13 octobre 2014
Le Katanga est une province clé de la république démocratique du Congo. Pas seulement d’un point de vue économique, même si elle représente à elle seule plus de 40% du PIB du pays. Elle est aussi forte en tant que force politique.
Avec plus de 10 millions d’habitants répartis sur un territoire 16 fois plus grand que la Belgique, la province peut peser lourd au moment des élections, ou de référendums.
Or justement, Joseph Kabila veut un référendum pour changer la constitution et prolonger sa présidence, normalement limitée à deux mandats.
Pas de chance, le Katanga est fermement opposé à ce changement. Le président Kabila a beau être un enfant du pays, il n’en demeure pas moins que la province se sent délaissée et veut le faire savoir.
Le bras de fer a déjà commencé, et à Lubumbashi, chef-lieu de la province (plus de 2 millions d’habitants), on veut bien montrer qu’on est les plus fervents opposants à la manipulation constitutionnelle à laquelle s’apprête le régime.
En avril 2014, la société civile katangaise a pu facilement réunir 120.000 signatures contre la révision. 5 mois plus tard, se sont les étudiants qui étaient sortis dans une marche de protestation faisant beaucoup de bruit.
Deux mandats du président Joseph Kabila n’ont pas pu sortir la province de la pauvreté, de l’insécurité. Les voix des katangais sont très compromises.
C’est justement dans ce registre que compte agir le président pour amadouer les katangais. Améliorer leur niveau de vie, en commençant par de grandes infrastructures. Il serait prêt à faire de grands sacrifices pour que la province votre en sa faveur.
Or, il lui faut de l’argent. Beaucoup d’argent qu’il n’a pas. Par conséquent, ne pouvant rien sacrifier, lui-même, il va « inviter » au sacrifice les entreprises les plus prospères du pays, en fait de la province du Katanga.
Le sort est donc tombé sur les miniers. Ils étaient tous, 16 au total, invités chez le président le 6 septembre dernier. Au menu, la contribution de chacun au fonds appelé Basket Fund. Bien sûr les miniers ont été bien informés qu’il s’agit d’une contribution « volontaire ».
Bien sûr aussi, personne n’y a cru. Les miniers se sont déclarés exaspérés d’être tout le temps rackettés de la sorte. Ils pensent que l’Etat aurait du affecter de manière judicieuse les fonds récoltés de manière normale à travers le budget.
L’un des invités a même souligné que de telles pratiques n’aident pas à l’amélioration du climat des affaires. Effectivement qui oserait investir sachant que le président peut, à n’importe quel moment, le dépouiller ? Lourd dilemme pour les opérateurs.
Ne pas contribuer au Basket Fund sera interprété comme un insupportable acte de lèse-majesté avec toutes les conséquences qu’on peut imaginer dans de telles circonstances.
Par conséquent, il vaut mieux racler le fonds de caisse pour contribuer « volontairement » au fonds du président, et donc à la réussite du référendum lui octroyant un troisième mandat. Et peut-être même, qu’est ce qui l’en empêche, la présidence à vie. Tout le monde s’y met. Les miniers se débrouilleront bien avec leur comptabilité.
L’affaire serait en fait trop facile. Le mécontentement au Katanga est si fort que des kilomètres d’autoroute ne suffiront pas pour l’éteindre. Ni les écoles, ni les hôpitaux qui manquent cruellement à une population qui se sent abandonnée, d’ailleurs.
Les Katangais sont décidés à donner la chance à l’alternance. Pour eux, même si le futur président n’est pas de la province, ce ne serait pas un mal pour eux. Ils ont déjà essayé le « fils du pays », 32 ans avec Mobutu et avec Kabila (père et fils et compagnie). Cela n’a rien donné.
« Notre pays a besoin de l’alternance du pouvoir à la tête de l’État pour des nouvelles idées de développement et surtout couper le cordon ombilical qui lie les Kabila aux pays de l’Est dont le Ruanda, l’Uganda et le Burundi qui vient d’occuper une partie de la Rd Congo dans le territoire d’Uvira », réclame un Katangais.
« Non à la révision de la constitution pour la pérennisation du pouvoir de Joseph Kabila qui a trahi notre pays par des infiltrations massives ayant causé plus de 6 millions de morts et des villages entiers vidés de leurs populations… », ajoute-t-il.
En tout cas, les Katangais ont bien senti le pot aux roses : « Acheter les consciences est la dernière trouvaille de Kabila et ceux qui l’inspirent, mais c’est trop tard », confirme un acteur de la société civile.
______________
Pierre Bonsergent
MEDIAPART
Le Katanga est une province clé de la république démocratique du Congo. Pas seulement d’un point de vue économique, même si elle représente à elle seule plus de 40% du PIB du pays. Elle est aussi forte en tant que force politique.
Avec plus de 10 millions d’habitants répartis sur un territoire 16 fois plus grand que la Belgique, la province peut peser lourd au moment des élections, ou de référendums.
Or justement, Joseph Kabila veut un référendum pour changer la constitution et prolonger sa présidence, normalement limitée à deux mandats.
Pas de chance, le Katanga est fermement opposé à ce changement. Le président Kabila a beau être un enfant du pays, il n’en demeure pas moins que la province se sent délaissée et veut le faire savoir.
Le bras de fer a déjà commencé, et à Lubumbashi, chef-lieu de la province (plus de 2 millions d’habitants), on veut bien montrer qu’on est les plus fervents opposants à la manipulation constitutionnelle à laquelle s’apprête le régime.
En avril 2014, la société civile katangaise a pu facilement réunir 120.000 signatures contre la révision. 5 mois plus tard, se sont les étudiants qui étaient sortis dans une marche de protestation faisant beaucoup de bruit.
Deux mandats du président Joseph Kabila n’ont pas pu sortir la province de la pauvreté, de l’insécurité. Les voix des katangais sont très compromises.
C’est justement dans ce registre que compte agir le président pour amadouer les katangais. Améliorer leur niveau de vie, en commençant par de grandes infrastructures. Il serait prêt à faire de grands sacrifices pour que la province votre en sa faveur.
Or, il lui faut de l’argent. Beaucoup d’argent qu’il n’a pas. Par conséquent, ne pouvant rien sacrifier, lui-même, il va « inviter » au sacrifice les entreprises les plus prospères du pays, en fait de la province du Katanga.
Le sort est donc tombé sur les miniers. Ils étaient tous, 16 au total, invités chez le président le 6 septembre dernier. Au menu, la contribution de chacun au fonds appelé Basket Fund. Bien sûr les miniers ont été bien informés qu’il s’agit d’une contribution « volontaire ».
Bien sûr aussi, personne n’y a cru. Les miniers se sont déclarés exaspérés d’être tout le temps rackettés de la sorte. Ils pensent que l’Etat aurait du affecter de manière judicieuse les fonds récoltés de manière normale à travers le budget.
L’un des invités a même souligné que de telles pratiques n’aident pas à l’amélioration du climat des affaires. Effectivement qui oserait investir sachant que le président peut, à n’importe quel moment, le dépouiller ? Lourd dilemme pour les opérateurs.
Ne pas contribuer au Basket Fund sera interprété comme un insupportable acte de lèse-majesté avec toutes les conséquences qu’on peut imaginer dans de telles circonstances.
Par conséquent, il vaut mieux racler le fonds de caisse pour contribuer « volontairement » au fonds du président, et donc à la réussite du référendum lui octroyant un troisième mandat. Et peut-être même, qu’est ce qui l’en empêche, la présidence à vie. Tout le monde s’y met. Les miniers se débrouilleront bien avec leur comptabilité.
L’affaire serait en fait trop facile. Le mécontentement au Katanga est si fort que des kilomètres d’autoroute ne suffiront pas pour l’éteindre. Ni les écoles, ni les hôpitaux qui manquent cruellement à une population qui se sent abandonnée, d’ailleurs.
Les Katangais sont décidés à donner la chance à l’alternance. Pour eux, même si le futur président n’est pas de la province, ce ne serait pas un mal pour eux. Ils ont déjà essayé le « fils du pays », 32 ans avec Mobutu et avec Kabila (père et fils et compagnie). Cela n’a rien donné.
« Notre pays a besoin de l’alternance du pouvoir à la tête de l’État pour des nouvelles idées de développement et surtout couper le cordon ombilical qui lie les Kabila aux pays de l’Est dont le Ruanda, l’Uganda et le Burundi qui vient d’occuper une partie de la Rd Congo dans le territoire d’Uvira », réclame un Katangais.
« Non à la révision de la constitution pour la pérennisation du pouvoir de Joseph Kabila qui a trahi notre pays par des infiltrations massives ayant causé plus de 6 millions de morts et des villages entiers vidés de leurs populations… », ajoute-t-il.
En tout cas, les Katangais ont bien senti le pot aux roses : « Acheter les consciences est la dernière trouvaille de Kabila et ceux qui l’inspirent, mais c’est trop tard », confirme un acteur de la société civile.
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Pierre Bonsergent
MEDIAPART
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