mardi 14 janvier 2014

RDC : L'opération de l’assainissement de Kinshasa a virée au drame

14/01/2014 

 

Police - Jean de Dieu OLEKO, Inspecteur général de la Police nationale congolaise de la RDC

Des agents de l’ordre ont délogé, jeudi 09 janvier 2014, des marchands pirates du marché Koweït, dans la commune de Kasa-Vubu. Ce, dans le cadre du lancement d’une vaste opération de salubrité publique. Laquelle implique aussi la destruction "des marchés pirates" érigés le long des grandes artères de la ville. 


Présentée comme une opération "pédagogique", cette initiative a viré au drame. 

Ces échauffourées ont éclaté les mercredi et jeudi derniers au niveau de « Koweit », entre des commerçants infortunés et les hommes en uniforme. 

Des heurts ont eu lieu le long de l’avenue Kasa-Vubu, principalement au croisement des avenues Busu-melo, Irebu et Sport. Après "la chasse aux sorcières" menée la veille par des agents commis à cette opération d’assainissement, les marchands de " Koweit " ont assisté, hier matin, à la démolition de leurs étals et autres meubles ainsi que des articles commerciaux -pourtant gardés à l’intérieur des parcelles proches. Récit.

Lancée il y a peu, l’opération qui vise à supprimer les garages et marchés "pirates " s’inscrit dans le cadre des travaux d’embellissement de la ville de Kinshasa. Cela pour déloger des lieux non officiels afin, soit d’effectuer des opérations de voiries, soit d’implanter des espaces verts aux endroits occupés anarchiquement par des commerçants.

La police ville de Kinshasa a affirmé même que "la première phase sera pédagogique" et que "les garagistes et marchands pirates seront invités à se regrouper et à entreposer les véhicules et marchandises dans des lieux réservés à ces activités". Pourtant, la réalité sur terrain est souvent différente.

Les agents commis à l’exécution de cette tâche "n’y sont pas allés de main morte au marché " Koweit " à Kasa-Vubu ", estiment les négociants de ce site. Ils saccageaient, ravageaient et terrorisaient les marchands de ce lieu de négoce. 


L’on dénombre même d’énormes pertes en articles comestibles. Car, " personne n’a vu venir le convoi des patrouilleurs ", regrette Michée, réparateur de téléphones, rencontré sur place. 

DES TIRS EN L’AIR

Face à cette " brutalité ", certains commerçants et "maman manœuvres " ont entonné des chansons pour exprimer leur mécontentement. Ils chantaient en chœur " lokuta monene, lokuta monene… ", traduisez " plus grand mensonge… ".

D’autres par contre, tentaient de repousser ces policiers, du reste plus que jamais déterminés. Un jet de projectiles a ensuite contraint les agents de l’ordre à tirer en l’air pour disperser, en vain, ces commerçants furieux.

La panique était au rendez-vous. La circulation routière a même été interrompue momentanément suite aux agitations sur la chaussée. Des coups de balles tirés en l’air n’ont pas empêché ces négociants de repousser le groupe de policiers. "Nous souhaitons, comme tout le monde, l’assainissement de la ville. Mais pas des méthodes brutales", disaient-ils.

Yannick Felo. [nom d’emprunt] habitant l’avenue Irebu, explique. 


" J’ai entendu des coups de balles et des gens qui criaient. De loin j’ai vu plusieurs policiers entrain de renverser et saccager des sacs de farine, de riz et d’autres produits alimentaires, d’autres étaient en train de les piétiner…. De loin, j’ai vu une femme, en âge avancé, qui s’accrochait à une table en bois, tandis qu’un policier la bousculait violemment. Ce, sous le regard indifférent de leur commandant ". 

INCINERATION

Après cette résistance des négociants, un calme relatif a été installé car, pour éviter des victimes, ces policiers ont résolu de rebrousser chemin. Vive acclamation côté des vendeurs qui tentaient même de se repositionner. Très vite, la nuit est tombée et le marché a fermé.

Très tôt le matin d’hier jeudi, le cortège de policiers est revenu. Cette fois-ci accompagné des " robots ". Ratissage ! Les agents de l’ordre ont décidé de déloger par force ce marché " pirate".

" Ils entraient de force dans des parcelles environnantes, prenaient tous les étals et meubles en bois trouvés -sensés appartenir à ces marchands- et le rassemblaient sur le trottoir de l’avenue Kasa-Vubu, avant de les brûler. Ce fut ainsi devant les trois avenues sus évoquées".

A 8h00 du matin, ces commerçants, habitant pour la majorité, des communes voisines, ont simplement constaté les dégâts. Un énorme brasier allumé à l’essence. Emotion ! 


Pleurs pour certains et consternation pour d’autres ! Aucun policier sur le lieu ; rien que le feu et la cendre. Il en sera ainsi jusqu’à la mi-journée.

Et Yannick Felo d’ajouter : "Je connais bien certains de ces vendeurs. Ils se disent déjà harcelés par des personnes qui disent relever de services communaux et leur font payer des taxes pour les laisser exercer leur commerce. Il y avait, de fait, une certaine tolérance à leur égard. Certains exercent depuis une dizaine d’années sans être embêtés."

" Pour moi, poursuit-il, on ne peut pas prétendre vouloir créer une ville propre en utilisant des méthodes qui ne le sont pas. Je suis persuadé qu’il y avait d’autres méthodes pour régler ce problème ".

Par ailleurs, c’est depuis 2010 que des opérations d’assainissement visent régulièrement les marchés pirates de Kinshasa. Elles s’intensifient généralement à l’approche des événements internationaux organisés dans la capitale ou de grandes fêtes. 


Déjà, à l’époque, plusieurs organismes locaux s’interrogeaient sur les "méthodes violentes " employées et sur l’efficacité de ces opérations.
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[Ghetti FELO] 

© KongoTimes

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