Par Mamadou KOULIBALY
La remise en cause des accords de coopération met la FrançAfrique en accusation. Mais lorsque Jacques CHIRAC dit qu’il connaît mieux la psychologie africaine que THABO MBEKI, il ne parle que de la partie africaine de la FrançAfrique. Car la FrançAfrique est une nébuleuse, un tissu de réseaux, une toile.
Le pacte colonial en est le texte fondateur : il trouve place dans la Constitution française de 1958 révisée en 1995. Certes, le pacte est ce qu’il est. De ce fait, il doit être solidairement dénoncé par les peuples de tous les pays africains. Mais au-delà du pacte, qu’y a-t-il donc ?
La FrançAfrique est un pacte entre une mafia française et des "hommes d’Etat" africains. Il est connu pour sa force et sa brutalité légendaire. Mais que contient donc le côté africain de cette FrançAfrique ?
Pour répondre à la question, regardons ce qu’il est, et comment il fonctionne. Dans ce tableau, aucune réponse n’est évidente. Il faut donc être prudent dans la qualification. Si nous soutenons l’idée selon laquelle ce réseau bloque la démocratisation de l’Afrique et hypothèque les libertés et les droits, la question se pose de savoir comment en Afrique, les différentes initiatives de la nébuleuse sont gérées par les élites africaines dans un environnement de sous-développement profond.
Quel est donc le rôle des élites africaines dans le sous-développement africain ? Qu’est-ce que le développement dans la conscience de ces élites ?
En fait, cette question nous entraîne au cœur du drame des pays africains et du traumatisme de leurs peuples. Elle nous demande d’expliquer comment, nous-mêmes africains, nous assumons nos responsabilités face à notre propre histoire faite de rendez-vous manqués avec la prospérité et la liberté. Cette élite qui gère le partenariat entre la France et les populations africaines a un destin aussi étrange que celui de Wangrin.
Cette approche trouble la conscience car elle nous révèle que nous nous sommes contentés de gérer depuis cinquante ans le destin commun des peuples africains après les indépendances. Gérer signifiant ici "tourner en rond", entretenir une rotation, en quelque sorte ronronner, roupiller.
Pouvons-nous aborder notre conscience lorsque pendant toute cette période nous avons fermé la porte à la liberté qui pourtant est la seule valeur qui maintienne en vie la conscience de notre appartenance à la civilisation mondiale et humaine.
Sommes-nous capables de refouler l’état de crispation qui bloque en nous toute volonté d’action, de mouvement, de développement de la modernité ? Au lieu de simplement gérer, sommes-nous capables de nous lancer à l’assaut de l’action dynamique et audacieuse ?
Sous l’ancien régime caractérisé par le règne du parti unique, la Côte d’Ivoire a été gérée pour le compte de l’Elysée, peut-on aujourd’hui faire autre chose que de gérer cet héritage ? Au lieu de gérer, pourquoi ne pas concevoir de nouveaux cadrages susceptibles d’estomper l’entropie des institutions que nous avons eues en héritage? Au lieu de gérer une difficulté pourquoi ne pas l’attaquer ? Au lieu de gérer l’Etat, pourquoi ne pas le gouverner ?
Posons alors la question de savoir quel a été le rôle des élites politiques africaines dans le sous-développement du continent. Elle nous ramène à interroger la conscience des élites.
Donc ici, nous détournons un moment les regards de la France, tout en restant vigilants, pour les braquer sur nous-mêmes. Une introspection urgente.
Les défis de l’élite politique : les usages
En Afrique, tout le monde le sait, c’est l’élite politique qui a été le principal vecteur des politiques économiques et sociales appliquées durant ces cinquante dernières années.
Au moment où, dans les années 60, nos élites politiques proclamaient les indépendances un peu partout, des défis majeurs les attendaient. Il leur fallait d’une part, assurer la stabilité politique du continent et des pays et d’autre part, transformer des économies rurales et archaïques en économies modernes et industrialisées. Les résultats par rapport à l’un ou l’autre des défis sont bien connus.
En Asie, où le problème se posait dans les mêmes termes, la première préoccupation s’est résolue rapidement et la seconde a été abordée de façon franche et victorieuse. En Afrique non.
Nous avons relativement reculé pour devenir une loque, sans âme, sans volonté. En Afrique, nous n’avons pas eu conscience de nous-mêmes en dehors de notre ethnie et de nos tribus. "Connais-toi toi-même en dehors du groupe tribal" n’a pas été une maxime d’usage des élites africaines.
La recherche de la stabilité politique s’est vite heurtée à des conflits de tous genres et cela de tous temps. Les élites politiques ont conduit les pays à l’erreur, au désespoir, au sous-développement et donc à la pauvreté.
Qu’est-ce qui n’a donc pas marché en Afrique ? Les usures.
La classe dirigeante africaine a été l’une des plus gaspilleuses de ressources comparée à celles des autres continents. Pour se donner un niveau de vie et l’entretenir, cette classe politique s’est accaparée de parts importantes des ressources générées par ces pays pauvres.
Lorsque cette élite politique a cru investir, elle a plutôt consacré les ressources de l’Etat à des biens de consommation durables comme par exemple les immeubles pour l’administration et les résidences pour elle-même ; consacrant du même coup très peu d’intérêt aux écoles, aux centres de santé, aux routes et autres commodités recherchées et attendues par les populations.
Lorsqu’elle a cru industrialiser l’Afrique, cette élite a plutôt organisé des marchés protecteurs de rentes et des entreprises monopolistiques incapables de soutenir la concurrence.
Lorsqu’elle a voulu battre monnaie, cette élite s’est contentée d’unités de compte, et a par ailleurs abandonné les moyens d’échange et de réserve des valeurs aux mains de ses partenaires extérieurs aussi étatistes qu’incompétents.
Au lieu d’adopter des politiques économiques capables de renforcer la liberté économique et la libre concurrence, cette élite s’est contentée d’être une distributrice de rentes et de quotas. Elle s’est du même coup bâti une clientèle politique dont la fonction essentielle est d’être soit "chasseur de rente" soit "bétail électoral".
Au lieu de prendre les dispositions élémentaires pour stimuler l’épargne, cette élite s’est contentée d’adopter des mesures qui ont encouragé la fuite des capitaux, et dans le même temps, elle s’est spécialisée dans la recherche de l’aide publique internationale et l’endettement massif ; construisant ainsi, naturellement, l’insolvabilité des Etats et leur mise au ban de la communauté internationale comme problème à résoudre.
Dans cette dynamique de prédation, les élites politiques sont arrivées à arracher la complicité du FMI et de la Banque Mondiale, devenus les parrains des "élèves" des programmes de stabilisation et de relance économique issus de ce que l’on a désigné alors, avec beaucoup de pudeur, le "consensus de Washington".
Le résultat de ces actes organisés de prédation est que l’Afrique est restée pauvre et continue de s’appauvrir, sans annoncer de perspectives de changement de tendance.
Les pauvres d’Afrique, de par leur nombre élevé et leur dissémination partout sur le continent, n’arrivent pas à influencer la répartition des revenus.
Les coûts de transaction qu’ils doivent affronter sont prohibitifs. La seule institution capable dans ce type de cas de répondre efficacement aux problèmes posés est incontestablement le marché hélas toujours ignoré par les élites africaines. Nous avons installé nos pays dans la trappe à pauvreté, le piège à pauvreté. Nous sommes donc des prédateurs pour nos peuples.
Mais d’où vient cette élite politique prédatrice ?
Les Etats africains mis en place à l’indépendance n’ont pas été créé par les élites africaines. Ces Etats sont des créations pures et simples des pouvoirs coloniaux au moment du changement de statut dans les années 60.
Ces Etats ne sont que des excroissances des Etats colonisateurs, mis à part peut-être, l’Ethiopie, l’Egypte et le Libéria. Ce sont les pouvoirs coloniaux qui ont définis et tracé les frontières des territoires de nos Etats. Ce sont eux qui ont sélectionnés les leaders, les capitales, les noms des Etats Africains et parfois même ceux de la plupart des tribus dont nous nous réclamons souvent avec fierté.
En 1963, réunis à Addis Abeba, les élites politiques africaines ont accepté, au nom de leurs peuples, pourtant non consultés, de ne pas remettre en cause les frontières héritées de la période coloniale. Leur responsabilité en découle, car c’est par ces frontières arbitraires que les peuples expliquent largement les conflits ethniques, les violences tribales, les charniers, les guerres de successions de dictateurs trop longtemps restés au pouvoir, les génocides, les purifications ethniques, les famines, les déplacements de réfugiés, et toutes les formes de migration vers le reste du monde et essentiellement vers l’Europe.
Cette déstabilisation congénitale est inscrite dans la nature de l’Etat africain et consubstantielle au pacte colonial, écrit ou non, qui organise d’une façon ou d’une autre le pillage des ressources et des potentialités des systèmes économiques africains étatisés.
Dès lors, les systèmes économiques eux aussi vont s’éloigner encore plus vite du marché libre et de la propriété privée des moyens de production. Les Etats africains deviennent ainsi prédateurs vis-à-vis des populations dont ils ont pourtant la responsabilité. Le système fiscal discriminatoire et complexe étouffe l’esprit d’entreprise et les droits de propriété par ailleurs non reconnus aux populations. Tout est propriété de l’Etat et l’Etat est aux mains des élites qui s’organisent pour le piller au grand malheur des citoyens.
A partir de 1960, le pouvoir politique devient la principale source d’enrichissement de l’élite africaine. Alors que le colon était loyal à sa patrie, l’élite africaine à l’indépendance n’a pas compris que lorsque l’on lui montre la lune ce n’est pas le doigt qu’il lui faut regarder. Elle aussi, par mécanique pure, est restée loyale à l’ancienne puissance coloniale.
Sa patrie ne lui sert qu’à s’enrichir personnellement et ne lui impose aucune loyauté vis-à-vis d’elle. L’élite ne s’est à aucun moment sentie loyale vis-à-vis du peuple. Au mieux, elle l’a fait quand le peuple signifiait pour elle le groupe ethnique, le clan, le parti politique mais rarement l’ensemble des populations et leurs institutions au nom desquelles elle était supposée gouverner.
L’exclusion des adversaires politiques par la prison, les coups d’Etat, les assassinats ont été l’œuvre des partis uniques mis en place à l’époque par l’élite. Cette élite refuse encore la démocratie et la liberté économique qu’elle n’a pas pu promouvoir parce qu’elle ne les connaissait pas, ou en avait une véritable peur panique.
Les élites des indépendances ont ainsi refusé le droit et la justice dans les processus de production et de répartition des richesses sur le continent. Les conflits nés du partage de ces ressources, après que le système colonial s’est servi, tournent toujours en affrontements ethniques ou religieux.
L’élite est au centre des conflits identitaires constatés à l’intérieur des Etats, puisqu’elle se prostitue à différents marionnettistes. L’élite politique africaine perd ainsi son âme, sa conscience. Car une marionnette n’a pas de vie propre. Sa vie est celle que lui offre le marionnettiste.
Depuis les indépendances, l’on a enregistré très peu de conflits entre Etats. Très souvent, les conflits ont lieu à l’intérieur des Etats. Et presque toujours, un Etat voisin sert de sanctuaire aux rebelles, qui l’utilisent comme base arrière. Les actes de prédation des élites sont internationaux et étatiques.
Quelle solution : 1789 ou 1989 ?
Les élites africaines, celles des pays francophones, se sont laissées berner. Elles ont cru à la parole de la France alors que celle-ci n’a pas de parole et pour cause :
elle ne respecte pas ses engagements internationaux vis-à-vis des Etats africains ;
elle a un mépris du peuple et de la démocratie en France comme en Afrique ;
elle s’offre des interlocuteurs dits crédibles alors que les peuples concernés ne sont en aucun moment consultés à ce sujet ;
elle a la hantise de la paix car sa survie semble dépendre des menaces perpétuelles de coups d’Etat ;
elle a une approche négationniste des droits individuels. Cette France-là, c’est celle de Charles DE GAULLE, de Georges POMPIDOU, de Valérie Giscard d’ESTAING de François MITTERAND de Jacques CHIRAC et de Nicolas SARKOZY.
Il s’agit d’une forme de totalitarisme qui n’a rien à envier à celui qui pendant plus de 45 ans s’est imposé aux pays du pacte de Varsovie.
Dans notre cas, le pacte est colonial. A l’époque du pacte de Varsovie, le pouvoir central du totalitarisme se trouvait au Kremlin. Dans notre cas, il se trouve à l’Elysée.
Le changement révolutionnaire qui a eu lieu à l’Est en 1989 éclaire d’un autre jour nos démarches en Afrique. Pour plusieurs d’entre nous, nous aimons nous référer à la déclaration universelle des droits de l’homme de 1789. Toutefois, nous devons admettre que les révolutionnaires français n’étaient pas les premiers à déclarer les droits de l’homme.
Quelques années avant, en 1776, d’autres déclarations avaient eu lieu en Amérique. Déclarations qui vont influencer celle de 1789. En Angleterre, il faut aussi savoir que bien longtemps avant, en 1679, l’Habeas Corpus avait été promulgué pour garantir la liberté individuelle et protéger contre l’arbitraire judiciaire. Dans le cas ivoirien, la déclaration qui sied le plus n’est pas celle des droits de l’homme, mais celle de l’indépendance.
Les déclarations précédentes des droits de l’homme sont devenues des propriétés universelles mais chaque peuple, pour se libérer du joug d’un dominateur, se donne une déclaration de rupture, de son refus du totalitarisme des marionnettes comme de celui des marionnettistes. Il nous faut donc une déclaration claire d’indépendance. Le sommet de l’OUA de 1963 aurait dû en faire une. Ça été une occasion ratée et nous en payons depuis le prix.
Notre cas est plus proche de 1989 que de 1789. Les indépendances fondées sur la déclaration de 1789 ont très vite tourné au totalitarisme comme 1789 avait tourné à la dictature. Notre révolution se doit d’être une quête de liberté comme celle qui animait les populations d’Europe de l’Est en 1989. Comme celle qui animait le 4 Juillet 1776 à Boston, les Représentants de l’ensemble des colonies américaines en révolte contre la domination anglaise.
Le pacte colonial comme le pacte de Varsovie n’a plus de raison d’être si les élites africaines le désirent.
Que substituer au pacte colonial ?
Il nous faut simplement développer la liberté économique, stimuler le secteur privé et préciser les droits de propriété sur nos terres actuellement propriété monopoliste de nos Etats. L’enrichissement personnel ne peut pas être le monopole des élites politiques en Afrique, et l’Etatisme ne peut pas en être le vecteur sinon nous retrouvons les vestiges du pacte colonial.
Les élites doivent maintenant s’accorder sur le fait établi par l’histoire et par la pensée, et que partagent MARX et LENINE avec HAYEK, Friedman et KIRZNER, à savoir que l’économie de marché et la propriété privée des moyens de production sont les meilleurs moyens d’enrichissement des pays et des individus à la fois.
Pour s’enrichir, il faut épargner et réintégrer cette épargne dans le processus de production sous la forme d’innovations et d’inventions par la technique et la technologie. Le développement d’un pays n’est possible que lorsque les populations sont mises dans les conditions qui les rendent aptes à s’enrichir.
Dans ce processus, et pour une économie située dans la trappe à pauvreté, ce qui compte pour l’enrichissement est moins le produit ou le revenu par tête que le capital par tête. Or, pour augmenter le capital par tête, nous n’avons que deux choix. Le capital par tête est un rapport, une fraction avec le stock de capital détenu dans une économie au numérateur et le nombre d’habitants au dénominateur. Pour que cette fraction augmente, il faut soit augmenter le numérateur (le capital) soit réduire le dénominateur (la pression démographique).
Or, une des grandes caractéristiques des économies africaines est leur incapacité à contrôler la poussée démographique. Certes, le continent est sous peuplé mais le taux de croissance de la population est très élevé et stable. Ce qui, en conséquence, donne aux familles africaines des tailles moyennes parmi les plus élevées de la planète, et cela dans des conditions incompatibles avec le niveau de revenu par tête.
A moins de considérer que les maladies, les guerres, les génocides, la famine, les conflits armés de toutes sortes soient des méthodes de régulation de la démographie en Afrique, il ne nous reste que la solution de l’accroissement du stock de capital. Et pour augmenter le stock de capital, un réel défi attend les élites politiques africaines, celui de transformer un capital qui dort en capital vivant : la terre.
La terre en Afrique ne porte aucun titre foncier pour les populations qui pourtant en sont les propriétaires. Les Etats ont confisqué les terres et dépouillé les populations de leurs droits de propriété. La terre est proclamée propriété des Etats, et lorsque ce n’est pas le cas, ceux-ci ne reconnaissent aucun propriétaire à ces éléments de patrimoine.
Nous avons besoin d’accumulation primitive du capital, mais nous ne pouvons piller personne comme les conquistadors de l’époque. Nous ne pouvons coloniser aucune terre nouvelle comme les Français. Nous devons trouver sur place, dans nos pays, les instruments nécessaires à cette accumulation du capital.
Il ne s’agit pas des billets de banque que nous pouvons détenir sur nos comptes en banque. Il s’agit de ce que nous pouvons investir sur la part de notre revenu que nous épargnons. L’accumulation part de là.
Si nous consommons nos revenus dans les grandes cérémonies de mariages, de baptêmes, ou de funérailles ; si nous dépensons notre argent à des festivités, alors nous hypothéquons nos capacités financières futures.
Epargner, c’est penser à demain. Transformer son épargne en investissement est de nature à augmenter le capital et à nous rendre aptes à laisser aux générations futures plus que nous n’aurons reçu des générations passées. Le développement en découlera avec le temps l’enrichissement de générations successives à venir.
La terre est une épargne qui dort. Il nous faut la réveiller et lui donner la possibilité d’avoir une valeur d’échange sur un marché libre. Il a été souvent reproché à l’Afrique de ne pas avoir d’entreprises et d’entrepreneurs. Or, nos contrées foisonnent de paysans individuels ayant des terres qu’ils travaillent, et qui produisent des biens que nos Etats s’empressent de collecter et de commercialiser. C’est du servage. Pouvons-nous en finir avec ? Oui, mais pour cela, il nous faut préciser le cadastre dans nos brousses, délimiter nos départements et, à l’intérieur du département, nos sous-préfectures et dans la sous-préfecture, nos villages, et dans les villages, les propriétés familiales.
Nous devons distribuer pour ces produits, et aux prix coûtants, les titres de propriété et peaufiner notre code civil sur la question.
Ensuite, nous devons engager immédiatement nos banques à fournir de nouveaux produits financiers capables de financer l’agriculture ; la production agricole, et non uniquement la commercialisation des produits agricoles. Le système bancaire issu du pacte colonial mériterait d’être modernisé, et cela n’est pas possible tant que le compte d’opérations est logé au Trésor français. L’élite doit être capable d’introspection et de contestation du statu quo.
Chaque jour, nos parents qui vont au champ combinent des facteurs de production parmi lesquels leur travail, les outils champêtres et la terre. Ce sont des entrepreneurs agricoles. Mais, comme nos pratiques et nos législations, au lieu de leur donner des occasions d’épanouissement, les étouffent, alors ces entrepreneurs se révèlent incapables d’innovation culturale. L’archaïsme des méthodes culturales est en déphasage avec le monde moderne, et les rendements le sont en conséquence.
Dans l’agriculture, nous avons un grand secteur privé auquel nous ne donnons ni liberté de choix, ni droit de propriété. Ces privés deviennent vulnérables, et se retrouvent à la merci de n’importe quel prédateur. Nous n’avons pas le droit de considérer nos compatriotes comme du bétail justes bons pour nous donner des mandats politiques qui nous confient la gestion des ressources que nous captons aisément sur leurs activités, et très souvent à leur insu et à leurs dépens.
Les revenus de prédation éloignent les élites politiques des populations qui deviennent de plus en plus vulnérables. A l’indépendance, les élites, soit ont créé des entreprises monopolistiques d’Etat, soit sont devenues elles-mêmes hommes d’affaires utilisant les prébendes politiques pour développer des affaires aussi onéreuses que non compétitives. La connexion se fait là.
Lorsque les élites politiques ont alors conçu des législations, elles l’ont été pour protéger leurs propres affaires contre la concurrence libre de leurs propres concitoyens. Nous avons choisi des institutions qui ont organisé, soit la fuite des capitaux, soit l’endettement. Nous sommes tous complices. Et aujourd’hui, nous ne pouvons plus gérer le statu quo.
Pour éviter une implosion, ne vaut-il pas mieux prendre des dispositions dès maintenant ? N’est-il pas temps de rompre les chaînes que nous nous sommes mis aux pieds et aux mains nous-mêmes ? N’est-il pas temps de rompre avec les marionnettistes et les ventriloques de tout acabit ?
N’est-il pas temps de consolider la démocratie et de renoncer à la prédation à tous les niveaux ? En sommes-nous capables ?
Une chose est sûre : tant que nous n’en serons pas capables, nous resterons toujours des prédateurs pour nos peuples, mais des proies faciles pour la FrançAfrique. Et il n’est pas sûr que l’esprit de 1989 permette à nos peuples de nous suivre dans cette perspective.
Lorsque nous allons dans la même direction que nos peuples, nous faisons chemin ensemble. Mais lorsque nous dévions, ils sont libres de continuer sans nous : tel est le sens de notre volonté de changement.
Source: http://mampouya.over-blog.com/
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