16 oct 2014
Un rapport des Nations unies accuse la Police congolaise d’exactions et de meurtre dans sa lutte contre la délinquance à Kinshasa. L’ONU comptabilise 9 exécutions sommaires et 32 disparitions forcées.
Policier congolais à Kinshasa en 2013
© Ch. Rigaud – Afrikarabia
La Police congolaise a-t-elle eu la main lourde lors de ses opérations anti-délinquance à Kinshasa ?
Le bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’Homme (BCNUDH) répond par l’affirmative dans un rapport sur les violations des droits de l’homme pendant l’opération « Likofi » entre le 15 novembre 2013 et le 15 février 2014.
Pendant les trois mois de « chasse aux Kulunas », ces jeunes délinquants qui font régner la terreur dans la capitale, l’ONU a recensé 9 exécutions sommaires et 32 disparitions forcées.
Plus inquiétant encore, le BCNUDH estime que le nombre de victimes de l’opération « Likofi » pourrait être beaucoup plus élevé – télécharger le rapport complet de l’ONU ici
Des agents de police portant des cagoules
Le rapport du BCNUDH est particulièrement accablant pour la Police congolaise. L’ONU accuse la police « d’exécutions sommaires et extrajudiciaires à l’encontre d’au moins neuf hommes, dont un mineur, dans plusieurs communes de la ville de Kinshasa, à savoir Bumbu, Selembao, Limete, Ngiri-Ngiri, Ngaliema, Lingwala et Kalamu, entre les 19 et 27 novembre 2013 ».
« Parmi ces victimes, affirme le BCNUDH, nous avons pu identifier des petits commerçants, un pêcheur, un jeune diplômé, un joueur de football, un menuisier et un travailleur dans une cabine téléphonique ».
Les exécutions auraient été menées par des agents de la Police nationale congolaise (PNC), « portant des cagoules, certains munis d’armes à feu, et se déplaçant à bord de véhicules de type jeep sans plaque d’immatriculation ».
Des officiers impliqués ?
Les Nations-unies ont également documenté 32 cas de disparitions forcées, dont 3 mineurs. Selon les informations recueillies par le BCNUDH, « les agents de la police auraient été accompagnés d’indicateurs pour les aider à identifier les victimes ».
Si la plupart des exactions ont été commises par des agent de la Police nationale congolaise, l’ONU accuse également plusieurs officiers d’être impliqués dans des exécutions extrajudiciaires et des disparitions.
Dans la ligne de mire du rapport : le Groupe mobile d’intervention de Kinshasa-Est (GMI Kin-Est). Ces méthodes « musclées » ont été dénoncées rapidement par de nombreuses ONG, dès le lancement des opérations (voir notre article).
Le 25 février 2014 à Kinshasa, le Ministre de l’Intérieur avait d’ailleurs reconnu que l’opération « Likofi » ne s’était pas déroulée sans accrocs et avait indiqué que « des criminels s’étaient parfois présentés sous le label de l’opération pour commettre des forfaits, dont des meurtres ».
En conclusion de son rapport l’ONU demande aux autorités de mener des enquêtes « promptes, indépendantes et crédibles ».
Le BCNUDH recommande enfin aux forces de sécurité « de ne pas recourir à l’usage excessif de la force et de respecter les principes de base sur le recours à la force et l’utilisation d’armes à feu ».
Des méthodes contestées
S’il faut bien évidemment reconnaître les importants problèmes d’insécurité qui empoisonnent les Kinois et la violence extrême des « Kulunas », ce sont bien les méthodes employées par la Police congolaise qui font polémiques.
Plusieurs ONG ont dénoncé l’impunité qui règne au sein de l’appareil sécuritaire congolais et les nombreux dérapages, notamment envers les opposants politiques, autre cible du régime de Kinshasa.
Signe de la tension qui prévaut en République démocratique du Congo, le rapport de l’ONU a rapidement braqué le Ministre de l’Intérieur contre le directeur du BCNUDH, Scott Campbell.
Kinshasa a en effet demandé aux Nations-unies de rappeler son représentant, déclaré « persona non grata ». Richard Muyej, le Ministre de l’Intérieur congolais reproche au directeur du BCNUDH « ses prises de positions partisanes, de nature à compromettre la stabilité des institutions ».
« Jamais rapport ne donna une information aussi malveillante que mensongère » a déclaré le Ministre lors d’une conférence de presse.
Une chose est sûre, au-delà des bavures de la Police congolaise, ce « nettoyage » de Kinshasa est plutôt apprécié par les habitants, excédés par le banditisme urbain qui ronge la capitale. Mais n’y avait-il pas moyen d’utiliser d’autres méthodes ?
_________________
Christophe RIGAUD
Journaliste, réalisateur de documentaires TV. Anime depuis 2007 le site AFRIKARABIA consacré à la République démocratique du Congo (RDC)
Un rapport des Nations unies accuse la Police congolaise d’exactions et de meurtre dans sa lutte contre la délinquance à Kinshasa. L’ONU comptabilise 9 exécutions sommaires et 32 disparitions forcées.
Policier congolais à Kinshasa en 2013
© Ch. Rigaud – Afrikarabia
La Police congolaise a-t-elle eu la main lourde lors de ses opérations anti-délinquance à Kinshasa ?
Le bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’Homme (BCNUDH) répond par l’affirmative dans un rapport sur les violations des droits de l’homme pendant l’opération « Likofi » entre le 15 novembre 2013 et le 15 février 2014.
Pendant les trois mois de « chasse aux Kulunas », ces jeunes délinquants qui font régner la terreur dans la capitale, l’ONU a recensé 9 exécutions sommaires et 32 disparitions forcées.
Plus inquiétant encore, le BCNUDH estime que le nombre de victimes de l’opération « Likofi » pourrait être beaucoup plus élevé – télécharger le rapport complet de l’ONU ici
Des agents de police portant des cagoules
Le rapport du BCNUDH est particulièrement accablant pour la Police congolaise. L’ONU accuse la police « d’exécutions sommaires et extrajudiciaires à l’encontre d’au moins neuf hommes, dont un mineur, dans plusieurs communes de la ville de Kinshasa, à savoir Bumbu, Selembao, Limete, Ngiri-Ngiri, Ngaliema, Lingwala et Kalamu, entre les 19 et 27 novembre 2013 ».
« Parmi ces victimes, affirme le BCNUDH, nous avons pu identifier des petits commerçants, un pêcheur, un jeune diplômé, un joueur de football, un menuisier et un travailleur dans une cabine téléphonique ».
Les exécutions auraient été menées par des agents de la Police nationale congolaise (PNC), « portant des cagoules, certains munis d’armes à feu, et se déplaçant à bord de véhicules de type jeep sans plaque d’immatriculation ».
Des officiers impliqués ?
Les Nations-unies ont également documenté 32 cas de disparitions forcées, dont 3 mineurs. Selon les informations recueillies par le BCNUDH, « les agents de la police auraient été accompagnés d’indicateurs pour les aider à identifier les victimes ».
Si la plupart des exactions ont été commises par des agent de la Police nationale congolaise, l’ONU accuse également plusieurs officiers d’être impliqués dans des exécutions extrajudiciaires et des disparitions.
Dans la ligne de mire du rapport : le Groupe mobile d’intervention de Kinshasa-Est (GMI Kin-Est). Ces méthodes « musclées » ont été dénoncées rapidement par de nombreuses ONG, dès le lancement des opérations (voir notre article).
Le 25 février 2014 à Kinshasa, le Ministre de l’Intérieur avait d’ailleurs reconnu que l’opération « Likofi » ne s’était pas déroulée sans accrocs et avait indiqué que « des criminels s’étaient parfois présentés sous le label de l’opération pour commettre des forfaits, dont des meurtres ».
En conclusion de son rapport l’ONU demande aux autorités de mener des enquêtes « promptes, indépendantes et crédibles ».
Le BCNUDH recommande enfin aux forces de sécurité « de ne pas recourir à l’usage excessif de la force et de respecter les principes de base sur le recours à la force et l’utilisation d’armes à feu ».
Des méthodes contestées
S’il faut bien évidemment reconnaître les importants problèmes d’insécurité qui empoisonnent les Kinois et la violence extrême des « Kulunas », ce sont bien les méthodes employées par la Police congolaise qui font polémiques.
Plusieurs ONG ont dénoncé l’impunité qui règne au sein de l’appareil sécuritaire congolais et les nombreux dérapages, notamment envers les opposants politiques, autre cible du régime de Kinshasa.
Signe de la tension qui prévaut en République démocratique du Congo, le rapport de l’ONU a rapidement braqué le Ministre de l’Intérieur contre le directeur du BCNUDH, Scott Campbell.
Kinshasa a en effet demandé aux Nations-unies de rappeler son représentant, déclaré « persona non grata ». Richard Muyej, le Ministre de l’Intérieur congolais reproche au directeur du BCNUDH « ses prises de positions partisanes, de nature à compromettre la stabilité des institutions ».
« Jamais rapport ne donna une information aussi malveillante que mensongère » a déclaré le Ministre lors d’une conférence de presse.
Une chose est sûre, au-delà des bavures de la Police congolaise, ce « nettoyage » de Kinshasa est plutôt apprécié par les habitants, excédés par le banditisme urbain qui ronge la capitale. Mais n’y avait-il pas moyen d’utiliser d’autres méthodes ?
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Christophe RIGAUD
Journaliste, réalisateur de documentaires TV. Anime depuis 2007 le site AFRIKARABIA consacré à la République démocratique du Congo (RDC)
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