Laurent Koudou Gbagbo avait prévenu. Au cours de son intervention qui avait tenu lieu de discours d’investiture le 4 décembre 2010, et alors que les imprécations contre lui fusaient de toutes parts et se faisaient de plus en plus fortes, il avait invité ceux qui vont trop loin dans les critiques et les prises de position à se ressaisir. “Il faut qu’ils se ressaisissent”, avait-il martelé et répété pour que nul n’en ignore les conséquences, toutes les conséquences
Il faisait sans doute allusion à la communauté internationale, à l’ONUCI et à son patron en tête, Young Jing Choi, qui avait pris fait et cause pour le président démocratiquement élu, Alassane Dramane Ouattara (ADO), et qui n’arrêtait pas de crier haro sur le baudet du processus électoral, mauvais perdant.
La semaine dernière, les tirs de ses partisans s’étaient faits de plus en plus précis avant que, samedi, Jacqueline Lohoues Oblé, la ministre de la Fonction publique et porte-parole du gouvernement, enfonce le clou : dans une déclaration officielle, Gbagbo a accusé l’ONUCI d’avoir largement failli à sa mission en posant des actes qui ne sont pas conformes à son mandat d’impartialité et d’avoir soutenu les forces ex-rebelles, alliées à ADO.
Un procès en règle donc, ponctué par une sentence sans appel : l’invite faite aux 10 000 casques bleus onusiens et aux troupes françaises (900 hommes) de la Force Licorne de plier bagages dans les meilleurs délais. Le timing de l’oukase n’est certainement pas le fait du hasard : c’est en effet aujourd’hui même que doivent s’ouvrir les discussions pour un renouvellement ou non du mandat de l’ONUCI, qui expire, rappelons-le, le 31 décembre 2010.
Le Secrétaire général de l’ONU en personne, Ban Ki-moon, a tout de suite exclu le départ précipité de ses hommes, menaçant Gbagbo d’avoir à subir les conséquences des actes qu’il pose. La question reste toutefois de savoir quelle réponse appropriée la communauté internationale apportera à ce qui ressemble à un défi lancé par le camp Gbagbo, dont on se demande souvent à quoi il est adossé pour engager pareille épreuve de force.
A l’évidence, il joue gros en se dressant seul contre tous, mais il est peut-être en train, après son coup d’Etat électoral, de préparer un coup fumant en poussant, qui sait, les casques bleus à la faute, car, dans le même temps, Charles Blé Goudé, jusque-là ministre de la rue publique et récemment bombardé ministre de la Jeunesse, de l’Emploi et de la Formation professionnelle, remobilise ses troupes et est prêt à en découdre avec ceux d’en face, qui ne sont pas si maïs que ça.
Avec la sortie guerrière de Jacqueline Lohoues Oblé et les menaces à peine voilées de Blé Goudé, la visite de Jean-Ping, président de la Commission de l’Union africaine, a vite fait de prendre l’allure d’un épiphénomène pour ne pas dire d’un camouflet. Il est vrai qu’en s’aventurant dans les eaux particulièrement troubles de la lagune Ebrié, Jean-Ping ne s’attendait pas à un quelconque miracle, cela, d’autant que l’organisation continentale a clairement affiché sa position pro-ADO.
L’épreuve de force entre Gbagbo et la communauté internationale est certes engagée, mais jusqu’où ira-t-elle ? Imaginons que la marée humaine du général Blé Goudé décide de déferler sur l’hôtel du Golf, défendu par au moins 800 casques bleus et des soldats des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN) : M. Choi fait quoi contre ? Il laisse faire ou fait tirer sur les manifestants au risque de rendre encore plus dramatique une situation qui n’est déjà pas si simple à gérer ?
En tout cas, avec cette nouvelle donne, on saura jusqu’où peut aller la détermination de la communauté internationale. Après les incantations et les sanctions ciblées qui commencent à tomber, que peut-elle bien faire face à l’entêtement d’un homme qui n’a plus grand- chose à perdre ? Une chose est sûre, on imagine mal une intervention armée extérieure ouverte comme celle préconisée par le Premier ministre kényan, Raïla Odinga, dont l’objectif serait de sauter Gbagbo pour installer ADO.
Mais si d’aventure les protecteurs étrangers devaient faire leur paquetage après le 31 décembre, ils livreraient ainsi leurs protégés pieds et poings liés à l’ennemi.
Cela dit, la Côte d’Ivoire plonge, chaque jour que Dieu fait, dans une situation catastrophique, surtout avec les dérives dangereuses sur les terrains ethnique et religieux. Ainsi, samedi dernier, les violences se sont poursuivies à Grand-Bassam, à une quarantaine de kilomètres de la capitale économique, par suite de l’agression de fidèles qui priaient dans une mosquée. On peut s’amuser avec tout sauf les questions ethniques et religieuses. Donc si on n’y prend garde, il y aura une danse macabre au bord du précipice.
La rédaction - L’Observateur Paalga
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