dimanche 23 février 2014

Bukavu : la « caravane de la paix » tourne à l’affrontement

22 fév 2014

La police congolaise a violemment dispersé le rassemblement organisé jeudi par Vital Kamerhe. 47 personnes ont été blessés et l’opposant dénonce même une « tentative d’assassinat« . 


Bukavu, place de l’Indépendance le 20 février 2014 © @obamaslaw

Scènes d’émeutes jeudi 20 février à Bukavu pour l’arrivée de l’opposant Vital Kamerhe dans sa ville natale. 

De violents incidents ont en effet émaillé la venue de la « caravane de la paix« , brutalement dispersée par la police en fin de journée. Un premier bilan fait état de 47 blessés, alors que le parti d’opposition affirme que 2 personnes auraient été tué. Comme souvent au Congo, les versions divergent sur la chronologie des événements.

Meeting interdit

Les scènes d’émeutes les plus violentes se sont produites aux abords de la place de l’Indépendance de Bukavu. 

L’UNC affirmait pourtant avoir eu toutes les autorisations préalables pour organiser leur meeting. Mais la veille, sur l’antenne de la télévision nationale (RTNC), le maire de ville annonçait la « délocalisation » de la manifestation au stade de la Concorde et l’interdiction de se rendre place de l’Indépendance. 

La foule venue accueillir « l’enfant du pays » a tout de même convergé vers le centre-ville, l’UNC affirmant que le stade de Bukavu était « trop petit » pour accueillir tous les supporters de Vital Kamerhe. 

« Ce qui est incroyable« , explique-t-on à l’UNC, « c’est qu’avant d’entamer la caravane de la paix nous avions eu l’assurance du ministre de l’intérieur que tout se passerait bien« .

Un garde du corps agressé

Vers 17h, le cortège de l’opposant se heurte rapidement à la police sur les accès menant à la place de l’Indépendance. Les images tournées par les téléphones portables montrent la police congolaise tirant des gaz lacrymogènes et chargeant la foule. 

Après deux heures d’échauffourées, le calme revient dans la soirée à Bukavu, mais le bilan est sévère : 47 blessés. L’UNC affirme que 2 personnes auraient trouvé la mort. 

Le parti de Vital Kamerhe dénonce également la « tentative d’assassinat » de son leader pendant les affrontements. Selon l’UNC, un des gardes du corps de Vital Kamerhe, Thierry Tshashi, aurait reçu deux coups de couteau sur la tête alors qu’il tentait de protéger son patron. 

« Visiblement mon agresseur cherchait à atteindre notre président » explique-t-il après l’agression.

Le gouvernement accuse l’UNC

Les réactions ont été nombreuses à la suite des incidents de Bukavu. Du côté de l’UNC, on estime que le gouverneur du Sud-Kivu, Marcellin Cishambo, est le principal responsable des affrontements : « à Goma, Beni ou Nyragongo, nos rassemblements se sont tous déroulés dans le calme et sans violence. Marcellin a voulu faire plaisir à Kabila« . 

L’UNC exige d’ailleurs une enquête sur ces événements. Côté gouvernemental, Lambert Mende accuse l’UNC d’avoir délibérément provoqué les incidents. 

« Kamerhe a ordonné à sa milice de s’en prendre à la police« , explique Lambert Mende, « la réaction de la police a été tout à fait réglementaire. La police n’était pas équipée d’armes létales sur toute la vile de Bukavu et il n’y a aucun mort. » 

Quant au représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en RDC, Martin Kobler, il se déclare vivement préoccupé par les violences d’hier à Bukavu et tient « à rappeler la responsabilité partagée des acteurs politiques et des autorités administratives et sécuritaires. »

L’épreuve de force est engagée

La « caravane de la paix » s’arrêtera-t-elle à Bukavu ? Pour le moment, l’équipe de Vital Kamerhe réfléchit à différentes options. « Le régime cherche à nous entraîner dans la violence et nous ne voulons pas être taxés d’irresponsables« , précise-t-on dans l’entourage du patron de l’UNC. 

En entamant sa « caravane de la paix« , Vital Kamerhe avait plusieurs objectifs en tête : se replacer au centre du débat politique, se positionner en leader de l’opposition et prouver sa forte popularité à l’Est. 

Sur ces différents points, la « caravane de la paix » a rempli sa mission, fortement aidée par le régime qui a tout fait pour empêcher Vital Kamerhe de quitter Kinshasa avec un maximum de publicité (voir notre article : « Kamerhe, nouvelle bête noire du régime »). 

En l’espace d’une semaine, le régime de Joseph Kabila a transformé le leader de l’UNC en « super opposant« . Après avoir focalisé l’attention des médias sur lui et démontrer une certaine popularité à l’Est, Vital Kamerhe pourrait être tenté de dupliquer le même scénario dans d’autres provinces réputées « difficiles« , comme l’Equateur, le Bas-Congo ou le Bandundu. 

Le bras de fer entre Kamerhe et Kabila ne fait donc que commencer.
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Christophe RIGAUD 
AFRIKARABIA

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