mardi 9 juin 2015

RDC : Supergénocide

09/06/2015 

 

Paul KAGAME et "Joseph KABILA".

‘’Le supergénocide’’ commis au Congo-Kinshasa depuis les années 1990 interpellent certains citoyens du monde situés loin des frontières du pays de Lumumba. 


Tel est le cas de ces deux intellectuels qui viennent de publier un livre intitulé ‘’L’Occident terroriste. D’Hiroshima à la guerre des drones’’ (Montréal, Ecosociété, 2015, 175 p.)



Ils classifient ‘’le supergénocide’’ du Congo-Kinshasa parmi les crimes contre l’humanité commis par l’Occident terroriste, en toute impunité. Il l’étudie en replaçant dans l’histoire de tous les autres crimes commis par cet Occident depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu’à ce jour. 

Ils réécrivent une histoire permettant de comprendre le mode opératoire d’un Occident ayant choisi de discriminer des êtres humains en leur niant toute humanité, en les dépossédant de leurs terres, de leur droit à l’autodétermination et de leur liberté.

Dans les lignes qui suivent, nous allons essayer de ramasser certaines idées de ces deux citoyens du monde en citant les pages où nous les tirons. 


Nous espérons susciter la curiosité de plusieurs compatriotes congolais et de plusieurs autres citoyens du monde pour qu’ils lisent ce livre de manière critique et que la lutte contre l’impunité au Congo-Kinshasa se poursuive en vue d’une issue raisonnable pour les victimes directes et indirectes du ‘’supergénocide’’ décrié.

Deux intellectuels, Andre Vltchek et Noam Chomsky viennent de publier un livre très intéressant. 


Ce livre rappelle aux plus amnésiques d’entre les Congolais(es) qu’ils ont connu ‘’un supergénocide’’ depuis la guerre dite de l’AFDL.

Dialoguant avec Noam Chomsky, Andre Vltchek en est arrivé à cette conclusion après ses différents voyages effectués au Congo-Kinshasa et dans d’autres pays de l’Afrique et du monde. 


Ces voyages et sa connaissance critique de l’histoire du monde depuis ‘’Hiroshima’’ jusqu’à la guerre des drones d’Obama aident Andre Vltchek à apprécier à sa juste valeur ce qui se passe au Congo-Kinshasa depuis la guerre dite de ‘’libération’’. 

Il écrit : « J’ai plutôt choisi de me rendre en République démocratique du Congo, au Rwanda, en Ouganda, en Egypte, en Israël, en Palestine, en Indonésie, au Timor-Leste, en Océanie, dans tous ces lieux qui ont subi les pillages, les humiliations et les carnages infligés par les capitales occidentales. » (p.10)

Tous ces voyages ont permis à Andre Vltchek de se faire une idée exacte sur ce qui se passe dans les pays qu’il a visités. 


« Ayant été témoin d’innombrables conflits, invasions et guerres sur tous les continents, j’ai acquis, écrit-il, la certitude que ces drames ont pour la plupart été orchestrés ou provoqués en fonction des intérêts géopolitiques et économiques de l’Occident. » (p.10). 

Et son avis, « quant aux « informations » diffusées sur ces événements meurtriers et le sort des êtres humains » exterminés et sacrifiés en toute impunité par les empires coloniaux, elles sont grossièrement insuffisantes et partiales. » (p.10)

Discutant avec Noam Chomsky, André Vltchek est d’avis que la presse occidentale ne rend pas compte de ce dont il a été et est encore témoin. 


« Des Etats féodaux en plaine déconfiture sont vantés en tant que « démocraties dynamiques », des régimes religieux oppresseurs sont qualifiés de pays « tolérants » et « modérés », tandis que les Etats nationalistes visant la justice sociale sont invariablement diabolisés, leurs modes particuliers de développement et de redistribution de la richesse sont dénigrés, dépeints sous un jour très sombre. » (p.11) 

Qui s’occupe de ce ‘’sale boulot’’ ? Les médias et les universités d’Occident. 

Ils ont réussi à ‘’coloniser’’ les esprits. Ils désinforment et détricotent ‘’les vérités qui dérangent’’. « La désinformation à l’occidentale vise manifestement les pays qui refusent les diktats de l’Occident, tels Cuba, le Venezuela, l’Erythrée, la Chine, l’Iran, le Zimbabwe ou la Russie, et fait l’apologie de ceux qui agressent leurs voisins ou pillent leurs propres populations appauvries pour le compte des puissances occidentales, tels le Rwanda, l’Ouganda, le Kenya, l’Indonésie, l’Arabie saoudite, Israël, les plusieurs autres. » (p.11) 

L’extermination et les sacrifices imposés aux ‘’non-personnes’’ en toute impunité ont engendré la peur et le nihilisme. En effet, écrit, Andre Vltchek, « la peur et le nihilisme ont gagné la planète. La peur d’être la cible d’une « punition » de la part des maîtres occidentaux du monde. La peur d’être étiqueté, mis de côté, stigmatisé. » (p.11)

A ses yeux, plusieurs pays d’ Amérique latine sont en train de tirer leur épingle du jeu. « Autrefois dévastés par l’impérialisme, ces pays aujourd’hui affranchis débordaient d’optimisme et de couleur, ouvertement socialistes et libres. » (p.11)

Discutant avec Noam Chomsky sur ‘’des innombrables assauts et des siècles de terreur que les Etats occidentaux ont fait subir au reste du monde’’ depuis les bombes lancées sur Hiroshima jusqu’à la récente guerre des drones d’Obama, Andre Vltchek estime que « l’impérialisme occidental a directement causé la mort d’environ 55 millions de personnes (…) auxquelles on doit ajouter des centaines de millions de victimes indirectes. » (p.13) 


Ces millions de personnes ont été massacrées au nom des nobles idéaux comme la liberté et la démocratie.

Pour lui, tout comme pour Noam Chomsky, « le colonialisme européen n’a pas pris fin avec la Seconde Guerre mondiale ou dans les années 1950 et 1960.» (p.19) Il se poursuit jusqu’à l’heure actuelle. 


Pour preuve, Chomsky évoque, entre autres, les atrocités commises en RDC et leurs millions de morts, victime des milices derrières lesquelles se trouvent des multinationales et les gouvernements, tapis dans l’ombre.

Rétorquant à Chomsky qui estime que ces morts peuvent s’élever à 3 ou 5 millions, Andre Vltchek écrit : « Je suis en train de terminer un long métrage documentaire intitulé Rwanda Gambit (…). 


Les chiffres sont maintenant encore plus élevés que ceux dont vous faites état : ce sont 6 à 10 millions de personnes qui ont été tuées en RDC, un nombre à peu près équivalent à celui des victimes du roi des Belges Léopold II au début du XXe siècle. 

Mais vous avez raison : si le Rwanda, l’Ouganda et leurs exécutants sont les assassins de ces millions d’innocents, les intérêts géopolitiques et économiques occidentaux ne sont jamais loin derrière. » (p. 20) 

Les multinationales et les gouvernements impliqués dans ‘’la chasse de minéraux précieux’’ comme le coltan congolais sont des assassins ‘’indirects’’. 

Pour comprendre ces ‘’assassinats indirects’’, Noam Chomsky fait allusion à l’invasion du Vietnam du Sud ou du Cambodge. Souvent, ils échappent à la vigilance des populations autochtones. 

Au Cambodge, les paysans s’en étaient pris, en 1970, aux élites urbaines. « Ils ne voyaient pas la main de Washington derrière ces élites, écrit Noam Chomsky. C’est un peu comme dans l’est de la RDC, avec le coltan : les gens ne connaissent pas leurs assassins. » (p.21). 

Andre Vltchek abonde dans le même sens quand il dit : « Oui, il y a un parallèle à faire entre ce qui s’est produit en Asie du Sud Est et ce qui se passe au Rwanda, en Ouganda et en RDC. 

Des milices se chargent des massacres, et des millions de personnes meurent. Les populations locales sont souvent considérées comme barbares, presque comme des animaux. 

Les gouvernements et les entreprises des pays occidentaux, trop loin, ne sont pratiquement jamais tenues responsables. » (p.24) Il atteste qu’ « en RDC, les souffrances sont inimaginables. Il s’y déroule un supergénocide qui pourrait se comparer aux crimes commis il y a plus d’un siècle par Léopold II. » (p.24)

Noam Chomsky et Andre Vltchek constatent quand même « que les peuples colonisés acceptent souvent leur propre répression, voire l’honorent. » (p.26) 


Andre Vltchek donne plusieurs exemples dont celui-ci : « En Asie du Sud-Est, beaucoup de gens sont convaincus que les autorités coloniales les gouvernaient de manière juste. » (p.27) 

Noam Chomsky trouve une explication à cet état des choses en soulignant que « la colonisation peut être intellectuelle et morale comme elle peut être politique et économique. Ses racines sont profondes (…). » (p.27) 

Et il ajoute : « La plus grande force de la hiérarchie et de l’oppression est de savoir convaincre les non-personnes de considérer leur statut comme normal. » (p.28) 

Pour dire les choses autrement, la normalisation de la colonisation et de l’oppression relève de la négation de l’humanité aux personnes exterminées et à qui les terres et les ressources minérales sont ravies violemment par l’Occident. 

Le comble est que « la culture occidentale parvient à s’en tirer en toute impunité et à entretenir, aux yeux du reste du monde, le mythe voulant qu’elle soit investie de quelque mission morale, en vertu de laquelle, elle aurait le droit d’imposer ses diktats à la planète entière par l’entremise de ses organisations et de ses médias. » (33) 

Cette culture fait l’impasse sur les obstacles juridiques dressés sur le chemin des ‘’non-personnes’’. « Quiconque cherche à s’en prendre aux puissants, note Chomsky, se heurte à de véritables obstacles juridiques. » (p.37)

Face aux enjeux et aux forces en présence, Andre Vltchek avoue qu’il lui arrive de tomber dans le désespoir sans baisser les bras. 


A ce point nommé, il a aussi voulu avoir le point de vue de Chomsky en l’interpellant de la manière suivante : « Noam, le temps est venu de mettre un terme à notre conversation. Nous avons parlé des crimes contre l’humanité commis par les Etats-Unis, l’Europe et leurs alliés depuis la Seconde Guerre mondiale. Nous vivons une époque particulièrement troublante. Des campagnes d’extermination de masses ont cours en RDC et en Papouasie. (…)La guerre n’a plus grand-chose à voir avec les combats d’homme à homme : elle est maintenant dominée par des missiles meurtriers, les campagnes de bombardement et le dernier cri en matière d’armes redoutables : les drones. Synonymes de terrorisme et d’impunité totale, les drones tuent sans que l’envahisseur ait à risquer la vie de ses soldats. (…)Il n’y a pas grand-chose pour lui barrer la route, à part une poignée de pays ou d’individus déterminés. » (p.15 »-154) 

Que faire ? Et Chomsky répond : « (…) Soit nous jugeons la situation irrémédiable et renonçons à tout changement, ce qui implique nécessairement que le pire se produira, soit nous choisissons de croire que les choses pourraient s’améliorer et nous tentons d’agir en conséquence. Si ça fonctionne, tant mieux. » (p.154)

Il en va de même pour les Congolais(es) dont le pays est actuellement victime d’un ‘’supergénocide’’’.

(Plusieurs thèses développées par Andre Vltchek et Noam Chomsky sont partagées entre autres par Edgar Morin (Culture et barbarie européennes (2005)), par Thérèse Delpech (Ensauvagement. Le retour de la barbarie au XXIe siècle (2005)) et par Amin Maalouf (Le dérèglement du monde (2009))).
___________________
[Mbelu Babanya Kabudi] 

© KongoTimes

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire