Depuis quelques mois en République démocratique du Congo (RDC), l’enjeu du débat politique tourne autour de la candidature de Joseph Kabila qui, en 2016, totalisera 15 ans de pouvoir.
La question au centre du débat est : « va-t-il se représenter pour un troisième mandat? »
Normalement, si la RDC portait réellement son nom de - Congo démocratique -, cette question n’allait même pas se poser et faire l’objet d’un débat public.
C’est comme si l’on demandait à Barack Obama, s’il vaudrait un troisième mandat. Mais rien n’y fait, le débat s’éternise : doit-on réviser ou non la constitution?
Il y a, d’un côté, les tenants du pouvoir qui tiennent mordicus à faire sauter le verrou constitutionnel pour permettre à leur champion de briguer un énième mandat.
De l’autre, la grande majorité de la population qui ne trouve pas la nécessité et l’urgence de toucher à la constitution à quelques mois de la joute électorale.
Élection présidentielle de 2016, avec ou sans Kabila?
La constitution en vigueur en RDC ne laisse aucune possibilité de briguer un troisième mandat présidentiel, mais une franche des partis politiques de la majorité présidentielle veut faire du forcing pour réviser les dispositions intangibles.
Les partis politiques de l’opposition sont complètement en désaccord à l’idée de modifier les règles de jeu à la veille des élections. Même certaines personnalités de la majorité au pouvoir ne sont pas du tout à l’aise avec cette proposition de leur famille politique.
La deuxième personnalité dans l’ordre constitutionnel de la RDC, le président du Sénat, Léon Kengo Wa Dondo, s’oppose catégoriquement à la révision des dispositions intangibles de la constitution en vigueur:
« Si l’on modifie ces dispositions, on détruit, par le fait même, tout l’édifice constitutionnel construit dans la peine. On n’est dès lors plus dans la même constitution, mais dans une autre. Il ne faut pas tirer prétexte de la révision pour aboutir à un changement de constitution. Cela n’est pas prévu par la constitution en vigueur. »
Les confessions religieuses, notamment les princes de l’église catholique du Congo, n’ont pas raté l’occasion pour enfoncer le clou contre toute révision constitutionnelle.
Les partenaires internationaux, bilatéraux et multilatéraux de la RDC, ont également emboîté le pas. Ils sont opposés à toute modification de la constitution au stade actuel.
Le secrétaire d’État américain, John Kerry, lors de son dernier passage en RDC, avait signifié clairement son opposition à la révision constitutionnelle dans l’unique but de permettre au président actuel de briguer un troisième mandat.
L’Organisation des Nations Unies (ONU), par la bouche de l’envoyé spécial du secrétaire général, Ban Ki-moon, pour la région des Grands Lacs, Saïd Djinnit, a indiqué clairement au respect de la loi fondamentale du pays:
« La position de principe de l’ONU sur ce sujet, c’est d’encourager les États à respecter les constitutions et à créer les conditions les plus propices pour la tenue de l’élection démocratique et pacifique. »
Comme on peut l’imaginer, tous ne demandent qu’une chose, le strict respect de la constitution en vigueur.
Y aurait-il alors un candidat du PPRD en 2016?
Le jeudi 25 septembre 2014, du haut de la tribune des Nations Unies à New-York, où il a assisté à la session annuelle de l’Assemblée générale, Joseph Kabila a réaffirmé sa volonté d’organiser les élections conformément au calendrier prévu pour 2016:
« Je réaffirme la tenue prochaine des élections conformément au calendrier arrêté par la commission électorale nationale indépendante. Toutes les dispositions sont prises pour que notre pays en sorte plus apaisé, plus uni et plus fort. »
En effet, bien que le président Kabila dont mandat achève en 2016, ait réaffirmé que son gouvernement allait organiser les élections apaisées conformément au calendrier électoral, on observe malheureusement qu’aucune disposition n’est prise au sein de son parti politique, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) et de sa Majorité présidentielle (MP), pour tenter de conserver démocratiquement le pouvoir.
Joseph Kabila qui achève son deuxième et dernier mandat présidentiel, ne peut normalement plus se représenter pour un troisième mandat, mais il laisse planer des doutes sérieux sur ses intentions profondes, au point qu’on soupçonne qu’il veut, coûte que coûte, s’accrocher au pouvoir.
Pour preuve, le 21 mars dernier, lors d’une rencontre avec les membres de sa famille politique, dans sa ferme privée de Kingakati, dans la banlieue de Kinshasa, Joseph Kabila aurait clairement affirmé à qui veut l’entendre : " Il n’y a pas de Dauphin. Et, il n’y en aura pas [...] 2016, c’est de la distraction ".
Du coup, tous ceux qui, au sein de son parti politique et dans sa majorité présidentielle, voulaient prendre des ailes pour prétendre à la magistrature suprême, ont reçu un message clair et net de tempérer les ardeurs.
Mais même dans la certitude, un manager qui ne prévoit pas des alternatives de sortie éventuelles est un imprudent.
On a beau être sûr et certain, prévoir avec minutie et dans les petits détails tout ce qu’on aimera faire pour réussir son coup, c’est toujours rassurant d’avoir un plan B pour se protéger d’un éventuel échec.
Y a-t-il un plan B au PPRD?
Je ne peux pas m’imaginer un seul instant que le PPRD n’ait pas des stratèges politiques qui réfléchissent sur des scenarios possibles et imaginables pour conserver le pouvoir qu’ils ont acquis par les armes avec de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) et conserver par un processus démocratique avec deux élections en 2006 et 2011, bien qu’une franche importante de la population congolaise a toujours douté de la transparence de ces élections.
Que je sache, aussi bien les stratèges politiques que militaires élaborent toujours deux plans pour conquérir le pouvoir ou pour gagner la guerre.
Le premier, plan A, est le principal qui consiste à y aller avec certitude pour gagner. Le second, plan B, est une pièce de rechange dans le cas où le plan A ne fonctionnait pas.
Cette stratégie est utilisée même dans la gestion des organisations. Les managers rompus dans la gestion de la chose publique ou privée, planifient toujours en tenant compte des risques éventuels et en prévoyant des issues de secours.
Les partis politiques se battent pour prendre le pouvoir ou s’y maintenir. C’est tout à fait normal dans un jeu démocratique que la lutte pour le pouvoir soit au centre de la vie politique.
Mais pour les analystes avertis de la situation politique en RDC, le débat constitutionnel qui fait rage actuellement n’augure pas de lendemain meilleur pour ce pays.
Même les plus naïfs savent que le PPRD-MP actuellement au pouvoir prépare un coup de force qui risque de replonger le pays dans le chaos.
De deux choses l’une, soit ils veulent tout foutre en l’air et replonger le pays dans un climat d’incertitude générale; soit ils engagent une épreuve de force avec tous ceux qui s’opposent à un troisième mandat présidentiel et de se maintenir par la force des armes, en faisant fi de la volonté majoritaire de forces vives du pays et du souhait de la communauté internationale qui demande de respecter strictement la loi fondamentale du pays.
La morale de l’histoire, c’est qu’il ne faut jamais sous-estimer la capacité de l’homme politique congolais à se métamorphoser.
Aujourd’hui, presque tous les anciens mobutistes du Mouvement populaire de la révolution (MPR), qui avaient poussé le président Mobutu jusqu’auboutisme, se sont recyclés au kabilisme. Ils ont réussi même à déloger les « libérateurs » qui avaient accompagnés Laurent Désiré Kabila au pouvoir.
S’il y avait un conseil à donner : il faut savoir quitter le pouvoir avant qu’il ne vous quitte. Il y a une vie après la présidence de la république. L’exemple de l’ancien président du Sénégal, Abdou Diouf, illustre bien cette réalité.
Mais pour cela, il serait mieux de préparer la relève, voire l’alternance démocratique pour le bien de son pays, de son peuple, mais aussi de tous ceux qui vous ont servi.
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Isidore Kwandja Ngembo, politologue
© Congoindépendant
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