Par Le Potentiel
Le 9 septembre 2010, le président de la République prenait, à partir de Goma, au Nord-Kivu, la mesure portant interdiction de l’exploitation minière sur l’ensemble de l’espace de l’ancien Kivu, à savoir le Maniema, le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. Cette mesure visait au départ l’assainissement du secteur minier de la partie Est de la République de façon à lui permettre de servir de levier aux efforts de paix, de sécurité et de développement.
Une dizaine de jours plus tard, soit le 20 septembre 2010, le ministre national des Mines est revenu à la charge pour fixer le cadre d’exécution. Curieusement, il a restreint la mesure au seul secteur artisanal, épargnant ainsi le secteur structuré. Du coup, les exploitants artisanaux se sont sentis durement frappés.
Or, c’est dans cette dernière catégorie que l’on enregistre des ex-soldats ayant combattu au sein des groupes armés, notamment les FDLR. En réalité, c’est un fourre-tout où sont également répertoriés des éléments des FARDC, particulièrement ceux issus des rangs du CNDP et des Maï-Maï.
Conséquence : le chaos, que l’on comptait combattre, sévit sur le terrain. Les efforts d’assainissement du secteur ont donné lieu à l’émergence d’une économie souterraine où la contrebande règne en maître. Qu’est-ce à dire ? Les réalités, ou encore des contraintes du terrain se sont érigées en obstacle.
ANARCHIE ET CONTREBANDE
Un mois après, il est difficile d’affirmer que tous les contours pour garantir l’applicabilité de la mesure sur le terrain ont été cernés au préalable. Au contraire, cela s’est révélé une épée dans l’eau dans un secteur livré à la prédation.
Le plus évident est que les nouvelles en provenance des zones où la mesure est d’application depuis son annonce ne rassurent pas. Les éléments des FARDC se mêlent à ceux dits non contrôlés dans l’exploitation et l’exportation illégale des minerais. L’anarchie gagne du terrain là où l’ordre devait régner au regard des motivations contenues dans la mesure du 9 septembre 2010. Sans garde-fous, la mesure d’interdiction a consacré le règne de l’arbitraire dans un secteur qui avait plus que besoin des mesures coercitives de contrôle pour mieux s’épanouir.
L’autre inquiétude, est la conversion des anciens artisanaux. Démobilisés pour la plupart, ils risquent de quitter les zones d’exploitation (notamment Walikale) pour rejoindre les bandes armées et réapprendre à vivre de leur kalachnikov dans les périphéries de grandes villes (Bukavu, Goma, Kindu).
Est-on passé à côté de la plaque ? C’est le moins que l’on puisse dire. Car, la mesure d’interdiction n’a fait qu’accroître l’élan de progression du secteur informel dans le secteur minier de l’Est. Aujourd’hui, l’économie de « survie » des zones où s’exerce une intense activité minière – quoiqu’artisanale – est véritablement en panne.
DES MILLIONS USD DE MANQUE A GAGNER
Plusieurs analystes ont présenté la mesure d’interdiction comme suicidaire pour l’économie de rente de cette partie de la RDC. « Pour un secteur économique connu pour son importance au regard de recettes à l’exportation des produits miniers qui représentent les 2/3 de revenus officiels de la province du Nord-Kivu, l’arrêt des activités minières à l’Est du Congo serait comparable à la situation d’un malade du système respiratoire à qui on retirerait sa bouteille d’oxygène », notent-ils.
Selon eux, les minerais constituent l’artère principale de l’économie formelle et informelle ainsi que l’économie de survie des milliers de ménages à l’Est du Congo. La vague déferlante de fermeture qui s’est abattue dans la plupart des comptoirs – pourtant agréés – n’a pas été bien digérée.
Des comptoirs se retrouvent dans l’incapacité d’exporter leurs minerais enfûtés ou stockés bien avant la mesure du 9 septembre 2010.
Pour la seule province du Nord-Kivu, la Division des Mines a évalué, selon des sources concordantes, le stock des minerais non encore écoulés à 1.019 936 kg de cassitérite, 68.794 kg de coltan, 13.010 kg de wolframite, et 27.730 kg de scories. Une belle manne qui devait faire l’affaire des finances provinciales et nationales. Le manque à gagner lié aux taxes perçues au transport aérien des minerais, aux droits de sortie à l’exportation ainsi que les diverses taxes payées aux services spécialisés pour le gouvernement tant central que provincial se chiffre en millions USD.
Ceux des comptoirs, qui n’arrivent plus à honorer leurs dettes auprès de leurs partenaires extérieurs, ont été obligés de mettre la clé sous le paillasson. Dans un mémorandum de la Fédération des entreprises du Congo, branche du Nord-Kivu, adressé au président de la République, les opérateurs ont estimé à 1.892.240 USD le montant des taxes qu’ils paient par mois au Trésor public. En ajoutant les chiffres non disponibles des provinces du Sud-Kivu et du Maniema, ils sont arrivés au cumul net d’au moins 3 à 4 millions USD par mois payés aux différents services de l’administration locale. Un manque à gagner substantiel qui échappe à l’Etat par le fait de la mesure d’interdiction.
Assouplir la mesure sinon la rapporter aiderait les trois provinces à percevoir librement les impôts, droits et taxes sur les produits miniers qui, malgré la mesure, sont encore exploités par des groupes commis par l’Etat pour le contrôle des mines fermées. Un paradoxe à dissiper.
Aux dernières nouvelles, il nous revient que le gouvernement, par la bouche du ministre des Mines, serait disposé à lever incessamment la mesure d’interdiction. Bonne nouvelle avant que la situation ne dégénère.
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