dimanche 6 avril 2014

Rwanda: Paul Kagame sur tous les fronts

le 06-04-2014


Le président rwandais Paul Kagame
© AFP/Thomas Samson

La France sera représentée ce lundi à Kigali aux commémorations marquant le 20e anniversaire du génocide rwandais, par son ambassadeur Michel Flesch.

Samedi, Paris avait annoncé l'annulation de la présence dans la capitale rwandaise de sa ministre de la Justice, Christiane Taubira, après les propos du président Paul Kagame accusant Paris d'avoir «participé» au génocide de 1994 qui a fait 800 000 morts.

En accusant la France « d’avoir participé à l’exécution même du génocide » de 1994, le président rwandais engage un nouveau bras de fer avec la France.

Dans sa dernière interview à Jeune Afrique, Paul Kagame minimise aussi la portée de la condamnation, en mars dernier, de Pascal Simbikangwa à 25 ans de prison – le premier jugement en France d’un génocidaire rwandais.

« On nous présente cette sentence comme un geste, presque comme une faveur de la France à l’égard du Rwanda, alors que c’est le rôle de la France dans le génocide qu’il conviendrait d’examiner », dit-il.

Le chef de l’Etat rwandais montre ainsi que son aimable tête-à-tête du 2 avril à Bruxelles avec son homologue français François Hollande n’était qu’une parenthèse.

Visiblement, il attend toujours des excuses officielles de la part de la France pour son rôle présumé dans les tragiques événements de 1994. Et s’il ne les obtient pas, ses relations avec Paris risquent de rester longtemps en dents de scie.

Le Rwanda peut-il croiser le fer avec la France en s’appuyant sur d’autres alliés ? C’est toute la question. Dans son voisinage proche, le régime rwandais nourrit une très forte méfiance à l’égard de la Monusco, la force de l’ONU déployée en RDC.

Après la défaite infligée l’an dernier par la brigade spéciale d’intervention de la Monusco aux rebelles pro-rwandais du M23, Paul Kagame n’hésite pas à soupçonner cette brigade – composée de soldats de Tanzanie, du Malawi et d’Afrique du Sud – de « vouloir défendre » les milices hutues des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda).

Comme la Tanzanie souhaite que le régime rwandais dialogue avec ses opposants, y compris avec les FDLR, les relations Kagamé-Kikwete sont notoirement mauvaises. En revanche, le Rwanda entretient de bonnes et solides relations avec l’Ouganda et le Kenya.

L'ami américain

Avec l’Afrique du Sud, les rapports se sont subitement détériorés après l’assassinat, le 31 décembre dernier à Johannesburg, du colonel Patrick Karegeya, un opposant rwandais en exil.

En mars, l’attaque, toujours à Johannesburg, du domicile d’un autre opposant rwandais, l’ancien chef d’état-major Faustin Kayumba Nyamaswa, n’a rien arrangé.

Le Rwanda affirme qu’il n’a rien à voir avec ces deux agressions, mais l’Afrique du Sud vient d’expulser quatre diplomates rwandais, ce qui a provoqué en représailles l’expulsion par Kigali de six diplomates sud-africains.

Jusqu’où ira le coup de froid entre les deux pays ? Paul Kagame ne semble pas s’alarmer outre mesure. « Il n’y a aucun élément qui relie ces faits à l’Etat rwandais ».

Face au géant de l’Afrique, il n’a aucun complexe. « Les autorités sud-africaines ont parlé de preuves : où sont-elles ? », lance le chef de l’Etat rwandais dans Jeune Afrique.

En fait, depuis son arrivée au pouvoir il y a vingt ans, le FPR (Front patriotique rwandais) de Paul Kagame s’appuie avant tout sur les Etats-Unis.

Mais les deux meilleures alliées de Kigali au sein du Parti démocrate au pouvoir à Washington, Hillary Clinton et Susan Rice, ne sont plus aussi influentes qu’auparavant.

A la suite d’un rapport de l’ONU sur le soutien du Rwanda aux rebelles du M23, la Maison-Blanche s’est montrée très irritée.

Après l’assassinat de Patrick Karegeya, le département d’Etat américain s’est déclaré « troublé par une succession de meurtres d’exilés rwandais qui semblent avoir une motivation politique ».

Est-ce le signe d’une prise de distance de la part de Barack Obama ?

Paul Kagame veut croire que non.

« Il n’ya pas de problème réel entre nous », dit-il. Mais s’il fait modifier la Constitution de son pays afin de pouvoir se représenter en 2017, il se doute que ses relations avec « l’ami américain » en souffriront.
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Christophe Boisbouvier

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