dimanche 3 avril 2011

Côte d’Ivoire : Le fruit est mûr mais il tarde à tomber












A supposer que les Forces républicaines d’Alassane Ouattara ait pu penser un seul instant qu’elles seraient en mesure de se rendre maîtresses d’Abidjan avec l’aisance qu’elles ont eue lors de la prise des villes ivoiriennes de l’intérieur du pays, il serait temps qu’à présent elles commencent à déchanter, car, de toute évidence, Laurent Gbagbo ne tombera pas avec la facilité escomptée.
Bien plus, le président sortant semble avoir réussi, avec une totale maestria, à transformer ce qui lui reste de places fortes en véritables bastions imprenables où sont allées s’échouer, jusqu’à présent toutes les forces déployées par le camp d’ADO depuis qu’elles ont déferlé sur la capitale économique ivoirienne en début de semaine dernière. La bataille pour la maîtrise d’Abidjan risque de durer un certain temps. Normal, dira-t-on.
On a d’un côté, le président sortant, qui affiche un niet catégorique à toute idée de céder le fauteuil présidentiel, qu’il occupe fort illégalement et ce, en dépit des menaces des uns et des supplications des autres. De l’autre côté, se trouve le président élu et reconnu par l’ensemble de la communauté internationale, excédé de s’être fait « malmener » si longtemps, puisque trois mois après le second tour de la présidentielle ivoirienne, de fait, il n’est toujours pas le chef d’Etat qui gouverne réellement la Côte d’Ivoire.
Tous les deux affichent une forte envie d’en découdre, et il se peut que le pire, dans cette crise ivoirienne déjà catastrophique, reste à venir. Après les coups de boutoir des Forces républicaines, ces derniers jours, qui n’ont pas réussi, en dépit de leur intensité et de leur fréquence, à arracher à Gbagbo ni le palais, ni la présidence, ni le camp d’Agban, on observe ce qui s’apparente à une accalmie ; mais, en réalité, la chose tient plus du presque calme plat qui précède la tempête. Et elle promet de se révéler orageuse : les deux protagonistes de la crise ivoirienne, Ado et Gbagbo, affûtent leurs armes chacun de son côté.
Le premier pour attaquer avec plus de violence, et le second pour se défendre avec plus d’acharnement. Et comme des deux côtés la détermination est intacte, nul doute que les échanges à venir gagneront en intensité, en pugnacité et sans doute aussi en férocité. Déjà, on déplore un nombre élevé de victimes.
Il est question de charniers et d’un millier de victimes civiles dans l’ouest ivoirien. Et la guerre des communiqués, comme il est de bon ton en l’occurrence, fait évidemment rage. Qui tue les civils ? Qui multiplie les charniers ? Qui pille, vole et viole dans ces cités désormais dégarnies de toute force de sécurité ?
Le vrai visage des choses, à supposer qu’on le découvre un jour, se révèlera sans doute plus tard. Pour l’instant, on se contentera de rappeler que la vérité est, en règle générale, la première victime de toute guerre. Et entre-temps d’autres personnes tomberont, elles aussi, victimes de cette sale guerre fratricide dont personne, en réalité, n’avait vraiment besoin. Ni Gbagbo ni ADO.
Et revient, à l’instar d’une triste ritournelle, la lancinante interrogation maintes fois posée, mais dont la réponse demeure inconnue : pourquoi le président sortant ne démissionne-t-il pas ? Après que les plus fidèles d’entre ses fidèles ont tourné casaque, après qu’il a perdu une grande partie de ses combattants, après tous ces appels à lui lancés par des sommités de la communauté humaine d’Afrique et d’autres continents, après qu’il a vu tous ces morts jonchant les rues d’Abidjan et de ses faubourgs… pourquoi ?
Croit-il vraiment en des performances militaires insoupçonnées que développera miraculeusement le dernier quart de ses fidèles ? Choisit-il délibérément de mourir en « martyr » et alors martyr de quoi ? Ou s’est-il vraiment laissé convaincre, ainsi que certains le pensent, par quelque gourou spirituel que le pouvoir qu’il détient est de droit divin et que nul ne peut le lui arracher d’entre les mains ?
La Côte d’Ivoire à ce jour est dans le doute et en passe de devoir tourner une page de son histoire qu’elle devra maculer du sang indélébile de certains de ses fils qui tomberont victimes des balles d’autres fils de ce même pays.
A supposer que les Forces républicaines d’ADO finissent par remporter la bataille fratricide d’Abidjan, le président élu lui-même aura pour première équation de réaliser une œuvre titanesque : la réconciliation d’un peuple divisé, déchiré, dont une partie de la population voue une haine morbide à l’autre partie de la même patrie.
Ce ne sera pas une sinécure. Et c’est réellement à cette aune qu’on choisira de le juger. Déjà que les massacres de Duékoué sont une tache noire sur la réputation à construire d’un président élu mais pas encore installé. On implore le ciel que ce beau pays ne sombre pas davantage dans un chaos plus grand que celui dans lequel il se trouve empêtré depuis trop longtemps déjà.
Malheureusement il semble résolument en avoir pris le chemin. Presque inéluctablement.
Jean Claude Kongo
L’Observateur Paalga

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