vendredi 1 juillet 2011

RDC : La citoyenneté congolaise bradée

image Carte d'electeur - En badge jaune, des opérateurs de la CENI, en train d’enregistrer un homme ce 7 Mai 2011

La citoyenneté congolaise est ainsi bradée par l’irresponsabilité - la vénalité ? - de ceux qui tirent profit de l’imposture qui persiste en RD Congo depuis le 17 mai 1997. Rien de surprenant dans un pays où l’homme qui fait office de chef de l’Etat n’a jamais rempli une des conditions constitutionnelles d’éligibilité à savoir, la possession de la «nationalité congolaise d’origine» (article 72 de la Constitution).
C’est l’annonce faite par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) dans un communiqué daté du 29 juin 2011 signé par le1er rapporteur adjoint, Laurent Ndaye. Cette mesure concerne uniquement six provinces : Bandundu, Equateur, Kasaï Oriental, Province Oriental, Nord Kivu et Sud Kivu. Le cas de Kinshasa est loin d’être clarifié. Ce report ne pourrait que conforter l’opinion des observateurs qui redoutent un processus électoral «bâclé» au profit du président sortant dont l’éligibilité n’a jamais cessé de poser question.
«(…), après avoir effectué une évaluation de l’ensemble des opérations dans les six provinces, le Bureau de la Ceni a noté que certains centres ont été déployés avec retard, d’autres ont enregistré un arrêt significatif des opérations en raison de problèmes techniques prouvés, d’autres encore ont bénéficié d’une délocalisation tardive. Pour toutes ces raisons et dans le souci d’avoir un fichier électoral inclusif et représentatif, le Bureau de la Ceni a décidé d’accorder à tous les centres d’inscription de ces six provinces un délai supplémentaire de dix jours allant du 1er au 10 juillet 2011 à 17 heures», peut-on lire. 
On apprend par ailleurs que la «situation» de la ville de Kinshasa «fera l’objet d’un examen et d’une décision ultérieure.» Le travail à réaliser ressemble aux douze travaux d’Hercule en dépit de l’optimisme de mauvais aloi affiché par la Ceni.
Le ton comminatoire usité dans le deuxième paragraphe de ce texte ne manquera pas de faire grincer les dents. «La Ceni, écrit le 1er rapporteur adjoint, invite toutes les forces vives» des provinces concernées «à s’impliquer activement dans la sensibilisation des populations sur le fait qu’à l’issue de ces dix jours, tous les centres d’inscriptions de ces six provinces seront définitivement fermés et qu’il n’y aura ni distribution de jetons ni aucune autre prolongation.» Devrait-on comprendre que la Ceni a engagé le pari d’organiser les élections au mépris des "irrégularités" dénoncées ici et là? 

Réactions

«C’est une fuite en avant», a déclaré Tharcisse Loseke Nembalemba. Membre co-fondateur du parti «ECIDé» (Engagement pour la citoyenneté et le développement» et un des animateurs de la «DTP» (Dynamique Tshisekedi Président), Loseke considère l’annonce de la Ceni comme une «preuve supplémentaire des dysfonctionnements» qui affectent cette institution. «Nous suspectons – par nous, j’entends les forces de l’opposition regroupées au sein de la DTP - que des Kits ont été préprogrammés donnant un nombre d’électeurs importants à certaines provinces moins peuplées», a-t-il ajouté. A en croire Loseke, les partis de l’opposition entendent «faire auditer» les listes électorales avant la publication de l’annexe de la loi électorale. 
Parlant sous le couvert de l’anonymat, un député national proche de la mouvance kabiliste (MP) joint au téléphone dans la capitale congolaise d’estimer que la Ceni «doit éviter de prendre des décisions unilatérales». «Le Bureau de la Ceni n’est pas fondé de décider urbi et orbi la fin des opérations d’enrôlement en dépit des plaintes qui fusent, dit-il. Agir autrement reviendrait à apporter de l’eau au moulin de ceux qui suspectent cette Commission, à tort ou à raison, d’avoir atteint son objectif consistant à favoriser le président-candidat Joseph Kabila en gonflant le nombre d’électeurs inscrits dans certaines provinces telles que le Katanga, le Maniema, le Kasaï occidental et le Bas-Congo…». «La Ceni ne doit être ni sourde ni aveugle aux critiques au point ne pas voir ce qui s’est passé récemment dans un pays comme le Sénégal...», conclut-il. 

La Ceni chahutée 

Depuis sa désignation à la tête de la Ceni, Daniel Mulunda Ngoy Nyanga, «conseiller spirituel» de «Joseph Kabila», peine à donner à cette «institution de soutien à la démocratie» l’image de probité et surtout d’impartialité qu’elle doit avoir. 
A Kinshasa, le secrétaire général de l’UDPS, Jacquemain Shabani, a annoncé l’organisation lundi 4 juillet d’un sit-in devant le siège de la Ceni, dans la commune de la Gombe. Ce parti entend remettre aux membres du Bureau de la Ceni un mémo fustigeant tous les cas de fraude relevés dans le processus d’enrôlement des électeurs. 
Dans une intervention faite le 25 juin dernier à Radio Okapi, le sénateur Henri Thomas Lokondo n’a pas manqué de demander à la Ceni «de procéder à une rallonge des opérations d’enrôlement» dans la province de l’Equateur. En guise de justification, le parlementaire épinglait notamment l’éloignement de certains centres d’enregistrement. La population doit donc parcourir des longues distances…à pieds. «Si les opérations d’enrôlement se déroulent telles que nous le suivons à travers la République, il y a lieu de s’inquiéter, soulignait Lokondo. Les mêmes problèmes, les mêmes difficultés sont signalés partout : éloignement des centres d’enrôlement, le manque et la vétusté des kits, la non qualification de certains préposés à la tâche, etc. S’ajoute à cela maintenant le problème du délai d’enrôlement qui semble être court. C’est ça le grand problème pour nous maintenant à l’Equateur».
Dans un communiqué publié mi-juin à Kinshasa, la «Fondation Bill Clinton pour la Paix » a dénoncé des cas d’enrôlement d’enfants mineurs notamment dans la commune de Bandalungwa. Cette association exhortait les autorités municipales de la capitale à «arrêter la délivrance des attestations de perte des pièces aux mineurs.» Après enquête, la «FBCP» est arrivée à la conclusion selon laquelle « bon nombre d’enfants âgés de moins de 18 ans se font enrôler pour voter lors des élections de novembre 2011». 

La citoyenneté congolaise bradée

Plus inquiétant, dans son communiqué du 29 juin, la Ceni autorise les individus ayant perdu la carte d’électeur à présenter, outre la carte pour citoyen - invalidée par les «libérateurs» -, l’un des documents ci-après : passeport national, certificat de nationalité, permis de conduire sécurisé, carte d’élève ou d’étudiant, carte de service, livret de pension ou l’assistance de cinq témoins préalablement enrôlés. 
Il est symptomatique de constater que la Ceni ne fait guère mention de l’acte ou certificat de naissance ou encore d’une décision judiciaire censée en tenir lieu. Comment pourrait-on, dès lors, faire la distinction entre un citoyen congolais et un étranger – un Angolais ou Congolais de Brazzaville - lorsque tous les deux brandissent une carte d’étudiante? Cette omission serait-elle volontaire ? Est-ce parce que le président sortant «Joseph Kabila», né dans une localité fictive, en l’occurrence «Hewa Bora II», est incapable de fournir son certificat de naissance comme l’a fait son homologue américain Barack Obama?
La citoyenneté congolaise est ainsi bradée par l’irresponsabilité - la vénalité ? - de ceux qui tirent profit de l’imposture qui persiste en RD Congo depuis le 17 mai 1997. Rien de surprenant dans un pays où l’homme qui fait office de chef de l’Etat n’a jamais rempli une des conditions constitutionnelles d’éligibilité à savoir, la possession de la «nationalité congolaise d’origine» (article 72 de la Constitution). Selon Mama Sifa Mahanya, la mère «putative» de l’intéressé, ce dernier a fait son service militaire dans l’armée tanzanienne. (Voir le quotidien bruxellois «Le Soir» daté 02 juin 2006). Ancien secrétaire général du Front patriotique rwandais (FPR), Denis Polisi soutient sans sourciller que «Joseph Kabila» est un ancien combattant de l’Armée patriotique rwandaise. (Colette Braeckman, Les nouveaux prédateurs – politique des puissances en Afrique centrale, Fayard, 2003, p.141). Inutile de rappeler que lors de son enregistrement dans un bureau de vote en 2005, «Joseph» n’avait pour toute pièce d’identité qu’un passeport congolais. L’histoire ne dit pas d’où provenaient les mentions inscrites dans ce document. 
Que fera la Ceni au cas où le délai donné aux provinces précitées se révélait trop bref?

Baudouin Amba Wetshi

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