vendredi 19 septembre 2014

De Nelson MANDELA, le “héros” noir des élites occidentales, à Robert MUGABE, le «dictateur» apprécié de la plupart des Africains.


J’ai affirmé que Nelson Mandela n’avait rien fait pour son peuple. Ceux qui n’ont pas apprécié mon article consacré à ce « héros » africain des élites occidentales, m’ont critiqué, moi, sans vraiment remettre en question les éléments que j’ai présentés pour étayer mes propos. 

L’argument qui revient souvent concerne le Zimbabwe de Mugabe. 

Certains Africains déclarent que Mandela a été plus sage que Mugabe dont le pays, disent-ils, traverse une grave crise socio-économique depuis la fameuse reforme agraire. 

Je réponds OUI mais cette crise n’est pas tombée du ciel. Il faut apprendre à analyser les causes profondes des événements qui touchent l’Afrique, et non se contenter de « philosopher » sur les conséquences dont on ignore les causes. 

L’Occident a imposé une série d’embargos économiques contre le Zimbabwe, et a fait croire aux Africains et au reste du monde que la terrible crise qui en résultait était le fait de la mauvaise gestion du pays par le pouvoir d’Harare. 

Pourtant en Afrique du Sud de Mandela où rien de consistant n’a été entrepris pour sortir la masse de la misère, où l’on a laissé l’apartheid économique prospérer plus que jamais au détriment de la majorité [noire], on a continué de jeter des fleurs. 

Parmi les pourfendeurs de la politique de Mugabe figuraient des riches propriétaires terriens sud-africains (Blancs, on s’en doute) qui craignaient que la reforme agraire zimbabwéenne « contamine » l’Afrique du Sud et les autres pays de la région aux prises avec le même problème des terres. 

En Afrique du Sud particulièrement, la répartition des terres est la plus inique de toute la région. En effet, jusqu’au milieu des années 2000, les deux tiers des meilleures terres du pays se trouvent aux mains de quelque 60 000 fermiers blancs tandis que les 14 millions d’agriculteurs noirs doivent se contenter de ce que le pouvoir raciste leur avait concédé à l’époque de l’Apartheid. 

Depuis l’arrivée au pouvoir de l’ANC, seulement 1% des terres ont changé de mains au lieu des 30% prévus. Voilà pourquoi le président Mugabe est adulé en Afrique du Sud, c’est un véritable héros pour la majorité noire qui croupit encore dans la misère. 

C’est cette admiration des Noirs sud-africains pour Mugabe qui fait que les différents dirigeants de l’ANC au pouvoir se trouvent dans l’impossibilité d’appliquer l’embargo réclamé par les Occidentaux. 

On a raconté au monde entier que la reforme agraire [et non l’embargo] de Mugabe avait échoué, qu’elle avait semé la misère, on a aussi prétendu qu’elle avait occasionné des centaines de victimes alors qu’en Afrique du Sud de Mandela, pays arc-en-ciel, où il y a eu des milliers de morts depuis l’avènement de l’ANC au pouvoir, on se tait. 

Combien d’Africains savent-ils seulement qu’il y a eu plus de morts en Afrique du Sud qu’au Zimbabwe ? 

On parle même aujourd’hui de « génocide contre les Blancs ». C’est un peu exagéré, on en convient, mais la réalité est qu’il y a plus de soucis à se faire du côté de l’Afrique du Sud où les populations noires des Township, trahies par des élites corrompues et complices des fondamentalistes néolibéraux, appellent à la révolte, qu’au Zimbabwe où la réforme agraire a résolu un certain nombre de problèmes et réduit l'écart entre les Noirs et les Blancs. 

« Mais qui s’émeut du fait qu’en Afrique du Sud, plus de 1000 fermiers (contre quelques dizaines au Zimbabwe) ont été assassinés depuis 1999 ? » écrit la journaliste belge Colette Braeckman. 

Reconnaître haut et fort une telle réalité reviendrait à donner raison à Mugabe. Aucun gouvernement en Occident, aucune presse occidentale « libre » ne peut se le permettre. 

Il faut continuer à louanger le pays de Mandela ; le seul où l’on se vante d’avoir conclu une sorte de « traité de paix » sans rendre justice aux victimes de l’Apartheid, où l’on vante l’avènement de quelques nègres millionnaires à côté de millions de pauvres noirs, où l’on vante un « développement » qui profite à une minorité de privilégiés ... 

Élever un groupe de militants noirs au rang des élites blanches qu’ils combattent, ils oublieront la majorité pour laquelle il combattait. 

C’est ce que les élites blanches sud-africaines ont réussi à faire en cooptant la plupart des leaders de l’ANC et surtout en les initiant merveilleusement bien à l’économie du marché. 

Le Wall street Journal, le journal de l’establishment américain, ne compare-t-il pas Mandela à Margaret Thatcher ? 

Ces Occidentaux et leurs cousins sud-africains détestent Robert Mugabe parce que lui, contrairement à Nelson Mandela, n’a pas trahi son peuple. 

Il a entrepris une reforme courageuse qui fait aujourd’hui le bonheur du peuple zimbabwéen, n’en déplaise à ces Africains habitués à colporter les mensonges des médias sans aucun esprit critique. 

Comme l’a déclaré Jean-Yves Ollivier, cet homme d’affaire français proche de Jacques Chirac et grand connaisseur de l’Afrique australe ─ que j’ai d’ailleurs eu l’occasion de rencontrer─, « si une meilleure redistribution des richesses et la prospérité du plus grand nombre étaient les buts recherchés, la réforme agraire n’aura pas été un échec. » 

Et d’ajouter : « […] quelles que soient les tares du pouvoir Mugabe, il est faux de prétendre que la réforme agraire n’a été qu’un violent transfert de propriétés (un vol à main armé commandité par l’Etat) de fermiers blancs au profit de “barons” du régime. 

Car, même à supposer que ce fût l’intention, le résultat n’est pas celui-là: dans la province de Masvingo, la seule pour laquelle l’étude de terrain de Ian Scoones (chercheur à l'Institut pour les Etudes de Développement) a établi des chiffres fiables, moins de 5% des 400 fermiers locaux sont des “pontes” du régime. 

En revanche, deux tiers étaient auparavant des “sans terre”, l’équivalent de nos sans-culottes. […] Donc, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si tous les journalistes faisaient leur travail de passeurs de nouvelles. Hélas, ils ont peur de se déjuger et préfèrent chausser des œillères. 

Il est toujours malaisé de se plaindre de la presse. Surtout quand vous avez l’air de défendre un “dictateur” africain. Or, quand bien même Robert Mugabe serait-il ce requin habituellement décrié, n’aurait-il pas droit à la vérité des faits ? »

Non. 

Aux yeux des « faiseurs d’opinions » occidentaux et leurs relais africains, Robert Mugabe n’est pas Nelson Mandela, et n’a donc pas droit à la vérité des faits. 

Lui, qui, contrairement à Mandela qui servait de sous-traitant à l’impérialisme nord-américain en Afrique centrale, s’est opposé de toutes ses forces à la déstabilisation de la RD Congo par les puissances anglo-saxonnes via le Rwanda et l’Ouganda, en 1998. 

Son immixtion dans les affaires congolaises ne lui sera jamais pardonnée par les États-Unis et leurs alliés. Le Congo fut, bien avant la reforme agraire du début des années 2000, le premier grand péché de Mugabe. 

Comme le fait observer Mme Braeckman, « Harare paiera au plus haut prix le fait d’avoir déjoué le projet de mise à l’écart de Kabila (Ndlr : Laurent-Désiré) en août 1998, d’avoir empêché la mise sous tutelle du Congo, d’avoir placé ses propres industries en concurrence avec les intérêts occidentaux et sud-africains dans le secteur minier. »

C’est suite à l’intervention du Zimbabwe dans les affaires congolaises que les Institutions financières internationales (IFI), notamment la Banque mondiale et le Fond Monétaire Internationale (FMI), bras financiers de l’impérialisme occidental, vont retenir les fonds qui devaient financer la reforme agraire au Zimbabwe, ouvrant ainsi la voie à une série d’incidents qui conduira Harare, qui honorait régulièrement ses créances, à rompre avec les IFI. 

Quelques temps après, le président Robert Mugabe lançait la fameuse reforme agraire. Son deuxième grand péché. Un péché qui a coûté très cher au peuple zimbabwéen mais qui fait aujourd’hui son bonheur.

Je ne rédige pas ce papier à la gloire d’un homme. Ce sont les faits qui m’intéressent ici. Je ne considère pas le président Mugabe comme un saint. Il ne l’est pas. Et alors pas du tout. Des griefs à son endroit, je pense qu’il y en a des tonnes. 

Toutefois, l’examen rigoureux des faits autorise à distinguer ce qui relève de la supputation et ce qui repose sur des éléments attestés. Surtout dans un monde où l’on est quotidiennement soumis au matraquage d’une presse occidentale allergique aux dirigeants africains qui résistent aux « faiseurs des chaos » sur le continent africain.

Robert Mugabe, malgré ses nombreux défauts et erreurs, est un chef d’État qui se respecte et qui impose le respect ; « dictateur » pour une certaine presse fastfood occidentale, il demeure pour beaucoup de jeunes africains un « héros ». 

Il s’est battu et continue de se battre sans concession (j’insiste sans concession) pour le bien-être de son peuple, contrairement à beaucoup sur le continent. À commencer par celui qui nous a récemment quitté : Nelson Mandela, le « héros » noir des élites occidentales. Paix à son âme.
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Patrick Mbeko

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