vendredi 3 juillet 2015

La Ceni est une "Commission-Kangourou" pour manufacturer le chaos et prolonger indûment le bail de M. Kabila au Palais de la Nation

le 25 juin 2015

 
Le siège de la Ceni (Commission électorale nationale indépendante) à Kinshasa.

D’abord la notion de commission-kangourou. Dans les pays anglophones comme les États-Unis, l’Australie ou le Kenya, quand une cour rend des verdicts seulement favorables aux positions prises par le pouvoir exécutif, on dit qu’elle n’est pas indépendante, qu’elle manque d’objectivité et reçoit ses injonctions du gouvernement ; et par dérision on l’appelle «Kangaroo-Court» pour dénoncer son manque d’indépendance et d’objectivité. 


L’expression Commission-Kangourou est une simple transposition de cette notion dans le contexte politique de notre pays.

En effet, depuis son retour voulu et orchestré par M. Kabila à la tête de la Ceni, l’abbé Malumalu ne fait qu’obéir au doigt et à l’œil de ce dernier qui tient si pas à rempiler, du moins, à continuer l’exercice du pouvoir au-delà de la fin de son mandat en décembre 2016. 


Et Malumalu a reçu pour mission, hors de ses attributions officielles, de piloter le processus électoral aux fins d’assouvir ce désir très ardent de l’hôte actuel du Palais de la nation. 

Sinon, pourquoi ce ministre de culte, supposé être de par son sacerdoce, un modèle de probité morale et intellectuelle s’ingénie-t-il à pondre un concept creux comme «arriérés électoraux de 2011 qu’il faut épuiser», à exclure certains majeurs d’aujourd’hui à prendre part à tous les scrutins comme électeurs ou candidats ; et à s’arc-bouter sur un calendrier électoral qui n’est pas en phase avec les réalités du moment ?

A y regarder de plus près, c’est la main du diable qui est à l’œuvre et non celle d’un citoyen conscient de son devoir patriotique à bien accomplir la lourde charge qui lui est dévolue pour le bien supérieur de la Nation et non pas pour la préservation des intérêts de chapelle inavoués de la clique au pouvoir!


Tenez : Sous la direction de l’abbé Malumalu, la Ceni insiste qu’il n’y a pas de votes plus importants que les autres et qu’à ce titre, les scrutins ratés de 2011 sont des «arriérés électoraux» qu’il faut d’abord et absolument épuiser avant d’organiser les législatives et la présidentielle de 2016 et si, sous-entendu puisque la Ceni n’ose pas le dire tout haut, nonobstant l’échéance constitutionnelle de la présidentielle, l’organisation de ces arriérés électoraux empiète sur le calendrier des législatives et présidentielle de 2016 ? 

Hakuna matata ! Pas de problème car au moins on aura épuisé les arriérés du cycle électoral de 2011! Bon Dieu, quelle supercherie ? Et pourquoi se recroqueviller seulement sur 2011 ? Poussons cette logique jusqu’au bout et nous voilà avec des arriérés de 2006 aussi !

Le temps ne s’est pas arrêté en 2011 ! La démographie non plus car les statistiques vitales, comme l’honorable Samy Badibanga l’a démontré (1), ont beaucoup changé depuis juillet 2011, date de clôture des derniers enrôlements électoraux. 


Bien plus, la Nation n’a pas souffert d’inanition. Elle vit ! Chaque jour, des nouveaux nés font la joie des millions de familles congolaises, mais aussi des êtres chers nous quittent, certains tragiquement comme à Beni, Butembo, Goma, Kinshasa, etc. ; victimes d’assassins anonymes ou de sanglantes répressions du gouvernement tout comme des maladies.

N’en déplaise à Malumalu, Boshab, Lumanu, Minaku, et consorts, la dynamique du changement continue inexorablement son chemin sans arrêt ni détours. 


Oui, en novembre 2011 quand les dernières parodies électorales avaient eu lieu, ma fille, Demomo MonTrésor, née en octobre 1997, avait à peine quatorze ans et était en troisième année des humanités. 

A ce jour, elle vient de passer ses épreuves d’Etat et sera bientôt une étudiante en médecine quand les élections d’octobre 2015 ou de novembre 2016 auront lieu, si jamais elles sont tenues, avec plus de dix-huit ans révolus. 

Une nouvelle majeure qui, comme ses congénères, n’a rien à voir avec le report opportuniste, je dirais plutôt l’abandon délibéré et farfelu par le gouvernement et la Ceni, de la poursuite du processus électoral de 2011 après les législatives et la présidentielle de triste mémoire. 

Alors, pourquoi dépouiller ma fille de son droit de vote que lui confère l’alinéa IV de l’article 5 de la Constitution ?

Cette position insoutenable de la Ceni tient à une chose : précipiter les opérations de vote sans préalablement enrôler les électeurs ni mettre à jour le fichier électoral et ainsi pouvoir manipuler à l’aise, les résultats des urnes à dessein de mécontenter les votants et les candidats et les jeter dans la rue à travers tout le pays avec comme ultime objectif : donner à M. Kabila le scénario du chaos dont il a besoin pour se maintenir au pouvoir hors mandat électif en décrétant un état d’urgence ou de siège manufacturé par la Ceni. 


L’enrôlement tous azimuts à chaque cycle électoral est une tâche pourtant clairement définie à l’alinéa II de l’article 211 de la Constitution instituant la Ceni. 

En se dérobant de leur vraie mission, en forgeant le fallacieux concept d’arriérés électoraux, les instances dirigeantes de la Ceni font monter les enchères sur base de rien, et nous vendent tout simplement du vent pour semer la tempête et ainsi fournir le prétexte activement recherché par M. Kabila pour prolonger son bail. 

Le découpage Moïse Katumbi obéit au même cynisme grossier dont il faut dégager le contexte.

La tragi-comédie politique Congolaise s’est enrichie d’un nouvel épisode naissant dont les conséquences réelles, du fait de prince, risquent de saper gravement et durablement la concorde sociale retrouvée sous la deuxième république après le triomphe éphémère des divisions, des luttes fratricides et des forces centrifuges sous la première Législature à l’instigation de l’ex-puissance coloniale. 


Du fait de prince parce que le découpage territorial ne figurait même pas au budget du gouvernement central pour 2015 (2). En effet, jusqu’au mardi 23 décembre 2014 quand le Gouverneur Katumbi Chapwe a usé de l’allégorie du troisième faux pénalty dans sa courte harangue à la Place Tshombe de la capitale du cuivre, il n’était nullement question de procéder au découpage. 

Revenant de l’étranger après plus d’un mois d’hospitalisation, le Gouverneur a certainement été informé du contenu de l’appel inamical lancé à ses administrés la veille par M. Kabila en séjour au Katanga sur les antennes d’une radio locale de continuer à vaquer normalement à leurs occupations plutôt qu’à réserver un accueil particulièrement chaleureux à leur gouverneur.

Des notabilités locales dont le président de l’Assemblée provinciale, M. Kyungu, et une bonne frange des Lushois défieront M. Kabila et les forces de l’ordre mobilisées à empêcher cet accueil à l’allure de précampagne électorale et susceptible de faire ombrage au président. 


L’allusion au troisième mandat voulu par M. Kabila et ses flagorneurs était trop claire pour être ignorée par le premier concerné. Le tout nouveau ministre de l’Intérieur et jusqu’alors secrétaire général du parti présidentiel dont M. Katumbi est également cadre, M. Evariste Boshab, rejoignit M. Kabila sur place et dans la foulée releva M. Katumbi de sa fonction de président fédéral local du parti présidentiel. 

S’ensuivit une mission du premier ministre Matata lui-même pour éjecter les responsables provinciaux des régies financières soupçonnés d’être de connivence avec le gouverneur désormais en disgrâce présidentielle. 

Ainsi a commencé le branle-bas au sommet de l’Etat, dans la confusion et sans planification, de mettre en chantier vaille que vaille, le découpage territorial qu’il convient d’appeler à juste titre : le découpage Katumbi car c’est sa harangue jugée comme un affront direct au chef de l’état qui a amené ce dernier à décider du découpage sans plus attendre pour mettre le gouverneur hors d’état de lui faire ombrage au Katanga.

Ainsi, des ressources de la République sont d’une part mobilisées pour servir des ressorts d’une revanche personnelle et d’autre part, pour couvrir la forfaiture d’un pouvoir finissant qui n’a que faire de civilités et normes démocratiques, étant issu lui-même du triomphe de la loi de la jungle sur l’ordre établi et le droit un certain 17 mai 1997.

Voilà le contexte dans lequel M. Kabila s’est découvert très subitement une vocation d’adepte de l’administration de proximité qu’il avait jusque-là renvoyée aux calendes grecques par crainte de voir d’autres centres de pouvoir émerger à travers le pays et à même d’exposer par leur performance de gestion la médiocrité du pouvoir central sous son contrôle exclusif et de susciter par là-même, des comparaisons désagréables à son encontre. 


Dans la perspective de se succéder à lui-même, il dresse néanmoins un écueil majeur contre la bonne réussite de l’administration de proximité en retenant, de facto, au niveau du gouvernement central, la gestion des ressources expressément reconnue aux entités décentralisées par la Constitution. 

Une autre supercherie épinglée par l’ancien ministre de budget et ex-premier ministre, Honorable Adolphe Muzito (3) qui a démontré, chiffres à l’appui, qu’il n’y a pas de ressources budgétaires pour la mise en place de nouvelles entités et que sans transfert de gestion des ressources du pouvoir central aux entités décentralisées, l’administration de proximité ne sera qu’une vaine opération de conjoncture pour conforter--c’est mon interprétation-- un pouvoir en quête d’une nouvelle bouffée d’oxygène pour sa survie.

La supercherie d’arriérés électoraux de 2011 ne tient pas non plus au regard de l’article 226 de la Constitution qui stipule: «Les dispositions de l’alinéa premier de l’article 2 de la présente Constitution entreront en vigueur endéans trente six mois qui suivront l’installation effective des institutions politiques prévues par la présente Constitution». 


Et l’article 2 alinéa premier est libellé: «La République Démocratique du Congo est composée de la ville de Kinshasa et de 25 provinces dotées de la personnalité juridique. 

Ces provinces sont : Bas-Uele, Equateur, Haut-Lomami, Haut-Katanga, Haut-Uele, Ituri, Kasaï, Kasaï Oriental, Kongo Central, Kwango, Kwilu, Lomami, Lualaba, Kasaï Central, Mai-Ndombe, Maniema, Mongala, Nord-Kivu, Nord-Ubangi, Sankuru, Sud-Kivu, Sud-Ubangi, Tanganyika, Tshopo, Tshuapa.» 

Si nous nous en tenons à l’esprit et à la lettre de la Constitution en comptant à partir de janvier 2007, date de l’installation effective des institutions issues des élections de 2006, le découpage aurait dû prendre place en février 2010. 

Donc, c’est raté et comme on dit en droit : «Rebus sic stantibus», les choses étant ce qu’elles sont, ne faisons pas des élections de 2011 un cycle électoral à compléter et à épuiser en 2015, 2016 ou 2017.

L’administration de proximité est une aspiration légitime, un idéal à poursuivre mais, de grâce, de manière responsable hors de toutes considérations ad hominem et non pas dans la précipitation. 


Puisqu’il est trop tard pour s’y atteler maintenant, M. Kabila ferait mieux de laisser au gouvernement de la République, issu des législatives et présidentielle prévues pour novembre 2016, les soins de finir cette tâche dans la continuité républicaine de l’Etat. Car, «les hommes passent mais les institutions restent…» 

La République n’est pas honorée et à travers elle la Nation Congolaise n’est pas honorée non plus par la vaste tricherie qui se déploie sous nos yeux avec des projets de lois iniques et un calendrier électoral impossible à tenir et qui fait rire même le plus inculte des dilettantes. 

Dans le chef du gouvernement, il semble que la leçon des journées chaudes et sanglantes de janvier 2015 n’est pas encore tirée. C’est dommage. Et que dire du projet de loi portant répartition des sièges aux locales et municipales rejeté par l’Assemblée nationale qui contient des circonscriptions électorales sans électeur, donc des ensembles vides comme on dit en Math Moderne, et des circonscriptions à un seul électeur ?(4) 

Non, il est encore temps d’arrêter la forfaiture et épargner la Nation d’une nouvelle tragédie à grande échelle.

Notes :


(1)Intervention de l’Honorable Samy Badibanga à l’Assemblée nationale le 8/6/2015 in http://www.laprosperite.net/affi_article.php?id=6666&rubrique=POLITIQUE
(2)Muzito, Adolphe : La RDC, un Etat sans budget, Le Phare le 6 avril 2015
(3)Badibanga, Samy, Ibidem
(4) Ibidem

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Bouhdan M’Bembo, B. Sc., M.A.,
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