dimanche 29 mars 2015

RDC : Monusco, un an de plus pour quoi faire ?

29 mars 2015

La mission de la Monusco a été reconduite d’un an par les Nations unies au Congo. Un nouveau mandat qui ne tient pas compte des erreurs du passé et un délai qui semble insuffisant pour assurer la sécurité et le soutien nécessaire aux prochaines élections.


Casque bleu de la Monusco en 2013 aux environs de Goma – Licence creative commons – Monusco

Depuis 15 ans, la présence des casques bleus en RDC cristallise a elle seule toute la complexité de la crise congolaise. Avec une question récurrente : jusqu’à quand doit rester la Monusco ? 

Depuis plusieurs années, les autorités congolaises font le pressing pour s’affranchir de la tutelle onusienne, plutôt encombrante à ses yeux. 

Mais la situation sécuritaire toujours fragile et le climat politique délétère qui règne en RDC ne plaide pas en faveur de Kinshasa qui souhaiterait pourtant voir les casques bleus partir au plus vite – voir notre article

Le Conseil de sécurité de l’ONU a tranché le 26 mars 2015 en prolongeant d’un an le mandat de la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (Monusco) et de sa Brigade d’intervention, tout réduisant ses effectifs de 2.000 soldats. Un compromis en demi-teinte qui, au final, ne semble satisfaire personne.

Une réussite et des échecs

Trois cibles prioritaires ont été définies par le Conseil de sécurité pour les 24 mois de mission de la Monusco : la protection des civils, le soutien aux élections et à la mise en oeuvre des accords d’Addis-Abeba entre les rebelles du M23 et le gouvernement, signé en février 2013. 

Sur ces trois objectifs, le bilan de la mission de l’ONU au Congo est plutôt mitigé. Concernant la protection des civils, la plus grande réussite de la Monusco est sans doute la création de la brigade d’intervention (FIB) et la défaite de la rébellion du M23, fin 2013. 

L’idée d’une force plus « agressive » et « offensive » a démontré son efficacité. Seul problème : la collaboration de la FIB et de l’armée congolaise s’est arrêtée après la chute du M23. 

La lutte contre les rebelles rwandais des FDLR s’effectue sans la présence des casques bleus qui ont décidé de ne pas participer à l’opération pour protester contre la nomination de généraux congolais accusés d’exactions. 

Dès lors, la Monusco est retombée dans son rôle d’observateur, très contesté par la population, qui ne comprend pas la passivité des casques bleus. 

Car les massacres de civils ne se sont pas arrêtés après la reddition du M23. Une trentaine de groupe rebelles sévissent toujours à l’Est de la RDC… et les tueries continuent.

Efficacité limitée

Dans la région de Beni, au Nord-Kivu, des assaillants ont attaqués à plusieurs reprises la ville, à l’automne 2014, faisant environ 300 morts. Des tueries à répétition qui se sont déroulées dans des zones où les casques bleus et l’armée congolaise étaient pourtant présents. 

L’incompréhension et la colère se sont emparées de la population qui a violemment manifesté sa détresse devant le cantonnement de la Monusco à Beni. Les casques bleus sont accusés de rester trop « passifs » dans les territoires qu’ils sont censés contrôler – voir notre article

Au lieu de lutter contre les groupes armés, toujours aussi nombreux dans l’Est du pays, la Monusco ne fait que « figer » la situation sécuritaire plutôt que de résoudre le problème. 

Autre faiblesse : le désarmement des milices a été plus que timide et jamais contraint par la force. Bilan : quelques centaines d’armes ont été récoltées…une goutte d’eau dans un océan. 

L’insécurité permanente qui règne au Nord-Katanga, avec la présence de rebelles sécessionnistes (Bakata Katanga) est encore une preuve de la faible efficacité de la Monusco et de l’incapacité chronique de l’armée congolaise a assurer un semblant d’ordre sur le territoire. 

Pourtant, les autorités congolaises souhaitent voir les casques bleus boucler leurs bagages rapidement. 

Depuis la « victoire » sur le M23, Kinshasa promet la montée en puissance de l’armée congolaise sur le terrain et espère ainsi s’émanciper d’une tutelle internationale trop « pesante » pour le régime. 

La majorité du président Joseph Kabila désire en effet voir reconduire son poulain à la tête du pays, malgré un verrou constitutionnel qui interdit au Chef de l’Etat de se représenter en 2016. 

Le pouvoir en place, verrait donc d’un très bon oeil l’ONU réduire sa voilure au Congo. Une demande partiellement acceptée, avec une réduction de 10% des effectifs de la Monusco.

Fraude électorale ?

Dans le nouveau mandat de la Monusco, qui court jusqu’en mars 2016, l’ONU met également l’accent sur le soutien aux futurs élections. Une aide cantonnée à l’organisation et à la logistique. Là encore, le mandat de la Monusco est en demi teinte. 

Premier bémol : il ne couvrira pas la prochaine élection présidentielle, fixée normalement en novembre 2016. Et si le calendrier venait à glisser, comme le redoutent la plupart des observateurs, la Monusco devrait donc prolonger de nouveau son mandat. 

Question : pourquoi ne pas avoir voté une reconduction de 2 ans dès aujourd’hui ? 

Deuxième bémol et sans doute le plus important : le rôle ambigüe de la Monusco pendant les élections. 

Si le Conseil de sécurité demande aux casques bleus d’assurer « la transparence et la crédibilité du processus électoral », force est de constater qu’en 2011, la participation de la Monusco à l’organisation du scrutin présidentiel n’a pas permis les « irrégularités et les fraudes massives ». 

Un « chaos électoral » qui a fait dire à l’Union européenne que les résultats des élections de novembre 2011 n’étaient tout simplement « pas crédibles », ouvrant une crise politique qui perdure. 

Plusieurs partis d’opposition avaient d’ailleurs dénoncé « la participation de la Monusco à la fraude électorale ». Mais si la présence de l’ONU ne signifie pas nécessairement la « réussite du scrutin », sa participation logistique semble indispensable au vu des infrastructures de communication souvent inexistantes en RDC.

Répression politique

Dans le domaine des droits de l’homme, de la liberté de la presse et d’expression, là encore l’efficacité de la Monusco est restée très limitée. 

La présence des casques bleus n’a pas empêché la trentaine de morts après les élections frauduleuses de 2011 et les 42 morts recensés par les ONG après les violentes manifestations contre la loi électorale de janvier 2015. La répression politique n’a jamais été aussi forte en RDC. 

Plusieurs leaders politiques sont actuellement emprisonnés dans des conditions litigieuses : Diomi Ndongala, le patron de la Démocratie chrétienne, proche d’Etienne Tshisekedi, d’abord enlevé, puis arrêté dans un étrange affaire de viols sur mineures ; Jean-Bertrand Ewanga, secrétaire général de l’UNC, parti de Vital Kamerhe ; Jean-Claude Muyambo, accusé d’affaires frauduleuses juste après avoir critiqué Joseph Kabila ; ou l’activiste Christopher Ngoyi détenu au secret. 

Si les casques bleus ne peuvent évidemment pas s’immiscer dans les affaires judiciaires congolaises, leur présence n’empêche pas les rafles d’opposants, comme celle des activistes de Y’en a marre, Balai citoyen, Filimbi et de la Lucha il y a deux semaines. Si le patron de la Monusco, Martin Kobler, proteste régulièrement contre les violations des droits de l’homme, ses recommandations sont le plus souvent restées lettre morte.

Dernier rempart

Les Congolais sont, à juste raison, très critiques envers la Monusco, et beaucoup se demandent si la situation serait meilleure sans les casques bleus. 

A cette question, la majorité des ONG et des organisations de la société civile et des droits de l’homme répondent par la négative et plaident pour la reconduction et même le renforcement de la Monusco. 

Car, si les populations sont souvent en colère contre des casques bleus qui « ne font rien », elles sont les premières à se plaindre lorsqu’une base de la Monusco quitte leur région. 

La présence des casques constitue une sorte de « dernier rempart » dans la tension sécuritaire permanente qui règne en RDC. 

Une digue que souhaite faire sauter Kinshasa pour pouvoir manoeuvrer politiquement à sa guise, loin du regard de la communauté internationale. 

Au final, la problématique de la Monusco n’est ni la durée de son mandat, ni son nombre, ni son coût (certes élevé), mais celle de son efficacité auprès des populations. 

Et, force est de constater que la répartition des troupes (souvent incompréhensible dans certaines zones), et leur efficience à combattre les groupes armés (la plupart du temps proche de zéro) doivent être réexaminées. 

Hélas, ce qui n’a pas été possible hier paraît bien peu réalisable aujourd’hui et le nouveau mandat de la Monusco, ne semble toujours pas tenir en compte des erreurs du passé. 

Pourtant, pour être tout à fait honnête avec le bilan de la mission des Nations unies au Congo, il est un point qui met tous les observateurs d’accord : si les casques bleus ne sont pas encore parvenus à ramener la paix sur l’intégralité du territoire, ils ont le plus souvent évité le pire.
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Christophe RIGAUD
Afrikarabia

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