vendredi 7 novembre 2014

Bouaké: dix ans après, les associations demandent la vérité

le 07-11-2014

 
Des soldats français de la force Licorne débarquent à Abidjan, en Côte d'Ivoire, au cours d'une intervention de maintien de la paix, le 25 octobre 2007. Peu après, elles seront attaquées et riposteront violemment à Bouaké.AFP / Kambou Sia

Il y a 10 ans, le 6 novembre 2004, le bombardement ivoirien du camp militaire français de Bouaké provoquait la mort de neuf militaires français, entraînant une cinglante riposte de la force Licorne, qui détruisait l'aviation ivoirienne.

Une nouvelle page sanglante s’ouvrait : les partisans de l'ex-président Laurent Gbagbo descendent dans les rues pour s'en prendre aux Français. 8 300 ressortissants français allaient être évacués.

Quatre Ivoiriens seront prochainement jugés à Paris pour des vols commis au moment des violences contre la communauté française à Abidjan.

Mais les victimes sont aussi ivoiriennes. A l'époque plusieurs ONG s'interrogent sur les conditions d'intervention de l'armée française face aux manifestants ivoiriens : on parle d'une soixantaine de morts. Les autorités françaises vont tout faire pour relativiser les faits.

Dès le 6 novembre au soir, plusieurs milliers d’Ivoiriens convergent vers l'aéroport international d'Abidjan. 

A Paris, l'ordre est donné de bloquer les deux ponts sur la lagune. Jusqu'au petit matin, les militaires français utiliseront un hélicoptère de combat pour stopper l'avancée des manifestants : tirs de semonce, dans l'eau, puis sur le pont. Côté ivoirien, on parle d'une trentaine de morts et de très nombreux blessés, les autorités françaises minimisent les bilans.

Ce face à face violent va durer plusieurs jours et se déplacer dans le quartier de Cocody devant l'hôtel Ivoire où des ressortissants français attendent d'être exfiltrés. La chaîne Canal Plus filme : les images sont sans concession. 

David Mauger, porte-parole de l'association Survie, raconte : « On a des images de Canal Plus absolument saisissantes, où l’on voit des manifestations de jeunes qui vont vers l’aéroport, le soir, et qui sont mitraillés depuis les hélicoptères de la force Licorne », commence David Mauger. 

« Après, on a des témoignages : aux abords du camp militaire français qui jouxtait l’aéroport, eh bien, ce camp a été miné, alors qu’officiellement la France n’a plus de mines. Et les manifestants se sont fait tirer dessus par les soldats de l’armée française depuis des chars », enchaîne-t-il. 

« Et enfin, le plus spectaculaire c’est ce qui s’est passé à l’hôtel Ivoire, deux jours plus tard, où là, des chars français s’étaient agglutinés autour de l’hôtel Ivoire, et les soldats français, alors qu’ils étaient face à une foule désarmée – les images sont très claires –, ont fini par leur tirer dessus », conclut-il.

« Il s’agit visiblement de crimes de guerre ou bien de crimes contre l’humanité »

Le ministère français de la Défense finira par reconnaître une vingtaine de morts, alors que les Ivoiriens et l’association Survie parlent d'une soixantaine de morts. 

« Il n’y a absolument aucune affaire judiciaire en cours, ce qu’on trouve absolument intolérable. Il s’agit visiblement de crimes de guerre ou bien de crimes contre l’humanité et il serait sans doute temps que le pôle dédié à ce type de crimes à Paris se saisisse de cette affaire », s’indigne le porte-parole de Survie.

Les blessés se comptent par centaines. A l'époque, Amnesty International et la FIDH dénoncent l'usage excessif et disproportionné de la force de la part de l'armée française qui invoque la légitime défense. 

Les deux associations demandent vainement des commissions d'enquête indépendantes. Mais pour Gaëtan Mootoo d'Amnesty international, dix ans plus tard, la vérité doit être dite.

La FIDH souhaite, pour sa part, la déclassification de documents militaires français.


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