samedi 25 mai 2013

Heurts interethniques à Bukavu, barricades dans la ville

24 mai 2013

Durant deux jours, la commune d’Ibanda à Bukavu, qui jouxte la frontière rwandaise, a craint le pire : des barricades ont empêché le trafic et des heurts violents ont opposé des jeunes gens, appartenant au groupe ethnique des Banyamulenge, (Tutsis congolais vivant dans les hauts plateaux) à des groupes de motards.

                                                      Tutsis

Les violences ont fait une quarantaine de blessés parmi les manifestants et huit policiers ont également été hospitalisés.

Les heurts ont commence jeudi soir, lorsque trois jeunes Banyamulenge ont été molestés par un groupe d’hommes appartenant au groupe ethnique des Bashis, majoritaire au Sud Kivu.

Le lendemain, les troubles se sont généralisés, lorsque des motards et d’autres jeunes gens non identifiés s’en sont également pris aux Banyamulenge, leur criant de « rentrer chez eux au Rwanda ».

La police est alors intervenue, séparant les antagonistes et un policier, qui avait pris fait et cause pour les manifestants anti-tutsis a été mis à pied et sanctionné.

A première vue, tout pourrait laisser croire que les Banyamulenge auraient pris fait et cause pour les rebelles du M23, un mouvement essentiellement composé de Tutsis du Nord Kivu, qui a repris les hostilités au nord de Goma, décrétant une trêve à l’occasion de la visite-éclair du secrétaire général de l’ONU M. Ban KI-moon.

La réalité est cependant différente : depuis le début de la reprise des hostilités par le M23, début 2012, les Tutsis du Sud Kivu ont explicitement refusé de suivre le mouvement, expliquant, entre autres raisons, qu’ils étaient «fatigués » de suivre les aventures militaires soutenues ou téléguidées par Kigali et qui avaient occasionné de nombreuses pertes au sein de leur communauté.

Ce refus est l’une des raisons qui expliquent pourquoi le Sud Kivu, échappant à la guerre qui a ravagé le Nord Kivu, a connu un calme relatif. Cette fin de non recevoir opposée par les Banyamulenge a contraint le M23 à se chercher des alliés dans d’autres groupes ethniques, entre autres les Bashis, majoritaires au Sud Kivu.

C’est ainsi que le porte parole actuel de la rébellion du M23, Bertrand Bisimwa, est un Mushi, de même que l’éphémère président du mouvement, le pasteur Jean-Marie Runiga, qui se trouve actuellement au Rwanda où il s’est réfugié après la scission du mouvement rebelle en deux factions, l’une étant conduite par Bosco Ntaganga, qui se trouve actuellement entre les mains de la Cour pénale internationale.

Les évènements actuels à Bukavu s’expliquent eux aussi par le refus des Banyamulenge de se solidariser avec leurs « cousins » de Goma : des jeunes gens qui approuvaient cette position ont été passés à tabac par des Bashis qui soutenaient le M23 !

Par la suite, les troubles ont dégénéré et d’autres jeunes gens, se réclamant du parti de Vital Kamerhe, l’UNC , qui surfe volontiers sur les sentiments anti-tutsis, sont entrés en action.

Il faut remarquer aussi que l’intervention de « motards » non autrement identifiés, ressemble étrangement aux manifestations qui avaient eu lieu à Goma voici quelques mois, où des motards avaient chassé les étudiants d’origine rwandaise qui fréquentaient l’université de la ville en leur criant de « rentrer chez eux », au Rwanda.

Par la suite, des enquêtes policières avaient permis de découvrir que les motards avaient été payés pour mener ces actions, qui confortaient la thèse selon laquelle les « rwandophones » et plus particulièrement les Tutsis du Kivu seraient menacés au Nord et au Sud Kivu et auraient donc besoin de la « protection » rwandaise.

Désireux d’enrayer tout dérapage ethnique, le gouverneur du Sud Kivu, Marcellin Cishambo, est intervenu immédiatement pour donner l’ordre aux manifestants de rentrer chez eux et il s’est rendu dans les hôpitaux de la ville pour réconforter les blessés.

Désireux de les rassurer, il a aussi eu des contacts avec des autorités rwandaises et il a répété que, “quel que soit le groupe ethnique auquel il appartient, tout citoyen congolais avait le droit de vivre en paix et en sécurité dans son pays…”

Le carnet de Colette Braeckman

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