mardi 21 décembre 2010

SHELL DANS LE DELTA DU NIGER: PÉTROLE ET DROITS BAFOUES


NIGERIA
21/12/2010 15.18

Il n'y a plus d'eau à Koroama depuis six mois. « Ils ont d'abord dragué la rivière puis ils ont commencé à brûler le gaz », raconte Kingsay Kwokwo, un chef de village, qui ne croit plus à la « responsabilité sociale » des multinationales du pétrole. Dans cette région du Delta du Niger, au Bayelsa, où opère la compagnie Royal Dutch Shell, la MISNA est accompagnée d'un petit groupe de défenseurs des droits de l'homme. « Les compagnies étrangères promettent d'investir des millions de dollars dans des projets de développement local, mais le plus souvent, les communautés ne reçoivent rien », précise père Edward Obi, missionnaire qui dirige le Center for Social and Corporate Responsibility (Cscr). Une usine « intégrée » pour le pétrole et le gaz naturel a été inaugurée en juin dans la région de Gbaran-Ubie. Il s'agit de l'un des chantiers les plus significatifs qu'ait jamais réalisés Shell, à la conquête du Delta depuis 1936. Quand elle aura atteint son plein régime l'an prochain, elle pourra produire un milliard de mètres cubes de méthane par jour, soit un quart de toute la production nigériane. Les hydrocarbures sont raffinés sur place avant d'être envoyés au terminal Bonny Island, un lieu qui a souvent défrayé la chronique pour les pots-de-vin millionnaires qui y ont été versés à des dirigeants politiques par les managers de compagnies nord-américaines et européennes. Mais à Koroama, la colère persiste. Le village est éventré par deux oléoducs bien que leur construction ait été déconseillée par une étude de faisabilité environnementale menée par le gouvernement nigérian en 2005. « Ce document – souligne père Edward – oblige également Shell à assurer un système de fourniture en eau potable pour compenser au moins en partie les dégâts causés à l'environnement ». Les jeunes du Center for Social and Corporate Responsibility se sont rendus dans 17 villages et ont interrogé des centaines de personnes. Mais aucune trace des aqueducs promis, bien que Shell affirme que les communautés locales ont bénéficié d' « avantages » et d' « emplois » depuis le début des travaux. Dans les villages, les habitants se souviennent très bien des promesses que la puanteur et les méfaits du gaz brûlé seraient de courte durée. « Mais depuis juin, les flammes ne se sont jamais plus éteintes », soutient un chef traditionnel qui, depuis son village, ne voit que cheminées et tours de métal. La colère et la déception ne s'atténuent pas non plus avec les soi-disant « offres d'emploi » : « 300 à durée indéterminée », soutient Shell. « Ils amènent de l'extérieur leurs propres techniciens et ouvriers », répondent les habitants riverains. Les protestations des femmes de Gbaran-Ubie en mai dernier ont contraint le gouverneur de Bayelsa à recourir à une médiation. Shell dispose jusqu'au 31 décembre pour achever ses « projets sociaux » conformément aux accords passés avec les communautés locales. « Mais cela aussi – soutiennent les sources de la MISNA – ce n'est qu'une illusion ».[CO]

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