Conférence-débat organisée par le Groupe de presse Le Potentiel
Par Martin Enyimo
Dans son cycle des conférences-débats, le Groupe de presse Le Potentiel a organisé, le samedi 2 avril, dans la salle de conférences de la paroisse Notre-Dame de Fatima à Gombe, un échange autour du thème : «La RDC face à la Communauté internationale». Il s’agissait de dénoncer la mainmise de la communauté internationale sur la RDC.Quatre intervenants ont, à tour de rôle, abordé de divers sous-thèmes qui gravitent autour du thème central dénonçant la mainmise de la communauté internationale sur le destin de la RDC. Hubert Mpunga, expert en économie internationale, a planché sur « la définition de la Communauté internationale » dans l’optique de planter le décor de la conférence-débat. Deuxième intervenant, Freddy Mulumba Kabuayi, Administrateur-directeur général du Groupe de presse Le Potentiel s’est attardé sur le sujet : «Le destin de la RDC échappe aux Congolais ». Le professeur Philippe Biyoya, quant à lui, a discouru sur « La géopolitique de la relation mondiale de la RDC ». Enfin, le docteur Emmanuel Kabongo Malu a abordé le sujet en rapport avec « L’amputation de la conscience politique autonome de la RDC par la Communauté internationale ».
Dans son allocution, Hubert Mpunga a soutenu que la communauté internationale se définit aujourd’hui à travers des groupes de grandes puissances comme le Groupe 8, le Groupe 20 ou encore le Groupe 77. Mais les pays les plus puissants se retrouvent à travers des structures informelles mais oligarchiques, économico-financières. Et leurs résolutions ne sont, certes, pas opposables à tous ; mais elles font marcher le monde. Hubert Mpunga a démontré que depuis le début du 20ème siècle, des événements charnières ont eu lieu tous les quinze ou vingt ans. Ainsi, il y a eu la première Guerre mondiale (1914-18), la grande crise financière (récession), la deuxième Guerre mondiale (1940-45) et la mise en place de deux blocs Est-Ouest. On a ensuite assisté à la période des indépendances en Afrique, au début de grands mouvements dans le bloc Est dirigé par l’ex-URSS, à l’avènement de nouvelles technologies de l’information et de la communication qui débouchent aujourd’hui sur la mondialisation. Dans sa quête de situer le cadre, Hubert Mpunga a expliqué les notions de gouvernance, de gouvernementalité et de gouvernabilité. La gouvernance, bonne ou mauvaise, a-t-il dit, est la résultante d’une gestion qu’est la gouvernementalité. Et cela passe par la gouvernabilité.
Abordant la question du destin de la RDC qui échappe aux Congolais, Freddy Mulumba du groupe de Presse Le Potentiel a d’emblée déclaré : «Si l’on fait un constat lucide et rigoureux, l’on peut dire que l’Etat congolais est dirigé par la communauté internationale à travers des organismes comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, la Monusco, et le PNUD, etc.». Il a fait remarquer que depuis la Conférence nationale souveraine en 1991, la communauté internationale empêche les Congolais de se saisir de leur destin. Pour lui, chaque fois que les Congolais ont essayé de récupérer leur destin, de se mettre ensemble pour parler de l’avenir de leur pays, des ennemis du peuple ont trouvé des subterfuges pour détourner leur attention. Depuis la Conférence nationale souveraine (CNS), on a créé des guerres au Congo, trouvé des médiateurs pour cette crise et déplacé le débat et négociations sur la RDC en dehors du territoire congolais, de manière à placer des marionnettes au service des Occidentaux pour diriger le pays. Et c’est une constance, a affirmé l’ADG du groupe de presse Le Potentiel
Freddy Mulumba a brossé une brève chronologie des événements pour soutenir son analyse. L’on retient qu’après la démocratisation du pays par feu le président Mobutu en 1990, la CNS établit le diagnostic du pays. Et la Transition succède à la CNS. Mais la guerre imposée de l’extérieure survient en 1996. Les troupes de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (Afdl) arrivent au pouvoir par les armes. Ce qui permet à Mzée Laurent-Désiré Kabila de prendre les rênes du pouvoir. Et, lorsqu’il montre ses penchants nationalistes, ces ennemis de la RDC (parmi lesquels le lobby anglo-saxon) reviennent à nouveau à la charge pour créer la guerre de 1998. Il y a l’accord de cessez-le-feu de Lusaka en Zambie. Une fois encore le destin des Congolais leur échappe. Mais, en janvier 2001, lorsque Laurent Kabila est assassiné, le débat sur l’avenir du Congo se délocalise vers Sun City, en Afrique du Sud, lors du Dialogue inter-congolais où les Congolais subissent la pression des Occidentaux pour signer un document qu’ils n’ont pas élaboré. Et, la RDC est en quelque sorte mise sous tutelle du Comité international d’accompagnement de la transition (CIAT), de la Mission des Nations unies au Congo (MONUC), c’est la consécration de la formule 1+4 avec un président de la République et quatre vice-présidents. Son économie et ses finances sont contrôlées par le FMI et la Banque mondiale. Aujourd’hui, la Monuc est devenue Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo (MONUSCO), assumant les mêmes rôles. En 2006, Joseph Kabila est élu président. Mais la guerre éclate encore avec Laurent Nkunda dans l’Est du pays. La communauté internationale exige des négociations. L’ancien président nigérian Obasanjo est désigné médiateur pendant les négociations organisées à Goma. Un accord est même signé et le CNDP, le parti de Nkunda, se retrouve dans les institutions provinciales au Nord-Kivu. Mais cette question de la rébellion Nkunda n’est jamais débattue au Parlement, a regretté Freddy Mulumba. L’orateur a, par ailleurs, stigmatisé la prise en otage de l’économie congolaise au travers du Document des stratégies pour la croissance et pour la réduction de la pauvreté (DSCRP) piloté par la Banque mondiale. Car, la pauvreté n’est pas réduite, les enseignants, les militaires et d’autres catégories socioprofessionnelles ne sont pas payées.
Pour Freddy Mulumba, l’élite intellectuelle ne joue pas son rôle. Ceux qui peuvent constituer l’intelligentsia congolaise sont récupérés dans les structures et ONG internationales installées au pays comme experts, consultants, etc. « A partir des symboles historiques comme Kimpa Vita, Kimbangu, Patrice Lumumba, Mzée Kabila, etc., les Congolais doivent récupérer leur destin et reconstruire leur pays. Sinon, ils sont condamnés à être esclaves sur leur propre territoire. La liberté a un prix : le sacrifice », a-t-il conclu.
« La géopolitique de la relation mondiale de la RDC» a été le thème développé par le professeur Philippe Biyoya, directeur de l’Institut panafricain des relations internationales et stratégiques (IPRISS). Après la présentation éclair de l’Institut, il a orienté son intervention sur la communauté internationale, jadis, système international composé d’Etats souverainement forts, c’est-à-dire disposant d’une armée puissance, des finances puissantes et de l’intelligence. Aujourd’hui, ce système international est devenu global, mondial. Car, à côté des Etats souverainement forts, il y a des structures très influentes telles des ONG internationales, des lobbies, des sociétés multinationales, etc. Et le monde actuel fonctionne sur base de compétitivité. Il faut donc être apte à gagner un enjeu. C’est justement, le problème de la RDC : elle est absente des espaces internationaux, notamment dans l’économie, la diplomatie. Ou encore, celui de l’intelligence qui procure le pouvoir, a relevé Philippe Biyoya. Le pays, a-t-il déploré, ressemble, bien plus qu’une colonie, à une propriété de la communauté internationale. Ceci rappelle le statut du pays à la Conférence de Berlin en 1885, celui d’un espace de commerce international. Selon le professeur Philippe Biyoya, le bonheur des Congolais est l’affaire de leurs dirigeants. Mais ces derniers cherchent à être légitimés par la communauté internationale qui, elle, ne s’intéresse qu’aux ressources naturelles du pays. Il appartient donc aux dirigeants congolais de tirer profit de l’importance que la communauté internationale accorde à la RDC, pour le bien des Congolais. Là, on se retrouverait dans une configuration d’échange, plutôt que dans un rapport déséquilibré d’un pays dirigé de l’extérieur comme c’est le cas.
Le docteur Emmanuel Kabongo Malu a éclairé l’assistance sur l’amputation de la conscience politique autonome de la RDC par la communauté internationale. Il a rappelé la déconcertante brutalité envers les autochtones congolais durant la gestion léopoldienne au Congo de 1885 à 1908. Il s’agit ici de l’holocauste oublié avec 10 millions de mort. Et, le Congo était identifié comme l’Empire du silence. Ce fut, pour Emmanuel Kabongo, le début d’un processus d’annihiler la conscience politique autonome des Congolais.
Ensuite, le colonisateur a pris l’option d’assassiner les chefs traditionnels locaux pour casser la conscience historique des Congolais qui est la source centrale de la conscience politique autonome. La perte de l’autonomie de la conscience politique, d’où émane la performance à l’autoprise en charge d’un peuple, se manifeste aujourd’hui par la présence d’une conscience qu’Emmanuel Kabongo qualifie d’hétéronome, c’est-à-dire les Congolais ne sont plus portés à revendiquer, à s’opposer pour protéger leur espace vital. L’intervenant a illustré ses dires par l’étonnante propension des Congolais à la subordination envers les Etrangers vivant au Congo. Et le pays fait aujourd’hui figure d’un Etat vassalisé par la communauté internationale. Les institutions du pays sont pratiquement inféodées par l’Extérieur. C’est le cas de certains ministères régaliens du gouvernement congolais qui sont en fait envahis par des projets pilotés par la Banque mondiale, le FMI, et d’autres organismes internationaux. L’on peut citer des ministères des Finances (BCECO), Plan (UCOP), Portefeuille (COPIREP), Santé (PAARSA), Environnement (JICA), etc. ; même au niveau de l’armée.
Durant des échanges enrichissants, le professeur Masonsa du Centre des recherches sur les valeurs africaines (Cerva) a apporté une contribution pertinente. Il a soutenu que la démocratie occidentale imposée à l’Afrique, et particulièrement au Congo, est utilisée pour aiguiser la soif du pouvoir pour le pouvoir. Nul moment, il est question de l’intérêt du peuple. Ainsi, ce peuple fait semblant de se gouverner, avant d’être transformé en populace haineuse où règne le chaos. Et la corruption, la cupidité, le détournement des deniers publics au sein des institutions du pays accentuent le manque des structures autonomes. L’on en arrive à la création d’une envie de ne pas revendiquer.
La conférence-débat a finalement été un moment d’éveil de conscience collective.
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