lundi 18 novembre 2013

Rwanda : après un kidnapping, un ancien garde du corps du Président Kagame comparaît devant la justice

le 18 novembre 2013

Rapatrié par force de l’Ouganda vers Kigali, Joël Mutabazi, un ancien garde du corps du président Paul Kagame qui avait trouvé l’asile en Ouganda, a été présenté à la justice rwandaise ce mercredi 13 novembre. 


Accusé notamment de terrorisme avec 14 autres coaccusés, le cas de cet ancien lieutenant de la garde présidentielle rwandaise, illustre une fois de plus une série de méthodes alarmantes envers les anciens collaborateurs du régime de Kigali réfugiés en Ouganda. 



Rapatrié de force vers le Rwanda alors qu’il bénéficiait d’un statut de réfugié depuis 2011, l’ancien garde présidentiel rwandais Joël Mutabazi a comparu ce 13 novembre devant un tribunal de Kigali qui l’accuse entre autres de « formation d’un groupe armé, crime contre l’Etat, possession illégale d’armes à feu », et surtout de « terrorisme ». 


La déportation de cet ancien membre de la garde rapprochée de Paul Kagame, a provoqué des altercations entre le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et le gouvernement ougandais. 

En effet, protégé par le statut de réfugié, Kampala était en théorie dans l’obligation de protéger Mutabazi de toute expulsion dans son pays d’origine.

L’enlèvement suivi de la déportation de Mutabazi rappelle celle de l’opposant Déogratias MUSHAYIDI, kidnappé à Bujumbura par les services de renseignements rwandais en mars 2010 puis amené au Rwanda. Cet ancien cadre du Front Patriotique Rwandais du Président Kagame croupi en prison depuis qu’il a été condamné à perpétuité en février 2012.

Human Rights Watch entre soulagement et indignation

Tout en dénonçant l’enlèvement et la déportation vers le Rwanda de Mutabazi, Human Rights Watch (HRW), s’est déclaré « soulagé de sa comparution devant un tribunal », puisque depuis sa déportation, aucun signe de vie n’avait jamais été donné. 


« La police ougandaise a totalement échoué quant à protéger ce réfugié, qui était clairement en grave danger », a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « Il est inadmissible qu’il ait été remis sommairement à la force de police du pays dont il a fui la persécution. » a-t-il ajouté.

HRW demande à ce que les instances « judiciaires rwandaises lui assurent un procès équitable », et exige du régime de Kigali, qu’il divulgue publiquement l’endroit où il est détenu depuis son arrivée au Rwanda il y a deux semaines, rapporte RFI.

Une première tentative de kidnapping échouée grâce à l’intervention du HCR

Deux mois plus tôt, Mutabazi avait déjà été ciblé par une autre opération de déportation illégale digne d’un polar. Des hommes sont venus le chercher dans la résidence du HCR où il vivait sous la protection de la police. 


C’est grâce à l’intervention du HCR et du ministre ougandais en charge des réfugiés, que ce kidnapping a échoué. La police ougandaise aurait été impliquée dans ce précédent enlèvement, tout comme le second.[1]

Plusieurs cas de disparitions de réfugiés rwandais signalés à Kampala.

Le HCR en Ouganda a signalé ces dernières semaines, plusieurs autres cas de disparition, visant des anciens officiers rwandais en exil dans la capitale ougandaise. Innocent Kalisa et Pascal Munyirakiza qui bénéficiaient également du statut de réfugié reconnu par le HCR en Ouganda, se sont volatilisés depuis le 13 août. 


Depuis qu’ils se sont rendus à des rendez-vous qu’on leur avait donnés par téléphone, ils n’ont plus donné signe de vie. Le HCR demande aux autorités ougandaises d’enquêter sur la disparition de ces deux hommes.

Selon la RFI, les proches d’Innocent Kalisa, également ancien membre de la garde rapprochée de Kagame et qui a fui le Rwanda il y a trois ans, accusent le régime de Kigali de l’avoir kidnappé parce qu’il serait proche du Général Kayumba Nyamwasa, ex-chef d’état-major de l’armée rwandaise, réfugié aujourd’hui en Afrique du Sud. 


Ce dernier a fait l’objet également d’une tentative de meurtre en juin 2010. Les autorités Sud Africaines avaient accusé « des agents d’un pays étranger », sans citer le Rwanda, d’être responsables de cet attentant. Depuis lors, l’ex proche de Paul Kagame est sous la protection de la police Sud Africaine.

La capitale ougandaise un refuge dangereux pour les opposants rwandais

La capitale ougandaise a toujours été décriée comme étant le lieu le moins sûr pour les détracteurs du régime de Paul Kagame. 


« Les Rwandais vivant en Ouganda sont particulièrement exposés, étant donné la proximité géographique et les liens étroits entre les deux pays. Les réfugiés rwandais à Kampala signalent fréquemment être menacés et suivis par des gens qu’ils pensent être des agents des services de renseignement rwandais » affirme Human Rights Watch dans un article publié le 06 décembre 2011 suite à l’assassinat de Charles Ingabire.

En effet ce journaliste ,rédacteur en chef de la publication en ligne Inyenyeri News et critique virulente du gouvernement rwandais, y fut sauvagement abattu de deux balles le 30 novembre 2011. Il y avait trouvé refuge en 2007.

Se sentant menacé en Ouganda, Joël Mutabazi aurait demandé sa réinstallation dans un autre pays, cependant aucun des sept pays sollicités par le HCR n’aurait répondu favorablement à cette demande étant donné que le demandeur est un ancien militaire.

Cependant, même si il avait pu bénéficier de cette réinstallation, sa sécurité n’aurait pas été garantie car selon HRW « des attaques contre les opposants et les critiques envers le régime de Kigali ont eu lieu dans des endroits plus éloignés » : De Johannesburg à Stockholm, en passant par Bruxelles, Paris et Londres, le régime de Paul Kagame n’hésite pas à attaquer les opposants.
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Jean Mitari

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