samedi 13 septembre 2014

Congo -Brazzaville... Elie Smith : "Mes agresseurs étaient au téléphone avec quelqu'un"

1/09/2014

 
Elie Smith tel qu'il se présente sur son compte Twitter. © DR

Elie Smith, le journaliste camerounais de la télévision congolaise MNTV, dont il est directeur des études et de la planification, a été victime d’une violente agression dans la nuit du 9 au 10 septembre à son domicile de Brazzaville. Encore sous le choc, il raconte.

Jeune Afrique : que s’est-il passé au cours de cette nuit là ?

Elie Smith : Tout s’est passé entre 1h30 et 2h du matin. Je venais de participer à l'émission "Sans Détour" de la DRTV (chaîne de télévision privée, NDLR). Puis, à minuit, je suis allé recharger mon téléphone portable à MNTV parce qu’il y avait une coupure de courant dans mon quartier depuis quatre jours. J’ai fini vers 1h15, en passant par le rond-point de la coupole, il y avait une barrière de contrôle de police devant le commissariat. J’ai brièvement échangé des politesses avec quelques policiers. Plus loin, j’ai remarqué un taxi qui roulait vite et qui me suivait. Arrivé chez moi, dans ma chambre, j’ai entendu une violente altercation entre mon gardien et des individus. Ces derniers gueulaient : "On veut voir ton patron, on veut voir ton patron !". Je suis alors sorti pour voir ce qui se passait.

Quatre individus en civil, lourdement armés avec des fusils d’assaut de type kalachnikov, avec plusieurs chargeurs de rechange, des rangers aux pieds, menaçants, me lancent : "On veut te voir M. le journaliste !" Je me suis présenté et ils m’ont dit : "On va te tuer". J’ai leur ai demandé pourquoi et ils m’ont dit de leur donner de l’argent. J’ai cru à une blague et j’ai répondu que je n’avais pas d’argent, que s'ils voulaient me tuer, qu'ils le fassent. Un des quatre a répondu : "On ne te tue pas, allons dans ta chambre". L’un d’eux m’a demandé de lui montrer ma main, j’ai cru qu’ils allaient me couper les doigts. Ils m’ont enlevé mon alliance, ont pris ma montre et mes chaussures qu’ils ont mis dans une valise et m’ont intimé l’ordre de les suivre en me disant : "On va te tuer comme on tue les autres et on ne te verra plus, toi le grand journaliste, ce sera fini pour toi". Dehors une cinquième personne qui faisait le gué l'a contredit : "Non on ne va pas le tuer."

Mais ils s'en sont pris à votre sœur…

Ils m’ont ramené dans ma chambre et m’ont demandé avec qui j’habitais dans la maison. J’ai répondu : "Avec ma sœur". Ils ont repris : "On a appris que ta femme est française, elle est où ? J’ai répondu qu’elle était de nationalité péruvienne et qu’elle se trouvait en France. Ils ont insisté pour savoir où elle se cachait. Ils ont ouvert mon bureau, ont fouillé dans mes affaires, confisqué mon passeport puis ont pris ma petite sœur et l’ont amené dans ma chambre. Puis ils ont intimé au gardien l’ordre d’abuser sexuellement d'elle, là devant moi. Celui-ci, qui est assez âgé, a refusé et a demandé qu’on le tue. Un des assaillants est alors intervenu en disant qu’ils n’allaient pas le tuer, et qu’ils s’occuperaient eux même de ma sœur. Trois des quatre assaillants l’ont prise pour l’emmener dans sa chambre et ont abusé d’elle. Je les entendais. Ce qui était curieux, c’est qu’ils étaient en communication téléphonique avec quelqu’un. Je ne comprenais pas leurs échanges.

Ils ont par la suite ramené ma petite sœur, et nous ont enfermés avec le gardien dans ma chambre. Je les ai entendus vandaliser mon salon. Ils ont emporté ordinateur, télé, toiles de peinture... et un peu d’argent que j’avais.

Suite à votre agression, des rumeurs circulent sur une supposée expédition punitive contre vous après votre couverture d’un meeting de l’opposition deux jours plus tôt. Qu'en dites-vous ?

Je ne voudrais pas spéculer. J’ai couvert le meeting de l’opposition où plusieurs militants ont été bastonnés. J’ai pris des photos et j’en ai posté une d’un militant en sang sur Facebook. Je n’ai fait que mon travail de journaliste. C’était un scoop. On m'a dit que ce serait cette photo, comme une goutte d’eau qui aurait fait déborder le vase, qui serait à l’origine de mon agression. Une fois de plus, comme je n’ai pas de preuves, je ne peux pas l’affirmer. Pour moi ces gens étaient des bandits. Des voyous de la police ou de l’armée, comme certaines personnalités qui m’ont apporté leur soutien me l’ont dit ? Je ne saurais le dire.

Auparavant, aviez-vous reçu de quelconques intimidations ?

Oui, j'en reçois régulièrement. Un responsable de la police m’a même dit : "Un jour on va te tuer". Je lui ai répondu que je m’en foutais, que je ne serais pas le premier à être tué et qu'il y aurait d’autres personnes qui continueraient à faire mon travail. Les journalistes sont souvent menacés. La police est venue pour faire un constat chez moi, j’ai l’intention de porter plainte.
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Ifrikia Kengué, à Brazzaville 
Jeune Afrique

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