyant Francis Pedro, vice président de la CENI, chercher à empêcher le président de la CENI de proclamer en direct sur la télévision togolaise les faux résultats fabriqués par la dictature, en le voyant s’exposer à tous les risques que son geste peut engendrer face à une barbarie comme celle du Togo, j’ai vu, dans ses yeux, la détermination, la rage que doit avoir le combattant conscient qu’il a devant lui un adversaire pas facile. 


Et quand je me suis vu, moi, dans la glace, j’ai vu, dans mes yeux, des larmes, la peur, l’indécision, la lâcheté… la honte !

Togolais adeptes du changement, regardons-nous tous aujourd’hui dans les yeux, regardons-nous face à notre histoire, face à notre présent, face à notre avenir, l’avenir de nos enfants, regardons-nous face à ce que nous dirons demain quand on nous demandera ce que nous avons fait de notre Togo d’aujourd’hui, qui demain sera le Togo d’hier, regardons-nous et vérifions si nous avons, dans les yeux, à côté des larmes inutiles que nous pleurons aujourd’hui, vérifions si nous avons la détermination et la rage nécessaires pour libérer notre pays. 


Le Togo est là, pour le moment, dans les mains des hommes de mauvaise foi et des soudards brutaux, imprésentables mais présents chaque fois qu’il faut défendre leur butin. Et eux, ils n’ont pas peur. Ils ne pleurnichent pas !
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David Kpelly


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