samedi 17 novembre 2012

Reportage exclusif au Nord-Kivu dans la zone de combats entre le M23 et l’armée congolaise



Un membre du M23 abattu par l'armée de la RDC. Toutes les photos ont été prises par nos Observateurs à Goma, Charly Kasereka et Alain Wandimoyi.
Après trois mois de trêve, les combats entre la rébellion du Mouvement du 23-Mars (M23) et l'armée de la République démocratique du Congo (RDC) ont repris jeudi 15 novembre près de Goma, dans l'est du pays.

Nos Observateurs se sont rendus sur la ligne de front de Kibumba et dans le camp de déplacés de Kanyarucinya.
Le gouverneur du Nord-Kivu a annoncé dans la soirée de jeudi que 113 membres du M23 avaient été tués durant les combats. De son côté, le porte-parole du M23 a affirmé vendredi que c’était l’armée de la RDC qui avait attaqué en premier, les obligeant à répliquer. Selon lui, les rebelles auraient tué neuf militaires de l'armée congolaise.
 Les militaires congolais posent devant le cadavre d'un membre du M23.
Les combats ont obligé de nombreuses familles à fuir la zone. D’après nos Observateurs, des milliers de personnes ont afflué vers le camp de Kanyarucinya, à une dizaine de kilomètres de Goma, où 57 000 déplacés avaient déjà trouvé refuge depuis juillet.

Les Congolais fuient les zones de combats emportant tout ce qu'ils peuvent avec eux.
Le M23 est principalement formé d'ex-rebelles qui, après avoir été intégrés en 2009 dans l'armée congolaise, se sont révoltés en avril. Le Rwanda et l'Ouganda, frontaliers avec le Nord-Kivu, sont accusés par l'ONU de soutenir les rebelles, ce que les deux États ont démenti.

"Nous avons vu une dizaine de cadavres, identifiés comme des membres du M23 par l'armée"

Alain Wandimoyi est photographe et blogueur à Goma. Il s’est rendu, vendredi 16 novembre, au poste-frontière de Kibumba, où les affrontements entre l’armée et les rebelles avaient eu lieu la veille, puis dans le camp de réfugiés de Kanyarucinya, plus au sud.


En début d’après-midi, sur la ligne de front de Kibumba, tout semblait calme. Il y avait des militaires. Les civils essayaient de s’enfuir. Nous avons vu une dizaine de cadavres, identifiés [par l’armée] comme étant des membres du M23, mais un soldat nous a expliqué qu’une trentaine de rebelles avaient été tués à cet endroit.
Selon les militaires, ce sont les membres du M23 qui ont tiré en premier pour protester contre le rapport publié par l’ONU qui a condamné l’aide extérieure qu’auraient apporté l’Ouganda et le Rwanda. Mais cela fait presque un mois qu’ils préparaient cette attaque.
Toujours selon les soldats de la RDC, c’est la décision de l’Ouganda de fermer leur poste-frontière avec la RDC qui a déclenché cette attaque. Le M23 récoltait entre 10 000 et 20 000 dollars [entre 7800 et 15 700 euros] par jour grâce à ce poste-frontière, car ce sont eux qui le contrôlaient. Ils cherchaient donc de nouveaux territoires à rançonner.
L'armée de la RDC contrôle la zone et renseigne les civils.

"La situation est catastrophique dans le camp de Kanyarucinya, les humanitaires sont débordés"

Vers 16 heures, les militaires ont commencé à s’agiter et on a entendu des coups de feu retentir, sans savoir exactement pourquoi. On a vu des renforts arriver, des hommes monter dans des tanks et passer à côté de nous avec des armes lourdes. Les soldats nous ont demandé de quitter la zone sur le champ.
Nous nous sommes alors dirigés vers le camp de Kanyarucinya. On a vu des centaines de personnes y affluer en à peine une heure. La plupart étaient très fatigués car ils avaient fait plusieurs kilomètres à pied avec leurs valises sur le dos ou qu’ils portaient à bout de bras. Aucun n’était cependant blessé. Dans le camp, les humanitaires étaient débordés.
La situation est catastrophique, car ceux qui étaient là avant ce nouvel afflux de réfugiés n’avaient déjà pas assez à manger. Sur le chemin, on a rencontré un orphelin de 14 ans qui avait fui Goma avec son frère aîné entre sa ville, pour rejoindre ce camp. Son frère avait disparu et il ne savait même pas s’il était mort ou vivant."
 


Des centaines de personnes ont fui vers le camp de Kanyarucinya.


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