Par Alain Saint Robespierre
Sans précédent. L'unanimité de la Communauté internationale, ou de ce qui est considéré comme tel, contre Laurent Gbagbo est tout simplement de l'inédit. Qu'elle renvoie à tous les pays du monde, aux Etats membres de l'ONU, aux cinq puissances du Conseil de sécurité ou aux Etats-Unis et à leurs alliés, cette Communauté internationale n'a, jusque-là, pas enregistré de fausse note dans son concert de désapprobations contre le régime Gbagbo.
Même la Russie, mouton noir de ce conglomérat de nations influentes, après valses-hésitations, a fini par braquer son canon sur l'actuel locataire du palais de Cocody.
Alors, depuis sa proclamation par le Conseil constitutionnel comme vainqueur du second tour de la présidentielle ivoirienne face à Alassane Ouattara, précédemment donné gagnant par la Commission électorale indépendante (CEI), le président sortant n'en finit pas de ployer sous les sanctions
A la décision de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et de l'Union africaine (UA) de suspendre la Côte d'Ivoire de toutes leurs instances est venue s'ajouter la pression de l'Union européenne par la prochaine annonce de restrictions de visas et d'un gel des avoirs des épigones du Front populaire ivoirien (FPI) ; le Conseil de sécurité de l'ONU et le FMI sont, eux aussi, allés de leurs contraintes pour faire lâcher prise à Gbagbo.
Plus frontaux et aux mépris des convenances diplomatiques, les présidents français, Nicolas Sarkozy, et américain, Barack Obama, ont sommé leur pair de la lagune Ebrié de quitter le pouvoir : « d'ici la fin de la semaine [NDLR : le week-end dernier] », a dit, menaçant, l'homme de l'Elysée, « dans un temps limité », a exigé le locataire de la Maison-Blanche, pendant que le Premier kenyan, Raila Odinga, appelle à l'intervention militaire.
Dernière levée de boucliers en date, celle du procureur de la Cour pénale internationale (CPI), l'Argentin Luis Moreno Ocampo : en effet, jeudi dernier, jour de la marche des partisans d'Alassane Ouattara sur la radio-télévison ivoirienne (RTI), le grand juge a prévenu qu'il engagerait « des poursuites contre quiconque serait responsable de violences meurtrières ». Même s'il affirme « n'avoir choisi aucun camp dans cette affaire », pas besoin d'être un grand clerc pour savoir à qui s'adresse cette mise en garde.
On ne le dira jamais assez, rarement la Communauté internationale fait preuve, à l'unisson et dans la promptitude, de telles mesures de rétorsion contre ce qu'elle considère comme un déni de démocratie. Entend-elle, à partir de la situation ivoirienne, tenter d'acheter une conduite, elle dont les prises de position se font le plus souvent à géométrie variable : complaisance par ci, complicité passive par là, complicité active par moments, et subite fermeté envers un président qui, loin d'être le pire des monstres, s'est, de surcroît, plié à la légalité républicaine ?
Haro sur le pestiféré !
Des chefs d'Etat sortants qui ont mis un terme aux décomptes des voix pour se faire proclamer vainqueur du scrutin, on en a connu, sans que cela émeuve nos gardiens des valeurs démocratiques. Que l'on se comprenne bien ! Loin de nous l'idée de cautionner la victoire problématique de Laurent Gbagbo, juste une invite à tous ceux qui foncent, sabre au clair, sur « le pestiféré » à faire preuve de pareille intransigeance partout où l'Etat de droit viendrait à être mis à mal.
En attendant, revenons à ce flot tumultueux de sanctions et de menaces qui fait tanguer actuellement le navire FPI ; passons sur son opportunité et son efficacité pour signaler le risque de radicalisation de la crise dont il est porteur : acculé, poussé dans ses derniers retranchements, le « proscrit » de la Communauté internationale ne reculera plus devant rien pour tenter de faire respecter la décision du Conseil constitutionnelle, marquée, comme partout ailleurs dans le monde, du sceau de « l'autorité de la chose jugée ».
Sans compter cet autre risque : transformer Laurent Gbagbo, que d'aucuns voient déjà en David contre Goliath, en victime, voire en martyr d'un cas d'ingérence grave dans des affaires internes.
Que cette Communauté internationale là revoie sa copie mais pas forcément sa position, sous peine de passer pour le grand méchant loup.
En partenariat avec L'Observateur Paalga
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