dimanche 21 décembre 2014

Côte d'Ivoire : les anciens rebelles n'en finissent pas de gêner le régime Ouattara

21/12/2014 

 

Le président ivoirien Alassane Ouattara à Abuja, au Nigeria, le 15 décembre 2014. © AFP

Grève de militaires, barrages, coups de feu dans Abidjan après l'arrestation vendredi d'un ex-chef de guerre: les rebelles ayant aidé Alassane Ouattara à arriver au pouvoir en Côte d'Ivoire, après son élection mouvementée fin 2010, n'en finissent pas de gêner le régime.

Les incidents impliquant les ex-combattants se multiplient depuis novembre. "Ce sont des mouvements d'humeur qui peuvent arriver. Mais à chaque fois l'ordre est instauré", rassure Bruno Koné, le porte-parole du gouvernement.

Alors qu'une présidentielle est prévue en octobre 2015, l'image d'une Côte d'Ivoire apaisée vantée par les autorités s'émiette toutefois au rythme des incidents.

Abidjan a "attendu trois ans pour neutraliser les rebelles, pour les marginaliser, les mettre au placard. Maintenant, ça va être de plus en plus difficile", juge une source sécuritaire occidentale.

Mi-novembre, des soldats en grève bloquent le pays. Le mouvement démarre de Bouaké, la deuxième ville ivoirienne, puis essaime rapidement pour atteindre Abidjan. 


Près de 9.000 anciens rebelles, intégrés dans l'armée en 2009 et 2011, exigent le paiement d'arriérés de soldes et des promotions. Alassane Ouattara souscrira à leurs doléances.

"Ouattara a ouvert la boîte de Pandore", affirme un analyste occidental. "Il s'est acheté la paix dans les casernes jusqu'à la présidentielle" de 2015 dont il est le grand favori, mais a aussi "créé un précédent" et "une instabilité probable" après l'élection, estime-t-il.

Les gardes pénitentiaires, dont 2.000 anciens rebelles font partie, se mettent ensuite en grève pour une journée. 


Le mouvement part là encore de Bouaké, ancienne capitale rebelle du nord, quand le territoire national était coupé en deux après le coup d'Etat manqué de 2002 contre Laurent Gbagbo.

La décennie de troubles politico-militaires dans le pays a culminé avec la crise postélectorale née du refus de M. Gbagbo de reconnaître la victoire de M. Ouattara à la présidentielle fin 2010.

Près de 3.000 personnes ont péri en cinq mois de violences. Détenu depuis trois ans par la Cour pénale internationale, l'ex-président sera jugé en juillet 2015 pour "crimes contre l'humanité".

Les chefs des ex-rebelles qui ont soutenu le président Ouattara face au camp Gbagbo lors de la crise postélectorale sont, eux, devenus les piliers du nouveau pouvoir. 


Les anciens "com'zones" (commandants de zone) trônent au sommet de la hiérarchie sécuritaire.

"Décapitation de la rébellion"

La Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) dénonçait récemment l'impunité dont bénéficient les ex-chefs de guerre, notamment Losséni Fofana, dit "Loss", désigné pour sa responsabilité présumée dans le massacre de Duékoué (ouest), qui a fait "des centaines de morts" en mars 2011. "Loss" est en charge de la sécurité militaire de tout l'ouest ivoirien.

Quelquefois, certains tombent en disgrâce. Issiaka Ouattara, dit "Wattao", a été exilé au Maroc pour une formation militaire. De son côté, Salif Traoré, dit "Tracteur", a été arrêté vendredi matin par l'armée pour un motif encore inconnu.

L'interpellation a fait un mort parmi ses hommes. D'autres ont ensuite tiré en l'air pour manifester leur colère. Des dizaines de soldats ont été appelés en renfort pour ramener le calme.

L'incident est une "conséquence de la crise" postélectorale, explique Bruno Koné, pour qui Abidjan "traite petit à petit ces questions". 


Salif Traoré était accusé d'avoir fomenté le blocage jeudi d'une route fréquentée à proximité du camp militaire d'Akouédo, le plus important d'Abidjan, ce que ses hommes nient.

Les soldats ayant érigé les barricades ont été "immédiatement mis aux arrêts" et seront "radiés", a annoncé le ministère de la Défense. 


"La décapitation de la rébellion est en train de se produire à Abidjan", glisse un sympathisant de "Tracteur".

"Ils ont oublié qu'on les a mis au pouvoir!", s'exclame un autre, gri-gri à la main, qui avertit: "on ne rentre pas dans le jeu de l'intimidation. Mais si on nous force, on le fera."
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AFP

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