mercredi 11 juillet 2012

Monusco : changer de mandat ou partir

Au regard de l’enlisement de la situation dans l’Est



Le moment ne serait-il pas enfin arrivé où il faut procéder au changement du mandat de la mission de paix des Nations unies au Congo ? La question est sur toutes les lèvres lorsqu’on se rend compte qu’après dix ans de présence en terre congolaise 18 000 mille Casques bleus n’ont pas aidé la RDC à se débarrasser de la pieuvre qui a pris en étau sa partie orientale.

L’opinion congolaise attend du Conseil de sécurité de deux choses l’une : soit faire appliquer le chapitre 7 de la Charte de l’ONU pour rendre efficace la Monusco, soit demander à celle-ci de rendre le tablier et rentrer à New York.

Dans l’opinion congolaise, la Mission onusienne reste comptable d’assassinats à grande échelle et autres exactions qui continuent à se commettre sur le sol congolais, particulièrement dans l’Est. Cela au même titre que tous les agresseurs et autres rebelles, à l’instar du M23 réputé être à la solde du Rwanda. Quid ?

Les récents événements de l’Est ont donc porté un coup dur sur la crédibilité de la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo (Monusco). Dix ans de présence onusienne sur le sol congolais ont passé. Au bout du compte, rien de palpable n’a été acquis en terme de retour d’une paix durable en RDC. 

La paix et, avec elle, la restauration de l’autorité sur l’ensemble du pays demeurent une gageure sinon une utopie. D’où, cette préoccupation de l’opinion congolaise sur ce que fait réellement la mission de l’ONU en RDC. De mission d’observation (Monuc) à son début, elle s’est transformée il y a deux ou trois ans en mission de stabilisation (Monusco).

La prorogation, fin juin 2012, pour une année de plus de présence des troupes onusiennes en RDC n’a fait qu’exaspérer l’opinion nationale qui estime que l’on serait, au niveau de New York, en train d’entretenir le suspense. Depuis un temps, la Monusco essuie des critiques en sens divers. 

Nombreux sont ceux qui la remettent en cause et jugent sa prorogation inopportune. Because, de la Monuc à la Monusco, les troupes onusiennes peinent toujours à imposer leur loi sur le terrain. Et par conséquent, les faiseurs des rois et de guerres s’adonnent à cœur joie à pérenniser l’insécurité dans l’Est.

Le fond du problème, c’est le jeu de résolutions et autres terminologies qui reviennent à chaque saison. Le 27 juin 2012, le Conseil de sécurité des Nations unies décide à l’unanimité de proroger jusqu’au 30 juin 2013. 

Seulement voilà. Le décor qu’il plante pour le nouveau mandat de la Monusco ne rassure pas : «Aux termes de cette résolution 2053 (2012), adoptée à l’unanimité, le Conseil met au centre du mandat de la Mission, la protection des civils et la réforme du secteur de la sécurité. Il parle aussi de la lutte contre la mutinerie du Mouvement M-23 et de futures élections provinciales et locales en RDC ». 

Même si, plus loin le Conseil réaffirme : «La protection des civils doit être la priorité lorsqu’il s’agit de décider de l’usage des capacités et ressources disponibles de la Monusco». En fait, cette formulation restreint de manière significative les capacités de réaction de la Monusco et limitent en même temps son rôle de force d’interposition et de dissuasion dans une situation de tension.

Il y a de quoi comprendre l’expectative, voire l’atonie dont font preuve les troupes onusiennes au regard des affrontements actuels entre les FARDC et le M23 dans le Nord-Kivu. Car, s’agissant du fond de son mandat, la Monusco n’est pas affranchie. 

Elle demeure une mission d’observation alors qu’elle peut jouer un rôle plus actif, notamment dans la dissuasion des mutins-rebelles. Elle en a les moyens, au vu de l’importance de son contingent et de sa logistique.

Mais, pourquoi est-elle toujours empêchée d’activer le chapitre 7 ? C’est là toute l’énigme. Et le Conseil de sécurité doit tirer au clair ce dilemme s’il veut que sa mission en RDC se dédouane de toutes les critiques formulées à son égard.

Dans un article intitulé : «Contraintes politiques et institutionnelles du discours des Nations unies», repris dans l’ouvrage collectif «ONU. Droits pour tous ou la loi du plus fort ? Regards militants sur les Nations unies », Pierre de Senarclens, professeur des relations internationales à l’université de Lausanne (Suisse), pense que « les Nations unies défendent des principes et des idéaux, dont la réalisation est toujours en partie hors d’atteinte». Une analyse qui s’applique correctement à la présence onusienne en RDC.

Dans le même article, l’auteur rappelle qu’en ce qui concerne l’ONU, «la propagande n’est pas au service de la vérité scientifique, mais d’intérêts économiques et politiques» - des intérêts dont la compréhension relève du domaine des initiés des rouages des Nations unies.

C’est sans doute autour de ces intérêts, des forces que Kinshasa qualifie «d’obscures», que se trouve la clé de l’énigme de l’Est ; celle que l’ONU n’arrive pas à dénouer depuis plus de dix ans.

REFAIRE L’EXPERIENCE DE 1960

D’aucuns se demandent pourquoi le Conseil de sécurité ne voudrait pas s’inspirer de l’expérience réussie de 1960 où des troupes onusiennes sont intervenues au front pour venir à bout de la sécession menée par Moïse Tshombe.

A ce sujet, Franz Ansprenger nous livre une réflexion. Dans un article intitulé : «Aperçu historique de l’ONUC – l’opération des Nations unies au Congo 1960-1964 », repris dans la collection «Les porteurs du développement durable en RDC. Evolutions récentes de la vie politique, économique, religieuse, culturelle et de la Société civile », l’auteur estime que «l’ONUC est considérée comme une opération de maintien de la paix relativement réussie ».

Ce succès de l’ONUC en 1960 au Congo, Franz Ansprenger le relève en rapport avec la mission menée entre 1994 et 1995 par l’ONU en Bosnie. «L’expérience bosniaque de 1994 et 1995, qui aura vu plusieurs centaines des Casques bleus de la FORPRONU pris en otages, a démontré on ne peut clairement au monde entier que le succès ou l’échec d’une opération de maintien de la paix de l’ONU dépendait en premier lieu de la clarté politique du mandat que lui confiant le Conseil de sécurité. 

La clarté de ce mandat dépend quant à elle de la véhémence avec laquelle les Etats siégeant au Conseil de sécurité, principalement les membres permanents, défendent leurs intérêts respectifs lorsque ceux-ci sont en opposition », écrit-il.

L’auteur rappelle aussi un paragraphe de la résolution fixant le mandat de l’ONUC. Dans la résolution, le Conseil de sécurité «recommande instamment que les Nations unies prennent immédiatement toutes mesures appropriées pour empêcher le déclenchement d’une guerre civile au Congo, notamment des dispositions concernant des cessez-le-feu… et le recours à la force, si besoin est, en dernier ressort… ».

Pourquoi le Conseil de sécurité tarde-t-il à faire la même chose alors que la RDC flambe dans sa partie Est ? Ne serait-il temps pour l’ONU de reconsidérer la présence de ses troupes en RDC en lui donnant le mandat d’agir pour préserver la paix menacée dans la partie Est de la RDC.

Cité par l’AFP, un responsable de la Monusco déclare : «Ce serait un désastre si Goma était prise». La source rapporte que «la Monusco a dépêché depuis quelques jours sur place dans l’Est des troupes ghanéennes, guatémaltèques, jordaniennes et égyptiennes, placées sous les ordres du général britannique Adrian Foster». 

Encore faut-il que ses troupes soient prêtes à jouer véritablement leur rôle, en se mettant notamment du côté des Forces armées de la RDC.

A tout prendre, l’ONU doit choisir entre changer le mandat de la Monusco ou plier bagages. Il y va de sa crédibilité, sérieusement entamée, dans l’opinion publique congolaise. L’expérience de certains pays africains démontre que les Casques bleus ne sont pas toujours indispensables pour le retour durable de la paix.


© Le Potentiel

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