Siméon Gnako
17 Décembre 2010
La crise que vit la Côte d'Ivoire en ce moment est une illustration vivante de la politique de déstabilisation des occidentaux dans le tiers monde. Toujours au seul service de leurs intérêts, ils n'hésitent pas à tordre le cou à leurs propres doctrines de démocratie et de liberté pour exporter les guerres et spolier les autres peuples.
Dans une interview accordée à Radio Kerniews, média émettant de France, le nouveau ministre ivoirien des Affaires étrangères a mis à nu la complicité France-Etats-Unis dans la crise issue du second tour de la présidentielle en Côte d'Ivoire.
Alcide Djédjé a démontré comment Paris et Washington ont manoeuvré pour faire proclamer, dans des conditions illégales, des résultats favorables à Alassane Ouattara. Une attitude qui, depuis, installe le pays dans un climat d'incertitudes et rappelle bien d'atrocités suscitées ou commises par les deux pays à travers le monde.
Pour des intérêts divers. Tantôt chacun de son côté, tantôt ensemble. Les exemples sont légion. Cet article n'a pas la prétention de les citer tous.
Un jour de l'année 1972, l'aviation américaine bombarde Trang Bang, un village vietnamien soupçonné d'être un bastion de l'armée du Viêtnam du nord, que combattent les Etats-Unis pour freiner le communisme.
Pour fuir la zone bombardée, cinq enfants âgés de 4 à 12 ans courent sur la route, criant de douleur. La jeune Pham Thi Kim Phuc se débarrasse de ses vêtements en feu et se met toute nue.
La scène, saisie par un photographe, fait apparaître, juste derrière les enfants terrifiés, des soldats américains, portant des casques anti-gaz et indifférents à la détresse des mômes.
L'image est l'une des nombreuses photos qui illustrent les récits sur la guerre du Viêtnam. Elle a choqué plus d'un humain à travers le monde. Le cynisme américain était ainsi revendiqué.
Des dizaines de morts
32 ans après, soit en novembre 2004, l'armée française ouvre le feu sur des jeunes ivoiriens aux mains nues devant l'Hôtel Ivoire à Abidjan et à plusieurs autres endroits de la capitale économique et du pays.
On enregistre des dizaines de morts et plusieurs blessés marqués à vie. Plusieurs images ont aussi choqué plus d'un humain dans le monde : celle de ce jeune dont la tête a été explosée par la balle d'un soldat français ; celle de ce soldat français piétinant le corps sans vie d'un adolescent tué quelques minutes auparavent à Port-Bouët, le quartier où se trouve l'aéroport d'Abidjan.
Le premier exemple remonte au temps de la guerre froide. La faute du Viêtnam du nord a été d'avoir choisi le communisme. Une faute idéologique. C'était d'ailleurs pour cela que le pays a été divisé. Il y avait le Viêtnam du nord proche de la Chine et de l'Urss et le Vietnam du sud, allié des Etats-Unis, de la France et de tous les pays du bloc occidental.
Et cette division a été d'abord l'oeuvre des Français. En effet, le Viêtnam n'est autre qu'un des territoires de l'Indochine qui était une colonie française reprise par le Japon. C'est dans sa tentative de récupérer cette colonie que la France va mener une guerre au Viêt Minh, mouvement indépendantiste créé par Hô Chi Minh. En difficulté face à l'armée populaire vietnamienne qui avait proclamé l'indépendance de la République du Viêtnam en septembre 1945, la France opte pour la division.
Elle fonde l'Etat du Viêtnam et en laisse la gestion à des "vietnamiens manipulés. La stratégie était de "vietnamiser" le conflit. Mais la France et ses patins reçurent le soutien des Etats-Unis. Malgré cela, la France est humiliée dans la vallée de Diên Biên Phu en mai 1954.
Elle quitte alors le Viêtnam divisé en deux : le Viétnam du nord et le Viêtnam du sud. Les Etats-Unis prennent le relais de la Vietnamisation du conflit à partir de 1959. Ils l'inscrivent dans une logique de guerre froide en s'appuyant sur une stratégie anti-communiste.
Mais le pays va essuyer une défaite militaire cuisante. La victoire du Viêtnam du nord se soldera par la réunification du Vietnam qui depuis 1975 est la République socialiste du Viêtnam.
"You don't know America"
Le deuxième cas concerne, bien sûr, la crise que vit la Côte d'Ivoire depuis 2002. Très vite, les autorités ivoiriennes perçoivent la main de Paris derrière la tentative de coup d'Etat qui se mue en rébellion.
Jacques Chirac, alors président de la France, jette le masque quand, en novembre 2004, Abidjan lance l'opération Dignité visant à rétablir l'intégrité du territoire : destruction de la flotte aérienne de l'armée ivoirienne, carnage des jeunes à Abidjan.
En Côte d'Ivoire, tout le monde sait aussi qu'au plan local, Alassane Ouattara est le père de la rébellion. Mais rares sont ceux qui soupçonnent les Etats-Unis. Aussi, au cours d'une manifestation contre l'attitude de Paris en 2003, des patriotes s'autorisent-ils à écrire sur une banderole "America, please helps Côte d'Ivoire". Face à la guerre de la France contre leur pays, des Ivoiriens pensent à ce moment-là trouver secours du côté de Washington.
"You don't know America", réagit ce jour-là un journaliste de l'agence de presse de Cuba face à d'autres journalistes africains avec qui il participait à un stage. "Vous ne connaissez pas l'Amérique", fait remarquer le confrère.
Il explicite sa pensée en disant que les Etats-Unis sont aussi mauvais sinon pires que la France dans la destruction des petits Etats à travers le monde. 7 ans après, la mise en garde du journaliste du pays de Fidel Castro se présente comme une prophétie réalisée. Washington prend désormais la tête de la déstabilisation de la Côte d'Ivoire.
De concert avec la France, la prédatrice maison, et avec le soutien actif du représentant spécial du Secrétaire général de l'Onu, les Etats-Unis sont en train de planter le décor d'une déflagration en Côte d'Ivoire.
Aucun geste en vue du désarmement
Tenez, le pays le plus important économiquement de l'Afrique de l'ouest est divisé en deux depuis 2002. Par la volonté de la France, des rebelles occupent la moitié du pays après l'échec d'un coup de force contre Laurent Gbagbo que Paris n'apprécie guère pour ses idées autonomistes. Toutes les résolutions de l'Onu et tous les accords de paix mettent en exergue la souveraineté du pays et le désarmement des rebelles.
Mais, ni du côté de l'ancien colonisateur, ni du côté de l'Onu, on ne mouille le maillot pour rendre effectif le désarmement. Aucune capitale occidentale, dont Washington, ne dit mot et ne fait aucun geste en vue du désarmement des bandes armées qui occupent le pays. En revanche, tous mettent la pression sur Laurent Gbagbo pour organiser des élections.
Le moment venu, c'est un scrutin sous contrôle des rebelles en armes qui se déroule dans les zones occupées. Acquis à la cause de Ouattara, les rebelles usent de tous les moyens illégaux pour faire gagner Ouattara dans leurs zones. Le 31 octobre, lors du premier tour, la triche n'est perçue qu'au moment des résultats. Des scores soviétiques pour Ouattara.
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