lundi 24 janvier 2011

RDC: Un autre regard sur une loi controversée


Écrit par Emmanuel Ngeleka Ilunga   
Lundi, 24 Janvier 2011 19:20


Ainsi donc, contre vents et marées, le président Joseph Kabila a déjà promulgué l’article 71 de la constitution qui modifie le mode du scrutin présidentiel à la majorité simple. Plutôt que de faire écho à la clameur de désapprobation ayant précédé le vote de cette loi controversée, cherchons  à comprendre pourquoi le gouvernement a manifesté une telle obstination au point que rien ne l’a fait reculer : ni l’opposition, encore moins l’intervention du Cardinal Mosengwo. De quelle importance revêt donc cette loi pour Joseph Kabila ?
Quelles leçons retenons-nous du récent débat ?
Les péripéties ayant conduit au vote de l’article 71 ont servi d’occasion pour jauger les divers acteurs politiques selon qu’ils se mettent déjà en ordre de bataille, chacun à sa manière et avec ses moyens.  Qu’en retirons-nous ?

1º). 2011 est une année électorale. Qu’un régime politique connu pour sa gabegie invoque subitement le respect de l’orthodoxie budgétaire  en vue de faire avaler la pilule amère n’est pas innocent. Désormais, sachons que l’action gouvernementale ne servira qu’un seul objectif : la réélection de Joseph Kabila. Tout le reste est accessoire. Nous nous sommes, hélas,  installés dans une gestion du court terme. La politique ne sera donc qu’électoraliste.

2º). La raison du plus fort est toujours la meilleure. Comme un rouleau compresseur, J. Kabila et l’AMP ont broyé toute contestation. Ils disposaient de la majorité absolue dans les deux chambres du Parlement, et ils s’en sont  servis. Nul besoin pour eux de persuader la population. Ceux qui se disaient qu’il s’agissait d’un "ballon d’essai " se mordent le doigt aujourd’hui. Avec Joseph Kabila, ce sont les méthodes fortes qui l’emportent. Pour le moment, il ne s’embarrasse pas des "dommages collatéraux ", c’est la raison du plus fort qui s’impose. Et puis, on verra bien, le congolais étant oublieux. De toutes les façons, d’ici novembre, beaucoup d’eau aura coulé sous le pont.

3º). L’opposition politique est en panne de stratégie. L’opposition politique a étalé au grand jour son manque de stratégie et a semblé manquer d’inspiration, se limitant à subir les coups sans n’en rendre aucun. L’AMP par contre, a démontré qu’elle est une machine électorale : organisée et disposant des moyens de sa politique, rodée dans la triche et la roublardise. L’opposition aurait fait œuvre utile en portant son attaque ailleurs, étant minoritaire au Parlement. Là-bas, toute lutte  "légale" est d’avance … inégale. Elle n’a pas pu comprendre que le seul moyen de  sa "survie" politique consisterait à  monter une stratégie alternative : aller vers les électeurs, faire un travail profond de pédagogie en occupant le terrain,  plutôt que de continuer de crier au voleur. Entre une conférence de presse dans … la rue et une "campagne d’obtention de 100.000 signatures", il faut reconnaitre que l’opposition fait pitié, avec des idées si dérisoires.

N’eut été le Cardinal Mosengwo qui fut "obligé " d’effectuer sa "rentrée politique", aucune objection majeure ne serait venue contrecarrer l’argument des "restrictions financières" brandi par le camp de Joseph Kabila. D’ailleurs, bien de compatriotes font aujourd’hui écho aux idées du prélat selon lesquelles le premier tour court "le risque de nous donner un chef d’Etat élu avec seulement 20% des voix, ce qui le rendrait illégitime aux yeux de beaucoup et inconfortable lui-même”, tandis que personne ne semble se souvenir de ce qu’avait dit l’opposition …

4º). Seule la communauté internationale compte. En choisissant d’aller faire  sa "campagne d’explication" du bienfondé de la révision constitutionnelle auprès du corps diplomatique plutôt que vers la population, le gouvernement a indiqué à la face du monde que ce qui lui importait le plus, c’est de convaincre la communauté internationale et qu’ainsi l’image extérieure est sa première préoccupation et non les électeurs congolais.  Que l’opposition l’eût compris, elle aurait pu amorcer une démarche contraire, en organisant un meeting d’explication, par exemple. Cela aurait sans doute changé la donne.

Pourquoi le scrutin à un seul tour serait-il favorable à J. Kabila ?
Pour les "stratégistes" de la Présidence,  il fallait trouver une recette qui ferait que  la réélection de Joseph Kabila ne soit plus une vue d’esprit. Dans une géopolitique où la triche  et le tripatouillage se font de plus en plus risqués, seul le recours au scrutin à un tour offrirait quelque avantage à leur champion.
1. J. Kabila est le seul candidat à même de ratisser large au 1er tour. Nul besoin d’être sorcier pour savoir que les élections en RDC se font généralement sur la base tribale. Considérant que la majorité de provinces n’auront pas de candidats aux présidentielles et que leurs leaders – en quête d’argent – pourraient s’acoquiner avec l’AMP, les provinces suivantes pourraient tomber dans l’escarcelle de J. Kabila.

Katanga : Kabila tirera profit des succès récents de Moise Katumbi et de son équipe de football,  TP Mazembe. Quant à Kyungu wa Kumwanza, on ne recourra à lui que pour des  "missions difficiles", au cas où il faudrait monter les autochtones contre les "frères" de Tshisekedi. Que les "5 Chantiers" ne soient que virtuelles, la plupart de katangais s’en moquent. Leur préoccupation se résume à "tout sauf Tshisekedi". Bandundu : Olivier Kamitatu, Antoine Gizenga et Kin-Kiey Mulumba, quoiqu’étant des "loosers", viendront à la rescousse.  Orientale : Evariste Boshab n’est pas populaire, mais ses poches seront pleines, et les populations sont pauvres. C’est sûr qu’il ne laissera personne indifférent.  Kivu/Maniema : les CNDP, Mayi-Mayi, Mbusa Nyamwisi et tant d’autres opportunistes devront justifier leurs prétentions de disposer de fiefs.

Même s’il n’est pas certain que tous les électeurs dans ces provinces précitées voteraient pour le président sortant, il est possible que la majorité le fasse. Et si c’est le cas, il convient d’y ajouter des "miettes" qu’il récolterait ailleurs. Dans ce cas, il ne serait pas surprenant qu’il vienne en première place.

Quant au reste de circonscriptions électorales, le Grand Kasaï irait certainement à l’opposition; le Bas-Congo, malgré l’intervention de Yerodia, ne pourrait opter pour le pouvoir, massacre contre les adeptes de Bundu Dia Kongo oblige. L’Equateur n’attend que le mois de novembre pour venger l’arrestation de J-P Bemba. Kinshasa est le fief habituel de l’opposition.

Sans toutefois être catégorique, il est clair que les circonscriptions électorales qui pourraient être favorables à J. Kabila sont majoritaires. Celles favorables à l’opposition seront divisées entre les différents candidats. Il n’empêche que les événements qui se dérouleront d’ici les élections seront déterminants et pourraient influencer les électeurs dans un sens ou dans l’autre.

2. Un scrutin à un tour "exclut" le débat contradictoire. Nous attendions le débat direct à la TV entre les deux candidats restés en lice pour savourer les échanges et nous faire une idée du niveau de notre démocratie. Cette fois-ci ne sera pas, hélas, la bonne. Ayant "esquivé" celui de 2006, J. Kabila pouvait difficilement convaincre des raisons pour lesquelles il ne participerait pas à celui de 2011, lui que l’on sait, timide, sans une grande culture, et ne maitrisant ni la langue de Molière ni ses dossiers. Ses conseillers l’ont "sauvé" une fois de plus. En évitant le face-à-face avec le candidat de l’opposition, il garde ses chances intactes.
3. L’échec des "5 chantiers" exige une campagne écourtée. La formule est connue : plus vous donnez du temps à votre adversaire, plus vous lui permettez de s’organiser, ce qui, au final, sera à votre détriment. Une campagne électorale plus longue court le risque d’être défavorable à J. Kabila car une opposition organisée  et unie peut tourner le programme présidentiel en ridicule pendant des longues semaines, ce qui lui serait fatal. Par ailleurs, pour marquer les esprits dans une campagne électorale écourtée, le candidat de l’AMP peut réaliser certains travaux d’infrastructure juste … à la veille des échéances, et priverait ainsi l’opposition d’objections contre les " 5 chantiers" !
Source: Congoone

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