mardi 26 novembre 2013

RDC : quand Patrice Lumumba fait des remous au plat pays

26/11/2013

 Patrice Lumumba a été assassiné le 17 janvier 1961.  
Patrice Lumumba a été assassiné le 17 janvier 1961. © Jeune Afrique
 

Rien ne va plus à Ixelles. Les réunions du Conseil communal sont devenues le théâtre d'une lutte entre la majorité (socialiste et libérale) et l'opposition autour d'une éventuelle place Patrice Lumumba, héros de l'indépendance de la RDC, près du quartier de Matonge. 

Décryptage des enjeux de cette bataille mémorielle avec l’historien Elikia M'Bokolo.

Soutenue par les écologistes et les démocrates humanistes (opposition), la proposition d'une place Patrice Lumumba à Ixelles (une des communes de Bruxelles) a reçu un véto de la part de la majorité du conseil municipal, qui, regrettant que la question soit devenue l'objet d'un clivage politique, aurait préféré entamer des débats autour d'un nom plus "fédérateur", comme celui du docteur Denis Mukwege, natif de la RDC et lauréat du prix "Right Livehood"

Provocation ? Éléments de réponse avec l’historien Elikia M'Bokolo.

Jeune Afrique : Jean Van Lierde, militant pacifiste belge, auteur de "La pensée politique de Lumumba", qualifiait Lumumba de "météore à l’ascension fulgurante". Que reste-t-il aujourd’hui de ce "météore" selon vous ?

Elikia M'Bokolo : La particularité de ce personnage, ou du moins ce qu’il en reste, c’est précisément ce caractère de "météore". Aujourd’hui, il me semble qu’à la suite de toutes une série de facteurs, en RDC, les gens ne se rendent pas compte de ce qui s’est passé autour de ce personnage. 

Il y a pourtant en Lumumba tout un héritage que les Congolais pourraient s'approprier dans les nouveaux combats qu’ils peuvent mener, aussi bien au niveau international par rapport à leurs frontières immédiates, mais également au niveau même de l’organisation interne de la société. 

Lumumba est la preuve que le combat finit par payer, et que les ressources ne sont pas forcément là où on pense qu’elles se trouvent.

Pensez-vous que la Belgique soit prête, aujourd'hui, à baptiser une place ou une avenue Lumumba ?

Je pense que nous devons aider nos "amis belges" à sortir de l’histoire et à entrer dans le présent. Les Belges sont bien placés pour le comprendre car ils ont eux-mêmes été soumis à une domination étrangère. 

Le combat qu'ont mené ensemble Flamands, Wallons, germanophones, libéraux et laïques, franc maçons et croyants ; nous, Congolais, l’avons expérimenté de notre propre gré dans un mouvement absolument extraordinaire dont le Mouvement national congolais a été la forme la plus achevée. 

Ce serait tout à l’honneur de la Belgique de reconnaître que le peu de choses qu’elle a faites au Congo, a eu pour effet de faire émerger des personnalités qui se sont élevées et avec lesquelles beaucoup de Belges étaient en accord. 

On oublie souvent de rappeler que la Belgique n’est pas une unité compacte dans laquelle tout le monde aurait été d’accord pour dominer les Congolais !



Une plaque provisoire déposée par des riverains à Ixelles. © D.R.

Que répondez-vous à ceux qui proposent une place Denis Mukwege à Bruxelles au lieu d’une place Lumumba ?

Je dois avouer que je ne comprends pas pourquoi la Belgique s’accroche à ne pas vouloir faire cet acte de reconnaissance vis-à-vis de Lumumba. Si nous voulons des relations saines entre les deux pays, il faut que les Belges reconnaissent ceux des nôtres qui ont joué un rôle dans l’accession à l’indépendance du Congo. 

L’indépendance occupe à mon sens une place très importante dans l’histoire aussi bien du Congo que de la Belgique. Pour la Belgique, ce serait la meilleure des manières de tourner la page de la colonisation et d’amorcer des relations normales avec le Congo comme le préconisait Lumumba dans son discours du 30 juin 1960.
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Propos recueillis par Wendy Bashi, à Bruxelles Jeune Afrique
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Le discours de Patrice Lumumba lors de l'indépendance du Congo le 30 juin 1960.

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