mardi 26 août 2014

RDC : Le Mal Congolais

26/08/2014

 
Aubin MINAKU, Joseph KABILA et Léon KENGO WA DONDO

« Tous dans un même sac, politiciens de l’opposition et du pouvoir », disait mon ami Norbert X Mbu Mputu. 

« Ils brillent par une incompétence et ignorent qu’ils sont simplement non-préparés à leur tâche d’administrateurs publics ».

« Et, pire, ils croient que le commun des mortels a yeux et oreilles dans les poches. Pire, contrairement à certains pays où les +politiques+ invitent spécialistes et experts pour les évaluer et les mettre à jour, au Congo de Lumumba, ils s’embrouillent souvent dans une arrogance qui ne dit pas son nom. Alors, les crises qui se perpétuent », ajoutait-il.

L’opposition à Mobutu était une mascarade

Venons à un fait. Un matin de 1991 dans la parcelle du feu M. Joseph Iléo Songo Amba, un groupe de jeunes de l’USOR(1) dont je faisais partie a eu un débat chaud avec lui sur l’administration de l’organisation.

Nous savions alors que rencontrer Abdoulaye Wade dans les démarches qui ont abouti aux Accords du Palais de Marbre II (2) n’étaient que prolonger le régime de Mobutu. Il devenait de plus en plus évident pour nous que l’opposition à Mobutu était une mascarade de la part de certains leaders de l’opposition et une action sans efficacité voulue de la part des autres.

Déçu, j’avais alors décidé de stopper de fréquenter les corridors de l’opposition politique.

Tous ceux qui ont vécu ces années 1990-1992 de l’Union sacrée de l’opposition vous diront que, pour une plate-forme qui avait pour mission d’accoucher de la démocratie au Zaïre, l’organisation ne connaissait aucune démocratie dans son sein.

Malgré quelques succès remportés pour défaire la République du régime autoritaire de M. Mobutu Sese Seko, beaucoup de gaffes pourtant prévisibles ont été commises. Celles-ci nous ont finalement éloignés de la conquête définitive et durable du pouvoir et ont occasionné la survenue de l’AFDL, puis du régime actuel de M. joseph Kabila.

Ainsi, depuis le 30 juin 1960, le Congo-Kinshasa connaît une instabilité constante des institutions politiques du pays. 

Les « reformes », les « révolutions », les guerres de « libération », les gouvernements de « salut public » ont tous failli au devoir du vrai salut du peuple et de la vraie libération face aux affres, aux misères et à la désolation liées à la pauvreté, l’insécurité et à la maladie.

Malgré quelques ébauches de démocratie, la vie politique est dominée par les gouvernements d’ordre révolutionnaire établis par la violence et la force des armes. 

Loin d’appartenir au peuple, la souveraineté est encore détenue par ceux qui ont ainsi su s’emparer du pouvoir et leur émanation.

Les guerres, les mutineries, les émeutes, les coups d’Etat, les tentatives de coup d’Etat, les régimes d’exception sont demeurés les faits de la vie nationale.

Les aspirations des masses sont dissoutes dans la propension des dirigeants au pouvoir de perpétuer leurs régimes. Les valeurs de démocratie, de liberté, de prospérité et de paix pour tous demeurent des chimères.

La fragilité de l’Etat a aussi pour conséquence la prolifération des groupes armés sur le territoire national face à l’apathie presque totale des forces armées du pays pourtant soutenues par les armées étrangères. 

Les sacrifices des braves combattants des FARDC semblent demeurer de vains efforts pour assurer cette paix.

Déclin de l’économie

Le déclin de l’économie et le peu de légitimité des institutions de l’Etat, les atteintes répétées aux droits de l’homme avec la prépondérance de la justice militaire sont caractéristiques du pays.

Le pays, qui en 1960 était la deuxième puissance économique et industrielle de l’Afrique, est aujourd’hui dans les derniers rangs de tous les palmarès réputés de performance socio-économique des pays du monde.

La République démocratique du Congo est le 186ème sur 187 du Rapport 2014 du Développement humain du Programme de développement des Nations Unies (UNDP).

Le pays est avant-dernier juste devant la Somalie de l’indice Mo Ibrahim et du Failed States Index (Index des états déliquescents) de 2013. Les critères du Democracy Index le classe dans la foulée des régimes autoritaires. 

Malheureusement et peut-être par irresponsabilité, ce triste palmarès tranche encore nettement avec l’image affichée par les gouvernants du pays.

Les moments de déceptions dans l’Union sacrée ont créé en moi un soul-searching comme disent les anglophones dans un long « pèlerinage » à la recherche de ce que M. Nguz Karl I bond a dénommé « l’incarnation du Mal zaïrois ».

Ce pèlerinage m’a conduit à des visites d’inspiration dans plusieurs pays d’Afrique et du monde, au siège des Nations Unies à New York et au Département d’Etat Américain à Washington DC mais surtout aux ruines du fameux empire de Monomotapa au Zimbabwe.

Voir et toucher de mes mains la réalisation de nos ancêtres avant l’arrivée des « Blancs » a été un choc dans mon esprit et a constitué un moteur qui aujourd’hui encore me pousse à croire à un avenir radieux du Congo et de l’Afrique réalisable dans notre génération.

Et comme dirait le président Barack Obama «yes, we can ! ». La question pourtant demeure : pourquoi, l’Afrique en général, le Congo en particulier, est encore à la traine d’autres nations du monde sur le plan socio-économique du Monde ? 

C’est quoi vraiment le mal congolais ? 

En fait, où se trouve notre tare ?

Même Nguz n’a pas su répondre de façon intelligente à cette question dans son livre sur Mobutu. J’ai interrogé la science sur nos capacités intellectuelles en tant que Noirs. 

J’ai voulu savoir, comme jadis mon ami le professeur Willy MBoyo-di -Tamba Vangu, si la mélanine était « toxique » au cerveau et à la capacité des solutions aux problèmes.

Les diverses théories de la notion de sous-développement et sous-équipement de jadis - entre autres la colonisation, l’esclavagisme, le géographisme, le néocolonialisme - étaient devenues le lot de mes cogitations. 

Je me suis consacré élève autodidacte de la Société américaine d’anthropologie, qui a effectué des recherches sérieuses sur la question de la Race et de l’intelligence.
Apprendre l’Histoire du Congo-Kinshasa

J’ai fait plusieurs voyages à Bruxelles pour apprendre sur l’Histoire du Congo-Kinshasa depuis l’époque précoloniale dans les livres précieux dont regorge la Bibliothèque Royale de Belgique.

J’ai visité le musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren et les vrais villages africains(3). J’ai lu différentes sortes des livres et documents partant du fameux « A travers le Continent Mystérieux » de Stanley(4).

Après toute cette démarche et avec conviction, j’ai pu dire depuis quelques années : Eureka ! C’est une évidence, le « Mal congolais » est simplement une question de Leadership. 

Seule la reforme du leadership suffit pour transformer ce pays en un pays prospère. Comme le dit souvent Norbert X Mbu Mputu paraphrasant les phrases de Chinua Achebe, « il n’y a rien de mal avec le Congo ».

Dans son livre « The trouble with Nigeria», Chinua Achebe déclare ceci: « The trouble with Nigeria is simply and squarely a failure of leadership. There is nothing wrong with the Nigerian character. There is nothing wrong with the Nigerian land or water or air or anything else. The Nigerian problem is the unwillingness or inability of its leaders to rise to the responsibility, to the challenge of personal example which are the hallmarks of true leadership».

Ceci s’applique bien au cas de la RDC. Remplacer le mot Nigeria par Congo est traduit en français ce qu’on peut lire :

« Le trouble avec le Congo est simplement et directement un échec de leadership. Il n’y a fondamentalement rien de mal dans le caractère du Congolais. Il n’ya rien de mauvais avec le sol congolais ou l’eau ou l’air ou quelque chose d’autre. 

Le problème congolais (ou le « Mal congolais ») est le manque de volonté ou l’incapacité (incompétence sous entendue) de ses leaders de s’élever au niveau des responsabilités, des challenges, de l’exemple personnel qui sont les caractéristiques du vrai leadership ».

Nous faisons allusion ici au leadership de la base au sommet de l’Etat.

Le « Mal congolais », c’est l’incompétence et l’ignorance de ce fait dans le chef de la majorité des acteurs politiques. Le concept de compétence est communément défini comme « un pouvoir d’agir, de réussir et de progresser qui permet de réaliser adéquatement des tâches ou des activités de travail et qui se fonde sur un ensemble organisé de savoirs dont les connaissances, les habilités de divers domaines, les perceptions et les attitudes ».

Depuis 1965, loin de leurs capacités intellectuelles souvent évidentes, la compétence des acteurs politiques au pouvoir est entravée par les systèmes politiques plus enclins à la pérennisation des régimes de « l’homme fort » qu’au développement et à l’innovation technologique.

Le contrôle de l’appareil judiciaire, de l’armée, de la police, des services de sécurité et l’assujettissement de toutes les autres institutions de l’état à un seul homme, l’achat des consciences, la concussion, la manipulation des masses on été élevés au rang d’art d’administrer le pays.

Aujourd’hui, les efforts doivent être renforcés pour amener les changements démocratiques dans la République démocratique du Congo.

Il est vrai que la démocratie n’est pas synonyme de développement socio-économique comme rendu évident notamment par la Chine et l’Angola. Elle est au moins la seule garantie de la redevabilité des pouvoirs publics, de la liberté des citoyens et un facteur de la stabilité plus durable des institutions.

La redevabilité est facteur de promotion de la compétence des acteurs politiques du Pouvoir et de l’Opposition ; les premiers pour une administration efficiente du pays et les derniers pour une opposition plus mature et effective.

Références
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(1) Union Sacrée de l’Opposition Radicale.

(2) Les Accords de palais de marbre I et II eurent lieu après le pillage du Septembre 1991 entre le camp de Mobutu et l’USOR. Aux termes de ces accords, le poste de Premier Ministre fut revenu à Tshisekedi (I) puis Nguz Karl- I –Bond (II).

(3) Ce musée jadis appelé Musée du Congo a vu beaucoup de congolais mourir dans ses enceintes dans des reconstructions artificielles des villages africains.

(4) A travers le continent mystérieux, découverte des sources méridionales du Nil, circumnavigation du lac Victoria et du lac Tanganyika, descente du fleuve Livingstone ou Congo jusqu'à l’Atlantique, henry Morton Stanley, 1879. Ce livre est gratuitement disponible sur internet. 
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© KongoTimes

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