28. juil | Par Jean Bigambo
Victoire Ingabire présidente des FDU actuellement en prison au Rwanda
Hélas, même pour ce petit pays des Mille collines, le scénario reste assez classique: un régime totalitaire, le FPR (Front Patriotique Rwandais), dirigé par une faction d’extrémistes Tutsi, fait régner la terreur sur et en dehors du territoire national sur sa population Twa, Tutsi (phénomène récent) et Hutu confondus. Pour ces derniers, groupe majoritaire, ils sont souvent stigmatisés d’interahamwe (extrémistes Hutu, perpétrateurs du génocide de 1994) et/ou sympathisants du FDLR (Force Démocratique de Libération du Rwanda) : parti politique et militaire créé par des réfugiés Hutu en République Démocratique du Congo. Ils combattent le régime actuel de Kigali, alors que ce dernier l’accuse d’abriter des interahamwe – les vaincus de 1994. Pourtant, aussi effrayant que cela puisse paraître, cette menace externe est plus symbolique que réelle. En effet, après le génocide de 1994, le FPR a su réprimer les interahamwe, au-delà même du territoire national. C’est ce qui fait la légitimité de Paul Kagamé, jusqu’à ce jour. Il n’y a qu’a voir son slogan pour les élections présidentielles passées de 2010 : « Tora Amahoro » (« Votes pour la paix »). Il est vrai que pour nombreux Tutsi, surtout les rescapés du génocide, l’interahamwe c’est la hantise suprême, juchée derrière la porte d’en face ! Et Paul Kagamé ne l’ignore pas. Il joue la carte populiste, à savoir Ibuka… (« Rappelles-toi… »). Évoquer des angoisses primitives rappelant les images du génocide comme joker dans ses discours peut paraître malsain, mais la formule marche. C’est de la politique après tout.
Les autres forces opposantes, de la branche dite « pacifiste », sont les partis FDU Inkigi (Forces Démocratiques Unifiées); PS (Parti Social) Imberakuri de Victoire Ingabire et Bernard Ntaganda respectivement et enfin, le Democratic Green Party of Rwanda de Frank Habineza. Donc une opposition politique est bel et bien présente au Rwanda. Mais elle est (encore) mal organisée, parce que constamment châtiée et atomisée par le FPR. Il n’y qu’a voir les leaders du FDU et PS – actuellement emprisonnés pour « atteinte à la sécurité nationale » et « collaboration avec des réseaux terroristes ». Des allégations sans preuves formelles, utilisées outrageusement, dans le seul but de faire taire toute voix critique. Plus grave encore, il s’agit du cas Green Party, cité plus haut, où son vice-président, André Kagwa Rwisekera, fut sauvagement décapité en 2010, quelque semaines avant la tenue des élections présidentielles. L’enquête fut classée sans suite par les autorités locales. Bien que ces trois partis appellent à une « simple » ouverture politique, ils vivent l’enfer. A vrai dire, au Rwanda, c’est l’un des pires endroits pour vivre quand on est un opposant aspirant à la démocratie. Cette dernière phrase ne résume-t-elle pas la nature, exclusive, du régime FPR ? Sachant cela, le champ d’action le plus sûr pour un dissident est à partir de l’étranger, soit via le monde virtuel: le PS reste actif sur son site imberakuri.org ; de même que le Green Party, sous rwandagreendemocrats.org et le FDU Inkigi sur fdu-rwanda.com.
Me Bernard Ntaganda Président du PS Imberakuri en prison au Rwanda
De la diaspora, celle exilée en occident, à savoir Belgique, France, Angleterre, Pays-Bas, Suisse, Allemagne, Canada et États-Unis essentiellement: elle a les moyens et infrastructures nécessaires pour faire entendre sa voix et proposer une alternative au FPR, comme l’a fait courageusement Victoire Ingabire (elle résidait au Pays-Bas, avant d’être la prisonnière de Kagamé, à Kigali). C’est la Aung San Suu Kyi rwandaise. En se rendant dans son pays d’origine, pour défier le despote, elle s’est sacrifiée pour ce qu’elle pensait être une cause nationale. Son incarcération, quasi automatique, est une alerte rouge, à savoir que tout(e) contredisant(e) est persona non grata au Rwanda: « délit » pénalement punissable, pour le bien et la sécurité de la nation.
Ces discours du FPR sont à analyser dans le sens qu’ils font partie intégrante d’un processus qui va de pair avec la création du modèle de l’Etat-nation homogène, donc à la pensée unique. Par conséquent, au Rwanda, l’ennemi de la nation ne peut venir que de l’extérieur – avec son discours « allogène » et dissonant (démocratie, Etat de droit, Justice pour tous, etc.). “Non”, dit Kagamé. Ce n’est pas à l’extérieur de déterminer ce qui est bon pour l’autochtone. Quant à l’élite rwandaise, elle ne peut risquer de perdre ses privilèges pour des enfantillages démocratiques – du moins pas maintenant. Quand bien même, voici une simple question qui pose problème : Victoire Ingabire et Bernard Ntaganda, seraient-ils capables, même réunis, de veiller à la sécurité territoriale du Rwanda ? Si oui, quelle(s) armée(s) ont-ils pour faire face à la fameuse menace postée chez le voisin d’en face ? Ce n’est pas aussi simple.
L’opposition donc, parce qu’éparse et divisée, reste timide. Mais est-ce dû à un manque d’organisation ? Il ne faut cependant pas se voiler la face: dans le débat inter-rwandais, il subsiste encore de fortes divisions internes, des restants et réminiscences du drame rwandais qui prennent leur source à la période des indépendances (c’est-à-dire l’époque moderne), jusqu’à ce jour. Mais je ne vais pas traiter de ça ici.
Cependant, ce ne serait terminer toute la petite histoire sur les opposants sans ajouter un dernier antagoniste sur la scène, et pas des moindres, à savoir les loyalistes Tutsi déchus du clan FPR. Ils vivent dans l’ombre de celui-ci. Ces anciens hauts cadres qui ont fui Kagamé ont fini par créer un parti d’opposition, le RNC (Rwanda National Congress). Les membres fondateurs se nomment: Patrick Karegeya, Dr. Théogène Rudasingwa, Gérald Gahima et Kayumba Nyamwasa. Ils connaissent mieux que quiconque les faiblesses du parti unique, qu’ils ont d’ailleurs participé à créer. Ils savent où se trouvent les points vitaux. C’est de loin la menace la plus nerveuse pour l’homme fort de Kigali. Pour beaucoup d’observateurs, c’est celle-là même qui va déterminer le futur proche du Rwanda. Mais encore une fois, Paul Kagamé a l’œil. Il envoi, à tour de rôles, des émissaires sur les quatre continents pour s’informer d’une éventuelle union définitive entre RNC/FDLR : le cocktail explosif pour le Rwanda. D’où l’intérêt pour le FPR de s’attirer les faveurs de la diaspora, en usant d’un langage assimilationniste (“Nous sommes tous rwandais”) – histoire de désensibiliser les foules qui douteraient encore à rejoindre l’opposition.
Tout compte fait, les seuls partis qui ont une position claire, jusqu’à présent, c’est le FPR et le FDLR, c’est-à-dire les deux branches “extrêmes” ! Les autres protagonistes dansent encore la valse – ce qui met leur crédibilité davantage en doute. Et puis l’opposition dans la diaspora n’a pas encore trouvé ses marques. D’une part elle a peu d’accès au peuple autochtone (celui-ci est en majorité illettrée et vit dans la terreur), d’autre part, la diaspora manque d’arguments “flattant”, pour convaincre l’opinion publique occidentale de la mauvaise foi de Paul Kagamé. Assurément, celui-ci est encore vu par les investisseurs étrangers comme un “visionnaire” qui a transformé le Rwanda en un petit miracle économique. Au niveau politique par contre, il est à la limite du tolérable. Un revirement qui s’est opéré depuis la fuite du Rapport Mapping de l’ONU, en septembre 2010: celui-ci accuse son armée de crimes contre l’humanité, voire crimes de génocide à l’est de la R.D.Congo, de 1993 à 2003. Il est par conséquent risqué de s’afficher avec Kagamé – pour ne point heurter l’opinion publique, assez sensible.
Le FPR, au niveau économique, a fait des exploits, c’est incontestable. Mais le pays dépend en grande partie de l’aide extérieure. Son économie est donc très susceptible aux changements brusques. Au fond, l’ironie de l’histoire fait que le chemin qu’est en train de parcourir Paul Kagamé est quasi identique à celui de son prédécesseur et opposant, feu Juvénal Habyarimana. Chez ce dernier l’économie allait tout aussi bien…avant que ne viennent les plans d’ajustements structurels par la Banque Mondiale et Fond Monétaire International (FMI), début des années quatre-vingt. Il y eu également l’événement marquant la fin du communisme, à savoir la chute du Mur de Berlin, en 1989. Tous des facteurs économiques et politiques exogènes qui ont eu des effet décisifs pour le Rwanda d’alors. Et le multipartisme, venu plus tard, n’est qu’un corollaire de la crise politico-économique. Ce ne fut donc pas un “choix”, mais une contrainte.
Déo Mushayidi président du PDP en prison au Rwanda
Tout ça pour dire qu’avoir une vision manichéenne de « la question rwandaise » est illusoire. Mais un fait est là : le FPR est très fragile. Celui-ci a souvent basé sa campagne politique sur des discours statiques et culpabilisants : la mémoire des Tutsi massacrés en 1994 – pour bénéficier de l’aide financière internationale. « Où étiez-vous en 1994 ? » – rétorque encore Kagamé à l’occident. Un chantage qui occulte complètement les exactions commises par l’APR (branche armée du FPR) dans le R.D.Congo, favorisant ainsi une culture de l’impunité dans la région des Grands Lacs. Un autre élément qui fragilise le parti unique est l’ouverture de la boite de pandore, c’est-à-dire toute la vérité sur l’attentat meurtrier contre les deux présidents Hutu, Juvénal Habyarimana et Cyprien Ntaryamira (du Burundi), le soir du 06 avril 1994. Du défaut d’une justice équitable, seule capable d’amener à une réconciliation nationale authentique. La première est biaisée: les tribunaux « traditionnels » gacaca d’une part et le TPIR (Tribunal Pénal International pour le Rwanda) d’autre part, excluent le jugement des responsables des massacres de Hutu, depuis la guerre civile de 199O, à aujourd’hui, en passant par les atrocités commises en 1994 et l’épuration ethnique dans les camps de réfugiés de 1995 à 2003.
Ci-dessus, c’était un aperçu des problèmes encore à relever. Pour terminer, je dirai qu’il faut voir tout ces mouvements comme des rapports de réciprocité. Une réalité amère pour le FPR, c’est qu’il va devoir composer dans le futur avec une opposition de plus en plus diversifiée et organisée. Notamment avec, en dehors des déjà cités précédemment: Urunana RDU (Ralliement pour l’Unité et la Démocratie) et leur site rud-urunana.org ; le PDR (Party for Democracy in Rwanda) de Paul Rusesabagina et son site ihumure.org ; le blog du Père
Théophile Murengerantwari et son parti, le MDPR-Intaganda (Mouvement Démocratique du Peuple pour la Réconciliation); le FLN (Front de Libération Nationale) de John V. Karuranga ; le RPR (Rassemblement Populaire Rwandais) de Gérard Ntashamaje ; le PDP-Imanzi de Deogratias Mushayidi, incarcéré à Kigali, mais son parti reste toujours actif, notamment sur pdp-imanzi.org. Pour ne citer qu’eux.
Bref, le FPR n’a plus le monopole qu’il avait au lendemain de la guerre de 1994. Aujourd’hui, il y a des alternatives. De plus, les exactions des services secrets FPR commencent à « dégoûter » de plus en plus l’opinion publique rwandais et international. Soit le FPR s’adapte, soit il continue à s’enfoncer dans la mégalomanie – radicalisant et gonflant davantage l’opposition. Si vraiment Paul Kagamé se soucie du sort de son peuple, il est grand temps qu’il lâche du lest.
Victoire Ingabire présidente des FDU actuellement en prison au Rwanda
Hélas, même pour ce petit pays des Mille collines, le scénario reste assez classique: un régime totalitaire, le FPR (Front Patriotique Rwandais), dirigé par une faction d’extrémistes Tutsi, fait régner la terreur sur et en dehors du territoire national sur sa population Twa, Tutsi (phénomène récent) et Hutu confondus. Pour ces derniers, groupe majoritaire, ils sont souvent stigmatisés d’interahamwe (extrémistes Hutu, perpétrateurs du génocide de 1994) et/ou sympathisants du FDLR (Force Démocratique de Libération du Rwanda) : parti politique et militaire créé par des réfugiés Hutu en République Démocratique du Congo. Ils combattent le régime actuel de Kigali, alors que ce dernier l’accuse d’abriter des interahamwe – les vaincus de 1994. Pourtant, aussi effrayant que cela puisse paraître, cette menace externe est plus symbolique que réelle. En effet, après le génocide de 1994, le FPR a su réprimer les interahamwe, au-delà même du territoire national. C’est ce qui fait la légitimité de Paul Kagamé, jusqu’à ce jour. Il n’y a qu’a voir son slogan pour les élections présidentielles passées de 2010 : « Tora Amahoro » (« Votes pour la paix »). Il est vrai que pour nombreux Tutsi, surtout les rescapés du génocide, l’interahamwe c’est la hantise suprême, juchée derrière la porte d’en face ! Et Paul Kagamé ne l’ignore pas. Il joue la carte populiste, à savoir Ibuka… (« Rappelles-toi… »). Évoquer des angoisses primitives rappelant les images du génocide comme joker dans ses discours peut paraître malsain, mais la formule marche. C’est de la politique après tout.
Les autres forces opposantes, de la branche dite « pacifiste », sont les partis FDU Inkigi (Forces Démocratiques Unifiées); PS (Parti Social) Imberakuri de Victoire Ingabire et Bernard Ntaganda respectivement et enfin, le Democratic Green Party of Rwanda de Frank Habineza. Donc une opposition politique est bel et bien présente au Rwanda. Mais elle est (encore) mal organisée, parce que constamment châtiée et atomisée par le FPR. Il n’y qu’a voir les leaders du FDU et PS – actuellement emprisonnés pour « atteinte à la sécurité nationale » et « collaboration avec des réseaux terroristes ». Des allégations sans preuves formelles, utilisées outrageusement, dans le seul but de faire taire toute voix critique. Plus grave encore, il s’agit du cas Green Party, cité plus haut, où son vice-président, André Kagwa Rwisekera, fut sauvagement décapité en 2010, quelque semaines avant la tenue des élections présidentielles. L’enquête fut classée sans suite par les autorités locales. Bien que ces trois partis appellent à une « simple » ouverture politique, ils vivent l’enfer. A vrai dire, au Rwanda, c’est l’un des pires endroits pour vivre quand on est un opposant aspirant à la démocratie. Cette dernière phrase ne résume-t-elle pas la nature, exclusive, du régime FPR ? Sachant cela, le champ d’action le plus sûr pour un dissident est à partir de l’étranger, soit via le monde virtuel: le PS reste actif sur son site imberakuri.org ; de même que le Green Party, sous rwandagreendemocrats.org et le FDU Inkigi sur fdu-rwanda.com.
Me Bernard Ntaganda Président du PS Imberakuri en prison au Rwanda
De la diaspora, celle exilée en occident, à savoir Belgique, France, Angleterre, Pays-Bas, Suisse, Allemagne, Canada et États-Unis essentiellement: elle a les moyens et infrastructures nécessaires pour faire entendre sa voix et proposer une alternative au FPR, comme l’a fait courageusement Victoire Ingabire (elle résidait au Pays-Bas, avant d’être la prisonnière de Kagamé, à Kigali). C’est la Aung San Suu Kyi rwandaise. En se rendant dans son pays d’origine, pour défier le despote, elle s’est sacrifiée pour ce qu’elle pensait être une cause nationale. Son incarcération, quasi automatique, est une alerte rouge, à savoir que tout(e) contredisant(e) est persona non grata au Rwanda: « délit » pénalement punissable, pour le bien et la sécurité de la nation.
Ces discours du FPR sont à analyser dans le sens qu’ils font partie intégrante d’un processus qui va de pair avec la création du modèle de l’Etat-nation homogène, donc à la pensée unique. Par conséquent, au Rwanda, l’ennemi de la nation ne peut venir que de l’extérieur – avec son discours « allogène » et dissonant (démocratie, Etat de droit, Justice pour tous, etc.). “Non”, dit Kagamé. Ce n’est pas à l’extérieur de déterminer ce qui est bon pour l’autochtone. Quant à l’élite rwandaise, elle ne peut risquer de perdre ses privilèges pour des enfantillages démocratiques – du moins pas maintenant. Quand bien même, voici une simple question qui pose problème : Victoire Ingabire et Bernard Ntaganda, seraient-ils capables, même réunis, de veiller à la sécurité territoriale du Rwanda ? Si oui, quelle(s) armée(s) ont-ils pour faire face à la fameuse menace postée chez le voisin d’en face ? Ce n’est pas aussi simple.
L’opposition donc, parce qu’éparse et divisée, reste timide. Mais est-ce dû à un manque d’organisation ? Il ne faut cependant pas se voiler la face: dans le débat inter-rwandais, il subsiste encore de fortes divisions internes, des restants et réminiscences du drame rwandais qui prennent leur source à la période des indépendances (c’est-à-dire l’époque moderne), jusqu’à ce jour. Mais je ne vais pas traiter de ça ici.
Cependant, ce ne serait terminer toute la petite histoire sur les opposants sans ajouter un dernier antagoniste sur la scène, et pas des moindres, à savoir les loyalistes Tutsi déchus du clan FPR. Ils vivent dans l’ombre de celui-ci. Ces anciens hauts cadres qui ont fui Kagamé ont fini par créer un parti d’opposition, le RNC (Rwanda National Congress). Les membres fondateurs se nomment: Patrick Karegeya, Dr. Théogène Rudasingwa, Gérald Gahima et Kayumba Nyamwasa. Ils connaissent mieux que quiconque les faiblesses du parti unique, qu’ils ont d’ailleurs participé à créer. Ils savent où se trouvent les points vitaux. C’est de loin la menace la plus nerveuse pour l’homme fort de Kigali. Pour beaucoup d’observateurs, c’est celle-là même qui va déterminer le futur proche du Rwanda. Mais encore une fois, Paul Kagamé a l’œil. Il envoi, à tour de rôles, des émissaires sur les quatre continents pour s’informer d’une éventuelle union définitive entre RNC/FDLR : le cocktail explosif pour le Rwanda. D’où l’intérêt pour le FPR de s’attirer les faveurs de la diaspora, en usant d’un langage assimilationniste (“Nous sommes tous rwandais”) – histoire de désensibiliser les foules qui douteraient encore à rejoindre l’opposition.
Tout compte fait, les seuls partis qui ont une position claire, jusqu’à présent, c’est le FPR et le FDLR, c’est-à-dire les deux branches “extrêmes” ! Les autres protagonistes dansent encore la valse – ce qui met leur crédibilité davantage en doute. Et puis l’opposition dans la diaspora n’a pas encore trouvé ses marques. D’une part elle a peu d’accès au peuple autochtone (celui-ci est en majorité illettrée et vit dans la terreur), d’autre part, la diaspora manque d’arguments “flattant”, pour convaincre l’opinion publique occidentale de la mauvaise foi de Paul Kagamé. Assurément, celui-ci est encore vu par les investisseurs étrangers comme un “visionnaire” qui a transformé le Rwanda en un petit miracle économique. Au niveau politique par contre, il est à la limite du tolérable. Un revirement qui s’est opéré depuis la fuite du Rapport Mapping de l’ONU, en septembre 2010: celui-ci accuse son armée de crimes contre l’humanité, voire crimes de génocide à l’est de la R.D.Congo, de 1993 à 2003. Il est par conséquent risqué de s’afficher avec Kagamé – pour ne point heurter l’opinion publique, assez sensible.
Le FPR, au niveau économique, a fait des exploits, c’est incontestable. Mais le pays dépend en grande partie de l’aide extérieure. Son économie est donc très susceptible aux changements brusques. Au fond, l’ironie de l’histoire fait que le chemin qu’est en train de parcourir Paul Kagamé est quasi identique à celui de son prédécesseur et opposant, feu Juvénal Habyarimana. Chez ce dernier l’économie allait tout aussi bien…avant que ne viennent les plans d’ajustements structurels par la Banque Mondiale et Fond Monétaire International (FMI), début des années quatre-vingt. Il y eu également l’événement marquant la fin du communisme, à savoir la chute du Mur de Berlin, en 1989. Tous des facteurs économiques et politiques exogènes qui ont eu des effet décisifs pour le Rwanda d’alors. Et le multipartisme, venu plus tard, n’est qu’un corollaire de la crise politico-économique. Ce ne fut donc pas un “choix”, mais une contrainte.
Déo Mushayidi président du PDP en prison au Rwanda
Tout ça pour dire qu’avoir une vision manichéenne de « la question rwandaise » est illusoire. Mais un fait est là : le FPR est très fragile. Celui-ci a souvent basé sa campagne politique sur des discours statiques et culpabilisants : la mémoire des Tutsi massacrés en 1994 – pour bénéficier de l’aide financière internationale. « Où étiez-vous en 1994 ? » – rétorque encore Kagamé à l’occident. Un chantage qui occulte complètement les exactions commises par l’APR (branche armée du FPR) dans le R.D.Congo, favorisant ainsi une culture de l’impunité dans la région des Grands Lacs. Un autre élément qui fragilise le parti unique est l’ouverture de la boite de pandore, c’est-à-dire toute la vérité sur l’attentat meurtrier contre les deux présidents Hutu, Juvénal Habyarimana et Cyprien Ntaryamira (du Burundi), le soir du 06 avril 1994. Du défaut d’une justice équitable, seule capable d’amener à une réconciliation nationale authentique. La première est biaisée: les tribunaux « traditionnels » gacaca d’une part et le TPIR (Tribunal Pénal International pour le Rwanda) d’autre part, excluent le jugement des responsables des massacres de Hutu, depuis la guerre civile de 199O, à aujourd’hui, en passant par les atrocités commises en 1994 et l’épuration ethnique dans les camps de réfugiés de 1995 à 2003.
Ci-dessus, c’était un aperçu des problèmes encore à relever. Pour terminer, je dirai qu’il faut voir tout ces mouvements comme des rapports de réciprocité. Une réalité amère pour le FPR, c’est qu’il va devoir composer dans le futur avec une opposition de plus en plus diversifiée et organisée. Notamment avec, en dehors des déjà cités précédemment: Urunana RDU (Ralliement pour l’Unité et la Démocratie) et leur site rud-urunana.org ; le PDR (Party for Democracy in Rwanda) de Paul Rusesabagina et son site ihumure.org ; le blog du Père
Théophile Murengerantwari et son parti, le MDPR-Intaganda (Mouvement Démocratique du Peuple pour la Réconciliation); le FLN (Front de Libération Nationale) de John V. Karuranga ; le RPR (Rassemblement Populaire Rwandais) de Gérard Ntashamaje ; le PDP-Imanzi de Deogratias Mushayidi, incarcéré à Kigali, mais son parti reste toujours actif, notamment sur pdp-imanzi.org. Pour ne citer qu’eux.
Bref, le FPR n’a plus le monopole qu’il avait au lendemain de la guerre de 1994. Aujourd’hui, il y a des alternatives. De plus, les exactions des services secrets FPR commencent à « dégoûter » de plus en plus l’opinion publique rwandais et international. Soit le FPR s’adapte, soit il continue à s’enfoncer dans la mégalomanie – radicalisant et gonflant davantage l’opposition. Si vraiment Paul Kagamé se soucie du sort de son peuple, il est grand temps qu’il lâche du lest.
Jean Bigambo Jambonews.net
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire