vendredi 21 mars 2014

L’Armée - Base de Kitona : Silence...on forme


Le ministre congolais de la Defense nationale Alexandre Luba Ntambo lors d’une "visite d’inspection" au Nord Kivu. Photo d’archives

Deux mille recrues, deux-cent-cinquante neuf sous-officiers et quarante-six officiers de l’armée congolaise (FARDC), toutes armes confondues, viennent d’achever leur "formation militaire" à la Base militaire de Kitona, au Bas Congo. 

Une base qui serait commandée par l’ex-MLC Mustapha Mukiza. Un "Munyamulenge". 

La date de recrutement de ces militaires relève du mystère. Il en est de même du "dosage" au niveau régional. 

Depuis la "libération" du 17 mai 1997 et surtout l’avènement de "Joseph Kabila" à la tête du pays, les questions militaires sont gérées dans une opacité totale. Elles échappent à tout contrôle démocratique. 

Le principe de la "représentativité nationale" dans les recrutements est battu en brèche par des critères régionalo-linguistiques. C’est à croire que le souci de sécurité nationale est devenu l’apanage de certains citoyens du pays. 

Le ministre de la Défense n’administre ce secteur national que sur papier. 

Et dire que l’article 91 de la Constitution énonce notamment que "le gouvernement dispose de l’administration publique, des Forces armées, de la police nationale et des services de sécurité".

La cérémonie de clôture de cette étrange "session de formation" s’est déroulée le samedi 15 mars en présence du très indolent ministre de la Défense et des anciens combattants, Alexandre Luba Ntambo. 

Dans un speech d’une platitude affligeante, ce dernier a déclaré que cette manifestation constitue "la concrétisation du plan de la réforme des FARDC" décidé par... le président de la République.

Pour lui, l’achèvement de cette formation ouvre la voie à l’intégration de ces nouveaux éléments dans l’armée. Et d’ajouter que la formation des sous-officiers "offre à la nation des éléments en mesure d’encadrer la troupe de manière correcte et de la mener au combat jusqu’à la victoire". 

S’agissant des officiers sortis de cette "formation de haut niveau" à l’école d’application d’Infanterie, le ministre Luba d’indiquer que "ces derniers sauront mettre en pratique toutes les notions militaires acquises à l’académie militaire".

Dans l’Accord-cadre signé le 24 février 2013 à Addis-Abeba par onze Etats africains - dont le Burundi, le Congo démocratique, l’Ouganda, le Rwanda -, il est "recommandé" aux gouvernants congolais notamment de "continuer et d’approfondir la réforme des services de sécurité, en particulier l’armée et la police".

N’en déplaise aux zélateurs de la Kabilie, la réforme dont il est question ici ne se résume nullement "à la formation", à "l’entraînement continu du personnel" ainsi qu’à la "gestion rationnelle" des troupes, comme le ministre l’a laissé entendre à Kitona. Bien au contraire. 

Il s’agit de doter le Congo-Kinshasa d’une armée véritablement républicaine. La république est par définition une affaire de tous. 

C’est-à-dire une armée régie par des règles et vouée à la défense du territoire national. Une armée soumise au contrôle démocratique. Il en est de même de la police nationale. 

Celle-ci doit cesser d’être instrumentalisée par le président de la République pour se consacrer à ses missions de maintien de la paix civile.

Le ministre de la Défense se veut malgré tout optimiste. 

Selon lui, en dépit de ce qui reste à faire, on assiste "lentement mais sûrement" à la réalisation "d’un outil de défense moderne, républicain, dissuasif et capable de remplir toutes les missions constitutionnelles dévolues à l’armée". 

Il a salué le "soutien" qui a été apporté au Congo-Kinshasa par des "pays amis" (l’Angola et la France), et des organismes internationaux. C’est le cas notamment la Mission de l’Eusec (Mission du Conseil d’assistance de l’Union européenne en matière de Sécurité).

Pour mémoire, c’est par un décret signé le 5 août 1888 par le roi Léopold II qu’a été institué la "Force publique congolaise". 

Selon des historiens, c’est dès le lendemain de la Conférence de Berlin que des agents du souverain belge commençaient à recruter des soldats congolais. 

Le mot d’ordre était de donner priorité aux individus issus des "tribus les plus guerrières et les plus agressives". Le "dosage" des principales ethnies et régions était de rigueur.

Dans son ouvrage "J’étais le général Janssens", Emile Janssens, le dernier commandant en chef de la Force publique, écrivait notamment : "(...) : les races y étaient rigoureusement mélangées, ce qui permettait d’employer n’importe quelle unité en n’importe quelle région du Congo et donnait à cette armée le caractère d’une armée vraie force nationale. (...)". 

Au 1er mai 1960, la Force publique comprenait 23.900 soldats et "gradés" congolais et environ 1.100 officiers et sous-officiers belges. Notons que jusqu’en 1959, les Congolais ne dépassaient guère le grade de 1er sergent-major.

Que dire de l’armée congolaise dans sa configuration actuelle? 

Les "libérateurs" du 17 mai 1997 avaient reproché au président Mobutu Sese Seko, à raison d’ailleurs, d’avoir détruit l’armée nationale en y injectant le "virus" du tribalisme et du régionalisme. Laurent-Désiré Kabila et son successeur "Joseph" ont fait pire. 

L’armée et la police sont devenues la "chose" des ressortissants d’une seule province alors que le pays en compte onze. Peut-on franchement parler de cohésion nationale? 

Plus grave, depuis l’arrivée au pouvoir de "Joseph Kabila", l’armée congolaise est devenue une sorte de "ratatouille". Par le jeu de "brassages" et autres "mixages", l’armée est noyautée par des individus à la loyauté douteuse, n’ayant aucune attache psychologique avec la nation congolaise.

On espère que le ministre de la Défense aura à cœur de divulguer non seulement les identités mais aussi la répartition par province des militaires "reçus" à Kitona. 

Histoire de rassurer l’opinion que le principe de "représentativité nationale" (article 90-3 de la Constitution) a été scrupuleusement observé. Qui peut le plus, peut le moins... 
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B.A.W
© Congoindépendant

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