lundi 21 avril 2014

Une élection dans un fauteuil

samedi 19 avril 2014

Le printemps arabe ne connait pas l’Algérie, où un président plus mort que vif, vient de se faire réélire dans un fauteuil… puisque c’est en fauteuil roulant que le candidat s’était rendu dans un bureau de vote pour déposer son bulletin dans une urne, qui sera peut-être bourrée un peu plus tard, s’il faut en croire son principal opposant, Ali Benflis qui dénonçait les risques de fraude. 




L’histoire est un perpétuel recommencement, puisque Bouteflika avait été élu en 1999 avec 73,8% des voix, puis avec 84,99 % en 2004, et finalement avait obtenu 90,24% des voix en 2009.

Il vient d’obtenir 81,53% des voix, soit moins de 9 millions de voix. 


Pour 22 millions d’électeurs, seule la moitié aurait voté.

Pourtant, lors d’une visite protocolaire, John Kerry avait constaté de ses propres yeux l’incapacité physique et mentale d’Abdelaziz Bouteflika. lien

Mais qui est Bouteflika ?

Ce marocain, né à Oujda, le 2 mars 1937, avait rejoint l’armée de libération nationale algérienne après avoir achevé ses études, puis s’était engagé en politique devenant ministre de la Jeunesse et du tourisme du gouvernement Ben Bella, puis ministre des affaires étrangères, et enfin nommé conseiller du nouveau président Chadli Bendjedid, jusqu’en 1980 ;

Accusé de détournement de fond, 60 millions de francs à l’époque, à la fin des années 70, traduit devant le conseil de discipline du FLN (Front de libération nationale) et poursuivi par la cour des comptes, il quittera pour un temps la vie politique avant de revenir en 1999. lien

Hichem Aboud, ex officier des services secrets algériens, dans un livre à paraitre, « l’Algérie des Bouteflika, vol, vice et corruption » décrit dans le détail la corruption, et pas seulement, liée aux personnages qui sont aux destinées de l’Algérie, s’attardant sur Saïd, le frère du président, évoquant des détournement de fond liés à de grands travaux routiers, l’autoroute est-ouest (qui a couté 3 fois plus que prévu) estimant la fortune des Bouteflika à plus de 9 milliards de francs suisses. lien

Il est menacé aujourd’hui d’atteinte à l’unité nationale, à la stabilité, et au bon fonctionnement de l’institution. lien

Le politologue Mohamed Hachmaoui est intarissable sur la corruption algérienne. lien

Démarche courageuse si l’on veut bien se souvenir que le chanteur Cheb Faycal a été trainé devant les tribunaux pour avoir mis en cause la DGSN et son directeur général, le général Abdekghani Hamel, dans une chanson : « mama mia ». lien

Il a écopé de 6 mois de prison avec sursis, et 100 000 dinars d’amende pour avoir critiqué la police. lien

Un autre chanteur de rai, Cheb Azzedine avait été condamné en 2005 à un an de prison ferme pour s’être moqué du préfet et du procureur de la république dans une chanson. lien

Mais revenons à « l’élection ».

Au-delà de cette mascarade pitoyable, voulue par un quarteron de militaires, une poignée de corrupteurs, souvent de la famille du candidat, et des milliers de corrompus, arrosés par la manne pétrolière, qui a préféré laisser au pouvoir un homme atteint d’une AVC, privé quasiment de parole, mais pas de voix, puisque 8,9 millions d’électeurs lui ont donné la leur, essayons de comprendre comment on en est arrivés là. 


Toutes les tentatives de faire vivre une réelle démocratie, et surtout de mettre un terme à la corruption, ont jusque là échoué en Algérie.

Chaque début de contestation a été soit réprimée par la force, (lien) soit en arrosant copieusement tout velléitaire grâce à la manne générée par le gaz algérien.

Les manifestants, appelés par les représentants du pouvoir en place des « perturbateurs », sont accusés d’avoir « dépassé les lignes rouges de la correction, en passant graduellement de la nuisance sonore aux manœuvres d’intrusion, jusqu’au recours à des actes de violence physique (…) ont été identifiés (…) auront à répondre de leurs actes, comme il sied, devant la justice ». lien

A Bouira, des émeutes ont eu lieu le jour de l’élection, faisant de nombreux blessés. vidéo

Je suis en contact régulier avec Kaddour Houari, président de la LADDH CHLEF (ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme), et le 13 avril, il m’a fait parvenir un communiqué de presse, dénonçant la perquisition arbitraire dans les locaux de la chaine Al-Atlas TV privée, ajoutant que cette perquisition constituait une atteinte grave à la liberté de l’information.

Cette chaine qui tente de rester libre, pléonasme à l’envers, était connue pour sa couverture non-stop des manifestations organisées par le mouvement « Barakat », lequel s’était mobilisé contre le président sortant.

Quant aux autres contestataires, ils sont purement et simplement achetés.

75 millions d’euros, soit 10 fois plus que ce qui était autorisé, auraient été dispersés sous forme de cadeaux divers, tee-shirt, gadgets divers, afin de convaincre le petit peuple de voter pour Abdelaziz Bouteflika.

Outrepassant les règles électorales, les médias à la botte du pouvoir ont continué à faire de la propagande, sur le câble, sur internet, jusqu’au dernier moment. lien

Quant à ceux qui hésitaient, on leur a longuement expliqué qu’il fallait mieux voter pour « la continuité » et donc la sécurité, afin de ne pas subir le sort des Egyptiens, des Libyens, ou pire, des Syriens, puisque la stratégie de la campagne du candidat sortant était sur le thème de « moi ou le chaos ». lien

Les jeunes ont clairement indiqué qu’ils n’iraient pas voter. vidéo

Quant aux autres, ils sont restés chez eux, n’acceptant pas cette situation et s’abstenant pour montrer leur colère, provoquant une abstention record puisque le taux de participation a dépassé tout juste les 50%, (lien) mais Mohcine Belabbas, le président du RDC, affirme que les chiffres auraient été gonflés par le ministère de l’intérieur. lien

Dans la capitale algérienne, le taux de participation n’a pas atteint 38%. lien

Selon maître Allal, directeur de campagne et représentant du candidat Ali Benflis, des ordres avaient été donnés pour le bourrage des urnes, ce qu’a démenti la commission de surveillance aux ordres du pouvoir. lien

Sur les réseaux sociaux, ils ont tout de même été nombreux à dire NON à un 4ème mandat de Bouteflika, en vain... lien

Mais que dire de la visite de notre président français les 19 et 20 décembre 2012 au président algérien ?

A l’ordre du jour, la coopération, avec l’ambition de construire « un partenariat d’exception » avec la France…il n’a apparemment pas été question de l’énorme dette que l’Algérie devrait à la France et qui se monterait à 600 millions d’euros, dont 34 pour la sécurité sociale (lien) ce que démentait récemment l’Algérie par la voie du porte parole du ministère des affaires étrangères, Amar Belani. lien

En attendant 13 contrats ont été signés entre les deux pays en décembre 2013. lien

Un hommage à la fin de la France-Afrique ?

Comme dit mon vieil ami africain : « il vaut mieux changer de livre que tourner la page ».

L’image illustrant l’article vient « bizhumour.over-blog.com »

Merci aux internautes de leur aide précieuse.
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Olivier Cabanel


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