Faute d’argent, au Bas-Congo, des habitants préfèrent se faire soigner dans des centres de santé de fortune qui pullulent dans les quartiers. Installés sans contrôles ni respect des normes, ils causent souvent plus de mal que de bien aux patients. L’Etat et l’administration locale se rejettent la responsabilité de cette situation.
Dans la seule ville de Matadi, chef-lieu de la province du Bas-Congo, fonctionnent 126 postes et centres de santé privés. Parmi eux, seuls 19 respectent les normes requises pour une structure sanitaire viable. Ce constat fait par l’Inspection provinciale de la santé n’est pas l’apanage de la seule ville de Matadi.
Ailleurs en province, la situation est similaire, voire pire. La nouvelle société civile de Seke-Banza, à 80 km à l’Ouest de Matadi a dénombré une quarantaine de postes et centres hospitaliers. «Ils n’ont pas de personnel qualifié et la qualité de leurs médicaments est fort douteuse.
Voilà pourquoi, il y a beaucoup de décès, s’insurge Valentin Vangi, président de la société civile du Kongo central. Nous avons écrit au médecin provincial inspecteur et maintenant qu’il y a un gouvernement provincial, nous nous adresserons au ministre de la Santé».
Dépourvus de couverture sanitaire et menant une vie pauvre, certains habitants n’ont guère de choix que de recourir à ces formations médicales peu fiables. «Au moins eux comprennent que nous sommes démunis et nous aident», se résigne Marie.
Cette femme a l’habitude de traiter son fils dans un centre de santé installé dans un container mal famé à Matadi. «Avec peu d’argent, les enfants peuvent se faire soigner dans ces centres. L’hôpital général de référence, c’est pour les autorités et les riches, lance Abdoul, un ouvrier. Nous, c’est Dieu qui nous garde».
FAUTE DE MIEUX
Mais, le foisonnement de ces centres hospitaliers de fortune est notamment dû au nombre limité des formations médicales publiques et à une législation trop laxiste.
A Matadi, pour une population de plus de 450 000 âmes, il n’y a que six formations médicales de l’Etat. «C’est normal que les privés viennent à la rescousse.
Malheureusement, beaucoup de leurs centres sont des boutiques de la mort. Il faut que l’inspection médicale veille, pense Jean-Marc Nzeyidio, le maire de la ville. Car beaucoup de patients y subissent de graves préjudices».
En février dernier, un jeune homme de Matadi qui se faisait appeler «médecin» dans un centre de santé de Seke-Banza a ainsi été traduit en justice par la cellule de l’Ordre des médecins de ce territoire.
Il avait transfusé du sang à un patient après l’avoir prélevé directement sur une personne sans le faire subir le moindre examen. Les enquêtes menées sur le numéro d’ordre qu’il brandissait ont révélé que c’était un charlatan.
La situation est parfois pire dans ces formations médicales de fortune car, des patients y perdent parfois la vie par négligence. Michel Mboma, un habitant en sait quelque chose. Sa femme est décédée en février dans un poste de santé de Mvuadu, un quartier pauvre de Matadi.
«Le médecin m’a dit qu’elle portait une grossesse extra-utérine et qu’il devait l’opérer. Il lui a coupé les trompes, elle a tellement saigné qu’elle en est morte», larmoie-t-il. Toujours dans ce quartier bouillant de Matadi, une fillette de 12 ans est décédée dans un autre poste de santé.
«Le médecin lui avait perforé les intestins lors de l’opération», enrage Martin Nlandu, son oncle. «Dans un centre de santé, on ne peut faire que des accouchements normaux, assurer la couverture vaccinale…, explique Oscar Mavila, médecin inspecteur provincial du Bas-Congo. On ne peut pas opérer ni faire de accouchements difficiles».
DIFFICILE DE SEVIR
Pointée du doigt pour laxisme, l’inspection provinciale médicale rejette la balle dans le camp de l’administration de l’Etat qui accorde à tour de bras des autorisations d’ouverture à n’importe quelle formation médicale.
Elle autorise même des centres de santé non viables à proximité des hôpitaux généraux de référence. Pour éviter les nombreux dégâts, l’inspection médicale entend mener des enquêtes dans la province comme elle l’a fait en 2007.
Ce qui lui avait permis de fermer une vingtaine de formations médicales. Mais, elle ne peut pas, faute de moyens. L’ordre des médecins éprouve aussi la même difficulté. Cette structure dit traquer les charlatans avec les moyens du bord. Dr Gomez Pelani, son président, regrette que leurs «demandes auprès des autorités politiques n’aboutissent que très rarement».
SYFIA GRANDS LACS
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