Mercredi 3 Avril 2013
Si l'Occident se désintéresse du devenir du pays, c'est qu'il symbolise son échec, celui d'une transition démocratique réduite à néant.
Ce sinistre anniversaire oblige à poser une question cynique : qui l'Irak intéresse-t-il encore ? Pourquoi une explosion à Kirkouk, une voiture piégée à Bagdad, avec leur cortège de 50 à 100 morts, ne méritent-elles que quelques lignes dans les journaux, y compris le nôtre ?
Pourquoi la cause médiatique de la Mésopotamie, admirable terre trimillénaire à l'origine de l'écriture et des grands mythes bibliques, se révèle-t-elle impossible à plaider ?
Certes, il lui reste quelques fidèles, quelquefois reporters comme Anne Nivat qui vient de lui consacrer une belle enquête intimiste au cœur des familles épuisées (l'Ombre de la guerre, diffusée sur Arte).
Mais le fait est là : en dehors d'intérêts commerciaux venus aviver de nouvelles rivalités fratricides autour des champs pétrolifères, l'Irak n'attire plus rien ni plus personne. Ses élites sont parties. Deux millions d'Irakiens vivent en exil. Les chrétiens fuient leurs quartiers ensanglantés.
Le pays continue à filer vers le vide, de la destruction amorcée par Saddam Hussein à celle que reprirent les Américains à grande échelle jusqu'à l'autodestruction confessionnelle qui se poursuit aujourd'hui.
L'indifférence de la communauté internationale autorise le gouvernement chiite de Bagdad à se comporter exactement comme le fit Saddam le sunnite, multipliant les pendaisons, usant des pires tortures, ouvrant les portes à l'Iran trop heureux d'asservir enfin ce puissant vassal. En riposte, Al-Qaida frappe chaque cible chiite.
Si l'Occident détourne les yeux, si aucune intelligence diplomatique ne vient porter une parole de vie dans ce cimetière, c'est que l'Irak est le symbole de notre triple échec.
Echec d'une intervention extérieure menée au nom illusoire des droits de l'homme rapidement convertis en droits du mieux armé.
Echec d'une reconstruction économique destinée à nourrir les loups et affamer la masse des faibles. Echec, enfin, d'une transition démocratique réduite en cendres par le fanatisme tribal et religieux.
Une apocalypse à méditer à l'heure où le drame syrien vient réveiller la tentation du droit d'ingérence.
Martine Gozlan
Marianne
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