RDC. Les députés ont dit : « Trop c’est trop » ! Du théâtre, sans plus !
De Kinshasa, à travers le journal Le Potentiel de ce lundi (29 novembre 2010), nous apprenons qu’à l’Assemblée nationale les députés ont tapé du poing sur la table et exigé la démission du gouvernement Muzito. Pour cause. Un contrôle de la commission Ecofin révèle que les 44 poches des membres de ce gouvernement auraient détourné 60 milliards de FC au cours du seul premier semestre de l’année 2009. Et pour une fois, les députés, toutes tendances confondues, majorité et opposition, ont crié : « Trop, c’est trop ; ces criminels économiques doivent démissionner. » L’Apostropheur du Le Potentiel qui donne cette information souligne le fait que ce contrôle parlementaire représente le 1/5 du travail pouvant être abattu depuis le début de cette législature en 2007. A travers son Apostrophe, le manque de contrôle depuis 2007 n’est pas questionné.
Soit dit en passant : « Qu’il y ait eu un contrôle en 2010 est une bonne nouvelle. » Cela serait à mettre à l’actif de « la jeune démocratie congolaise ». Même si nous nous ne saurons aller jusque-là ! En plus du fait que l’exclusion du contrôle du fonctionnement de l’imposture démocratique congolaise participe d’un système de prédation mis en place chez nous depuis l’assassinat de Lumumba et le coup d’Etat de Mobutu, les quelques commissions ayant travaillé dans ce sens depuis le début de la guerre d’agression menée contre notre pays ont vu les résultats de leurs enquêtes classées sans suite. Citons entre autres les Commissions Lutundula et Bakandeja. Ajoutons à ces deux commissions les différents rapports des experts de l’ONU à commencer par celui de Gersony (qui peut être lu aujourd’hui dans les annexes du dernier livre de Pierre Péan) et celui dénommé Kassem (de 2002).
Un coup d’œil jeté sur ces différents rapports révèle que le système de prédation mis sur pied se maintient par l’existence d’un réseau d’élite auquel appartiennent certains députés siégeant dans l’Assemblée nationale. Ce système se maintient aussi par l’entretien de la corruption et l’instrumentalisation des liens tribaux et ethniques dans le soutien des élites locales prédatrices. Il joue sur l’amnésie, l’ignorance et le manque de patriotisme dans lesquels plusieurs d’entre nous sont tombés. Le goût de l’enrichissement illicite et illégal a corrodé plusieurs cœurs et esprits congolais.
Pointer du doigt le gouvernement Muzito pour ses crimes économiques et réclamer sa démission, c’est jouer au théâtre, sans plus. Il ne serait pas exclu qu’en vue de probables élections de 2011 certains critiques acerbes de ce gouvernement fassent un appel de pied pour « le ôtes-toi de là que je m’y mette ». Non. Tout le système est pourri. Il est fondé sur la prédation. Il est téléguidé de l’extérieur et fonctionne avec le soutien des criminels de guerre et les criminels économiques ayant infiltré les institutions mises sur pied depuis « la libération de l’AFDL ».
La part de responsabilité congolaise se comprend mieux quand elle est située dans l’engrenage du travail en réseau et des principes qui le guident. Un exemple.
Pour réaliser son projet d’accéder au pouvoir au Rwanda et d’annexer le Kivu, le FPR avait besoin d’argent et de beaucoup d’argent. Mais aussi d’un cheval de Troie pouvant l’aider dans cette entreprise. Un rappel. Le FPR reconduit un rêve ancien. Un rêve datant, pour certains auteurs des années 60. La réalisation de ce rêve obéit à certains principes dont celui-ci : « Nous devons lutter contre les Wanandes et les Hutus qui s’opposent à Jean Mirubo en nous servant des Hutu (bantou) naïfs. Profitons de cette cupidité des Hutu (bantou). Offrons-leur de l’alcool et de l’argent. Ne regardons pas ce que nous dépensons car nous avons suffisamment d’argent. » C. ONANA, Ces tueurs tutsi. Au cœur de la tragédie congolaise, Paris, Duboiris, 2009) Où est-ce que le FPR (APR) est allé chercher l’argent ? Au Congo.
Au cours de la guerre d’agression, « les opérations du réseau d’élite dans l’est de la République démocratique du Congo sont gérées centralement par le Bureau Congo de l’APR, qui assure la liaison entre les activités commerciales (vente des matières premières exploitées au Congo) et militaires de l’APR. (…) La contribution du Bureau Congo aux dépenses militaires du Rwanda aurait donc été de l’ordre de 320 millions de dollars. Les activités financées par les recettes provenant du Bureau Congo définissent dans une large mesure la politique étrangère du Rwanda et influent directement sur la prise des décisions nationales dans de nombreux. » (Rapport Kassem cité par Pierre Péan, Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances, Paris, Fayard, 2010, p. 460-461) Dans ce contexte, avoir des chevaux de Troie au Congo facilite la tâche : distribuer de l’alcool et de l’argent et/ou entretenir la corruption, l’enrichissement illicite et illégal. Le dysfonctionnement du système étatique congolais, son affaiblissement et/ou son inexistence servent la politique étrangère du Rwanda et les intérêts de ses « amis ». Cela depuis le début de la guerre d’agression jusqu’à ce jour.
Comprendre ce système appelle à sa rupture sans renoncer au rêve panafricain. Celui-ci ne peut pas être fondé sur l’exploitation éhontée des pays frères au profit des réseaux d’élite mafieux et des oligarques capitalistes.
Revenons à nos députés. Ils exigent la démission du gouvernement Muzito et non la rupture du système. Ils donnent un coup d’épée dans l’eau. Peut-être qu’ils le font à dessein. Plusieurs d’entre eux participent du dysfonctionnement du système et de l’affaiblissement de l’Etat manqué Congolais. Et puis, jusqu’où peuvent-ils étendre leur capacité de contrôle ? Peuvent-ils contrôle les dépenses de la Présidence ? La provenance des dons présidentiels et les prêts d’argent faits aux entreprises étatiques ?
Aussi, devraient-ils être cohérents ! Comment peuvent-ils à la fois voter des lois favorisant la privatisation des entre prises nationales, l’exploitation abusive des ressources naturelles du pays par les multinationales étrangères (qui gagnent des milliards) et s’en prendre à un gouvernement de voleurs de poules ? Pourront-ils revenir sur le moratoire sur la double nationalité ? Laquelle double nationalité a permis l’infiltration des institutions par les laquais du FRP et des oligarques capitalistes ?
Soit dit en passant le FPR a reconduit un rêve farfelu et commis des crimes pour le réaliser. Mis entre parenthèse le côté fou de ce rêve et les crimes qu’il a engendré et engendre encore, la question du rêve, de l’idéal que nos députés veulent servir sur le court, moyen et long terme se pose. Quelle est leur vision commune du Congo de demain ? Quels sont les moyens dont ils disposent pour la réaliser ? Les moyens matériels, spirituels, culturels, sociaux, économiques, etc. Leur réveil nous paraît tardif et naïf. Il se focalise sur un épiphénomène ; sur une petite face visible de l’iceberg. C’est vraiment un coup d’épée dans l’eau. Un sursaut électoraliste, sans plus. Du théâtre de chez nous destiné aux naïfs en politiques.
Non. Messieurs les honorables ! Ce n’est pas au gouvernement Muzito que vous devriez vous en prendre. Mais plutôt au système que vous servez. C’est de la rupture d’avec votre système maffieux de prédation qu’il est dorénavant question et non d’une petite solution palliative.
J.-P. Mbelu
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