mercredi 22 janvier 2014

Pas de developpement sans la diaspora

22/01/2014  

... la diaspora constitue une entité capable de faire concurrence aux firmes étrangères dans la conquête des marchés de l’Etat, et la préservation de nos richesses.



Pour sa première participation à une coupe du monde de football, en 1982 le Cameroun se retrouve dans le même pool et rencontre rien de moins que… l’Italie, championne du monde en titre.

A l'issue de la rencontre, les deux équipes se séparent dos à dos un but partout! La prestation honorable de notre équipe nationale est la résultante d'un melting-pot savamment dosé ce qu’on appelle «joueurs amateurs » et leurs compatriotes évoluant à l'étranger. 


En 1990, la recette pro-amateurs va s'avérer déterminante dans le succès de la campagne des Lions Indomptables, première équipe africaine à accéder aux quarts de finale d'une coupe du monde de football.

Les exploits de ces équipes est la preuve de ce que l'union fait la force et c'est aussi une preuve, s'il en est besoin que le Cameroun possède, à l'instar de tous les pays africains, le talent suffisant pour relever non seulement des défis sportifs mais aussi les challenges de développement. 


Ainsi, pour faire vite et mieux, il devrait intégrer ses fils et filles de la diaspora, tel que le prouvent les meilleurs résultats obtenus en coupe du monde 1990 par une équipe ayant intégré des joueurs professionnels.

La logique appliquée au football et aux autres disciplines sportives devrait s’étendre à toutes les activités de notre société car sans leur diaspora, il sera difficile pour les pays africains de faire face à la concurrence internationale. 


En effet, dans le concert des nations, les pays africains, participent à un jeu dont les règles sont fixées par les autres, en l'occurrence leurs partenaires qui partent ainsi favoris. 

Les ressources humaines étant les plus importantes de toutes, la diaspora africaine constitue un bien meilleur capital pour le développement que l’argent ou les ressources naturelles. 

Pour prendre le cas du Japon, ce sont les ressources humaines qui constituent la pierre angulaire de l'économie nippone.

En outre, le succès dans les relations bilatérales avec la Chine ou les pays occidentaux passe par l'intégration dans nos divers circuits de développement de ceux de nos fils et filles qui ont vécu et travaillé dans ces pays. 


Il va sans dire qu'au contact de leurs autres collègues occidentaux ou asiatiques, nos compatriotes se sont immergés dans leurs us et coutumes. Une mission prométhéenne avec à la clé des connaissances techniques, scientifiques et idéologiques, dont on peut tirer profit pour le développement du Cameroun. 

Et parce que l'intelligence et la compétence ne sont pas seules suffisantes, il faut un zeste d'expérience et de perspective pour que la mayonnaise prenne.

La diaspora a aussi acquis un niveau de connaissance technologique équivalent et parfois supérieur aux firmes, coopérants et conseillers techniques étrangers opérant en Afrique. 


Elle est par conséquent capable de faciliter le transfert de technologie par la création de coentreprises (succursales) entre des multinationales et des entreprises locales que ses membres auront créées. 

Ce faisant, la diaspora constitue une entité capable de faire concurrence aux firmes étrangères dans la conquête des marchés de l’Etat, et la préservation de nos richesses.

La diaspora est riche en idées sur le développement, inspirées par des choses vues, des expériences vécues. Le fait d'avoir vécu et travaillee à Paris, à Beijing ou à Montréal constitue un atout pour la construction des routes, des écoles ou des hôpitaux, autant d'infrastructures dont on peut s'inspirer. 


Cette assertion est prouvée par l’expérience de Ntsimi Evouna, l’actuel Délégué du Gouvernement de la ville de Yaoundé dont on est unanime à reconnaitre l'impacte de son expérience européenne sur l’excellent travail qu’il abat dans la capitale du Cameroun. 

Il a vécu en France, a vu comment les choses sont faites et a développé une vision pour transformer la ville qu’il gère aujourd’hui. Ce qui s’est fait dans l’urbanisation peut facilement se faire dans le domaine de la santé.

Le Cameroun, comme beaucoup de pays africains dépense par an des centaines de millions de franc CFA, voire des milliards pour couvrir les frais relatifs aux évacuations sanitaires. 


Des sommes faramineuses qu'on aurait pu épargner si sur place il existait des institutions hospitalières ultramodernes capables de prendre en charge les évacués sanitaires vers l'Europe ou les Etats-Unis. 

La réalisation de ce genre de projet ne nécessite en réalité pas grand-chose. Il faudrait construire et équiper ces hôpitaux et y associer un personnel africain formé et travaillant à l’étranger. Une main d'œuvre qualifiée qui aiderait à créer la même dynamique que dans les pays où ils ont été formés.

Tout ceci couterait beaucoup d’argent évidemment car en plus de l’équipement, il faudrait compenser financièrement les médecins et le personnel médical ayant abandonné leur emploi à Atlanta ou à Berlin pour venir servir le pays. 


Un Etat africain ne pourra certainement pas leur donner autant d’argent qu’ils reçoivent en Occident, mais serait capable de leur offrir un paquet alléchant et compétitif, composé d’un salaire décent, de divers avantages sociaux ou professionnels.

En retour, ce staff médical mettrait en place un plateau technique pour faire des traitements et des interventions non encore pratiqués en Afrique, permettant de sauver la vie des malades qui autrement auraient été perdue du fait des délais de temps qu’imposent les procédures d’évacuation sanitaire, mais aussi celle de nombreuses de personnes qui par manque d’argent, de statut social et d’influence sont d’avance condamnées par un certain type de maladies. Sans mentionner les retombées sur la formation des jeunes médecins.

Un hôpital ultramoderne gagnerait même de l’argent car il se créerait immédiatement une clientèle dans les pays environnants. 


Les hautes personnalités et hommes d’affaires tchadiens, gabonais ou congolais n’auraient plus de raison d’aller se faire soigner à Paris si la ville de Yaoundé géographiquement plus proche offre la même qualité de soins à des prix réduits.

Ce ne serait pas la première fois qu’une initiative pareille est réalisée dans le monde. L’inde a contribué à créer le concept de tourisme médical. Des américains y vont régulièrement pour des soins médicaux prodigués par des médecins indiens formés aux Etats-Unis à des prix qui sont jusqu'à 4 fois moins élevés. 


De leur côté, les Etats-Unis ont mis en place un système qui recrute constamment les intelligences du monde, ce qui explique certainement le fait qu’ils soient le premier pays dans bien des domaines. 

Nous pouvons adopter le même procédé, en ciblant tout au moins les talents issus des pays africains et ceux en voie de développement pour accomplir des taches précises.

Des pays comme la Corée du Sud et la Chine ont utilisé diverses incitations pour attirer vers la terre natale non seulement leur diaspora mais aussi les descendants de la première génération de la diaspora. 


La Chine qui considère sa diaspora comme une partie intégrante de son développement a carrément mis en place une politique d’inversion de la fuite de cerveaux et des mesures d’incitation « de façon à permettre aux chinois à l’extérieur de fonctionner comme une communauté soudée, capable de mobiliser des forces financières, politiques et diplomatiques, avec Beijing comme plaque tournante, plutôt que des individus dispersés dans le monde » pour citer une étude de la Banque Africaine de Développement intitulée : Le Rôle de la Diaspora dans la Construction de la Nation : Leçons à Tirer par les Etats Fragiles et les Etats Sortant de Conflits en Afrique

Si les Etats africains suivaient l’exemple de ces pays asiatiques qui chouchoutent pratiquement leur diaspora, celle-ci les aiderait même parfois à dépasser la concurrence internationale. 


En effet, parce qu’elle a vu ce qui se fait ailleurs, la diaspora africaine a la capacité d’innover et de les aider à éviter les erreurs qui minent les modèles qu’ils essayent d’importer. Elle peut mettre ensemble les différentes expériences pour concevoir un modèle de synthèse adapté à l’environnement géographique et culturel des pays africains.

Cependant, le plus grand bénéfice de la diaspora africaine est psychologique. 


Elle a développé à travers l’adversité de la vie en terre étrangère, la discipline, la rigueur, l’endurance, l’esprit d’excellence et d’initiative, tous facteurs indispensables au développement. 

Elle s’est en un mot appropriée le véritable esprit de développement évoqué dans un précédent article. Plus important encore, après s’être soustraits à la propagande entretenue en Afrique par le bombardement médiatique, les membres de la diaspora qui ont développé leurs habilités et leurs talents dans les écoles et dans les sociétés étrangères, peuvent par conséquent faire compétition sans complexe sur le plan international. 

Ils se sont débarrassés du faux complexe d’infériorité et gagné le combat du mental qui détermine la victoire finale.

Evidemment, la diaspora seule non plus ne peut changer les choses pour le mieux. 


Elle a besoin des professionnels opérant sur le terrain en Afrique. C’est pour cela qu’une savante symbiose entre la diaspora et professionnels opérant sur le terrain qui connaissent les véritables problèmes, les mentalités et les solutions déjà essayées est la véritable solution au développement.

Il y a des membres de la diaspora qui sont rentrés et qui non seulement n’ont imprimé aucun changement significatif mais sont devenus une partie du problème, me diriez-vous avec raison. 


Le retour de ces individus n’a pas amélioré la situation parce qu’il s’est fait de façon dispersée et individuelle dans un environnement qui n’était pas préparé à les recevoir. 

Et en termes d’intégration de la diaspora, nous ne faisons évidemment pas allusion à une stratégie ayant pour but de faciliter leurs investissements au pays et le retour de quelques individus.

Pour que le retour des immigrants change les choses pour le mieux, il faudrait que ceux qui reviennent soient intégrés dans la machine de l’Etat et dans la société, en nombre suffisant pour imprimer une nouvelle dynamique et insuffler une vie nouvelle au système. 


Dans le processus, ils transféreront de façon naturelle leurs connaissances et leur expérience à leur entourage et recevrons de celui-ci en retour, la perspective et le savoir qui leur manque.

Encore faut-il que les membres de la diaspora veuillent rentrer. Les propositions salariales ponctuelles et l’esprit patriotique qui les anime ne suffisent pas toujours pour pousser des professionnels à abandonner la stabilité de leur vie à l’étranger pour une aventure dans un milieu aux règles de jeu pas tres bien définies. 


La double-nationalité qui permet la libre circulation des compétences et la préservation de leurs acquis dans le pays d’accueil pourrait alléger ces peurs légitimes. 

Mais il faudra faire plus que cela : Les Etats africains doivent présenter de façon convaincante à leur diaspora, une vision nationale bien cohérente à laquelle elle adhère. C’est cette vision qui rallumera la flamme patriotique, capturera leur cœur et les rendra enclins à prendre le risque.

Evidemment cela n’est possible que s’il y a une véritable volonté politique de changement. Ceux qui voient en la diaspora une menace pour leurs postes et la conservation de leur pouvoir font une analyse de courte vue. D’abord parce qu’ils vont perdre leurs positions d’autorité par la force du temps. 


Mais ensuite ils courent le risque d’être dévorés par le monstre qu’ils auront contribué à nourrir lorsqu’ils se seront retirés des affaires. 

A l’inverse, s’ils mettaient sur pied un système social juste, équitable et transparent ayant des règles de jeu bien définies et seul capable de réellement garantir la préservation de leurs acquis, ils se mettraient à l’abri de beaucoup de désagréments. Et il n’est pas tard pour le faire.
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Dr. Kleber Mbenoun

Le Sphinx Hebdo
@2014 Cameroonvoice

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